Alban
Le redouté instant des deux derniers mois est, pour mon plus grand malheur, arrivé. Apportant avec lui le retour de mes collègues. Ils se permettent de juger ma méthode d'enseignement et même tellement d'autres choses. Je n'enseigne pas dans un établissement quelconque, donc dès qu'une note dépasse 85, je reçois l'étiquette de professeur un peu trop "cool".
Plutôt que de me préparer, je reste là, contemplant la silhouette nue sous mes propres draps. Il serait trop beau de ma part de me rappeler de qui il s'agit... Probablement Stella... ou peut-être Ella ? En tout cas, dans mes vagues souvenirs, son nom se termine par "ella". Elle est blonde. Bien que je déteste qualifier les gens de "blonds", car mes cheveux sont bien plus blonds, d'une blondeur éclatante, presque trop lumineuse. On pourrait même dire qu'ils sont blancs. Non pas que je m'en plaigne, ça m'offre une singularité.
Il est peut-être temps que je m'habille. Je dois partir dans moins de 45 minutes et donc réveiller cette femme presque étrangère à mes yeux.
Je choisis de sauter le petit-déjeuner pour ne pas perdre de temps. Après m'être brossé les dents, j'enfile ce costume qui n'est plus sorti de mon placard depuis deux mois, je me coiffe et finalement, je vais réveiller la femme.
— Stella ? Réveillez-vous, je dois me casser, dis-je en la secouant légèrement.
— Ella, corrige-t-elle.
Je fronce les sourcils, plongé dans la l'incompréhension.
— Mon nom est Ella, me reprend-elle.
Ca ne m'étonne pas. J'ai battu tous les records cet été, alors je suis bien loin de me rappeler le nom de celles qui ont partagé le même endroit qu'elle.
Je quitte la pièce, me dirigeant vers la cuisine. En ouvrant le tiroir pour y saisir mes clés, je découvre mes sachets de cocaïne. Là encore, j'ai battu un record, je ne me suis plus drogué depuis une semaine. Une semaine peut sembler courte, mais pour quelqu'un qui en faisait un usage quotidien, c'est une véritable première.
La femme, enfin vêtue de ses vêtements tous froissés, traverse le couloir, prête à partir.
— Aller, au revoir Stella ! la salué-je.
— Ella ! réplique-t-elle avant de claquer la porte derrière elle.
Eh bien, ma mémoire n'est décidément pas très fiable.
J'allume une cigarette, quitte mon appartement en prenant soin de refermer la porte, et m'engouffre dans ma voiture. Aujourd'hui, c'est la rentrée, et je n'ai aucune envie de croiser qui que ce soit, que ce soit mes élèves ou mes collègues. J'ai oublié quelle classe je suis censé superviser. Je suis sûr que c'est une classe de terminale, mais laquelle exactement m'échappe. Heureusement, je n'ai que des terminales cette année-là, les autres sont bien trop lents et ennuyeux.
Il me faut également préparer un discours en tant que professeur principal... Tant de responsabilités ! Pour être honnête, je ne comprends toujours pas pourquoi j'ai choisi la voie de l'enseignement.
À cette heure-ci, les rues de Boston sont presque désertes, peu de monde s'y déplace. À l'exception des malheureux comme moi qui se dirigent vers le travail pour une journée des plus pénibles...
Arrivé devant l'établissement, l'agitation de la rentrée se déploie. Les élèves se pressent, les conversations fourmillent, mais moi, je me sens comme un acteur perdu dans les coulisses de son propre spectacle. Un discours de professeur principal m'attend, et bien que je tente de composer mentalement mes paroles, les sons discordants ambiants semblent étouffer toute inspiration.
Je traverse les couloirs, ignorant les regards interrogateurs de mes collègues, car oui, je suis en retard. Et finalement, j'entre dans ma salle de classe. Les visages des élèves, des jeunes esprits désireux d'apprendre ou de simplement échapper à la monotonie, se tournent vers moi.
— Bonjour, soufflé-je.
C'est ici, au milieu de ces regards inconnus, que je prends conscience de l'ampleur de ma tâche.
— Excusez moi pour ce léger retard...
Alors que je m'apprête à débuter cette nouvelle année, une question persiste dans l'ombre de mes pensées : est-ce vraiment la voie que je suis destiné à suivre ?
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Forgotten Memory
RomanceDans le quotidien de Faith Davis, la solitude est une compagne constante, une ombre qui la suit où qu'elle aille. Elle serait prête à tout pour être aimée par les autres, mais semble toujours échapper à leur affection. Pour Alban Johnson, ce sont le...