Chapitre 1 part I

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Emma, Fin-Novembre 2002.

Ma vie a changé du jour au lendemain. Un matin je n'étais qu'une simple étudiante en commerce dans une école de Paris, le suivant je devenais l'égérie des plus grandes marques. Parfois, je me demande si cela n'est pas un rêve. C'est presque trop beau pour être vrai, pourtant c'est bel et bien ma nouvelle vie. Je me souviens comme si c'était hier de mon premier contrat, de ma première soirée officielle. Je tremblais comme une feuille, heureusement Cindy a toujours été présente à mes côtés, même une année après c'est encore le cas. Je suis sa plus jeune cliente, elle prend soin de moi comme une grande sœur.
En ce mois de novembre, je suis installée dans une salle de conférence des Galeries Lafayette réhabilitée pour l'occasion en vestiaire digne de grand défilé. Ce soir, je suis conviée à lancer le solstice d'hiver, enfin surtout les illuminations de Paris. C'est un honneur et un privilège pour moi qui adore cette période de l'année : les guirlandes, les boules de noël, les sapins décorés avec de la mousse artificielle. Les lumières qui scintillent dans les yeux des passants. Cet évènement est attendu par beaucoup de parisiens, c'est le moment où les adultes redeviennent des enfants, et que les enfants eux croient encore au Père Noël. Cette soirée, je ne la louperai pour rien au monde. Avant, je la regardais à la télévision ou via des magazines people. C'est l'endroit, pour les personnalités, où il faut être vue en cette fin d'année. C'est une couverture médiatique incroyable, tout le monde en parle, un certain nombre de personnes souhaite être la personnalité qui appuie sur le fameux bouton rouge.
Assise sur une chaise de fortune dans une des nombreuses salles de pause de cet endroit. La maquilleuse ajoute la dernière touche à mon camouflage de podium, comme j'aime l'appeler, la soirée va bientôt débuter. Le stress émerge doucement. Il y a un an, je n'étais qu'une jeune fille tout à fait normale, j'ai commencé ma carrière comme toute les grandes artistes de ce monde en posant pour des petites marques qui avaient besoin de plus de visibilité.
Un beau jour, un coup de fil de Cindy a changé encore une fois de plus ma destinée. Une mannequin de Dior ne s'est pas présentée pour un shooting important sur Paris. Ce fut le branle-bas de combat. De nombreux agents ont été sous pression pour trouver LA fille qui sauverait cette journée. Ce fut moi. Je me souviens être arrivée dans les locaux de la maison mère tremblante comme une fleur. Heureusement que Cindy a su gérer d'une main de maître. Une personne de ma connaissance se trouvait sur place, elle m'a accompagnée tout au long de cette journée décisive pour moi. Depuis, je vis une vie à cent à l'heure. Loin m'en déplaise, bien entendu. Je voyage maintenant aux quatre coins du monde, les plus grandes marques s'arrachent un contrat avec moi. Grâce à cela, j'ai pu me payer un petit logement dans un des quartiers chic parisiens. J'ai décidé de garder une vie saine et stable. Sans oublier d'où je viens. Moi, Emma Clark, jeune fille de dix-neuf ans, issue de la banlieue lyonnaise, essayant de nager dans ce monde de requins, tout en gardant les pieds sur terre.
Je reviens au présent quand une main se pose sur mon épaule, mon regard se fixe, grâce au miroir devant moi, sur celui de mon meilleur ami, mon confident, Louis. Notre rencontre s'est faite lors d'une soirée dans une boite de nuit. Ce ne fut pas réellement un coup de cœur pour ma part, mais nous nous sommes appris à nous apprécier.

Six mois auparavant

J'entre dans cet établissement de nuit de prestige, la chaleur étouffante me coupe le souffle. Au bout d'un certain temps je ressens le besoin de prendre l'air, cela devient une nécessité. Je récupère mon étole, adresse un signe de la main à Cindy afin de lui signifier que je sors quelques instants. Mes pas me guident au travers la foule compagne de la piste de danse vers la sortie. Le vigile présent devant l'entrée me laisse passer sans me demander une justification, je porte toujours au poignet le bracelet précisant que je suis une VIP ce soir. Une fois dehors, je m'adosse au mur proche de l'agent de sécurité, afin d'être toujours en sécurité. J'ai appris depuis quelques années que nous les femmes ne sommes jamais réellement à l'abri dans les rues de la capitale. Je prends une grande inspiration pour prendre sur moi, depuis quelques mois, les soirées mondaines ne sont absolument pas ma tasse de thé. Or elles font partie intégrante de ma nouvelle vie.
Ce soir, c'est Dior qui régale, la dernière campagne publicitaire à fait un carton en France, et est bien partie pour faire de même en Europe et dans le monde. Ce qui lance donc ma carrière à l'international. Rien que d'y penser cela me donne le tournis. En à peine deux mois, j'ai pu me payer un appartement dans un quartier chic de Paris, j'ai arrêté mes études. En résumé, j'ai littéralement changé de vie.
Perdue dans mes pensées, je ne remarque pas l'homme présent à mes côtés.
— Bonsoir, vous auriez une cigarette ? me demande-t-il poliment
— Non, désolée, je ne fume pas, répondis-je sans vouloir engager la conversation.
— Vous avez bien raison, c'est un vis cette saloperie, mais hélas je n'arrive pas à m'en passer.

Retour au présent,

Depuis ce soir-là, nous nous croisons souvent. C'est presque devenu une habitude de nous retrouver lors des différentes soirées. Malgré le fait qu'au début, je l'ai pris pour un profiteur, il m'a rassuré, nous avons continué d'échanger des banalités. Maintenant nous sommes amis, car il est rare de rencontrer des personnes de mon âge lors de ces événements. De temps à autre quand l'occasion se présente, je l'invite à partager mes petits privilèges. Bien entendu lorsqu'il n'est pas pris par son travail. Grâce à sa présence, je ne me sens pas comme une étrangère lors de ces mondanités. Il m'aide à garder les pieds sur terre. Ses parents sont des banlieusards, comme les miens, ils ne viennent qu'à de rares occasions sur Paris. Nous nous ressemblons bien plus que je ne le pensais. C'est peut-être pour ça qu'on s'entend si bien. Beaucoup ont essayé de profiter de mon nouveau statut, mais pas lui, il est resté tel qu'il était. Nous passons de longues soirées ensemble dans mon appartement devant des séries ou un film. Des soirées parfaites en soi. De temps en temps il m'accompagne quand des événements ont lieu à Paris. Il est mon soutien moral quand je suis entre deux célébrités, où que je ne comprends pas un traître mot des échanges que j'ai avec des conseillers financiers qui rôdent à ses évènements, tels des requins.
La porte s'ouvre dans un grand claquement, je lève mon regard un peu plus loin dans le miroir et aperçois Cindy, mon agent, entrée presque en courant. Je hausse un sourcil, attendant qu'elle parle.
— Aller on se dépêche Emma, enfile la robe argentée, tes talons qui te font le moins mal au pied. Monsieur le maire aimerait que nous ne trainions pas trop en longueur. Son emploi du temps est chargé, m'indique-t-elle tout en bougeant dans tous les sens dans la pièce.
Me levant de la chaise sur laquelle j'étais assise depuis plusieurs minutes, je me dirige donc vers l'auvent installé dans un coin de cette salle. Ici, rien n'était prévu pour ce genre de soirée, mais j'avoue qu'ils ont bien fait les choses. Je peux me changer sans difficulté dans cet espace. Les vêtements prévus pour cette soirée sont déjà entreposés sur un cintre, je n'ai plus qu'à laisser tomber mon peignoir au sol, je me glisse dans cette robe prêtée par la marque Dior. Souvent lors de ce genre d'événements, on privilégie souvent la tenue pratique et chaude. Ce vêtement n'entre pas forcément dans cette catégorie. Cependant je suis bien, je me sens belle et sexy dedans. Une fois bien habillée, je sors de derrière le brise vue, le regard de Louis, se fixe sur moi. Avec le sourire aux lèvres, je tourne sur moi-même pour lui faire découvrir toute la robe. Après ce petit show, je lui adresse un signe de la main, je suis Cindy, qui m'attend encore sagement à côté de la porte.
Une fois dans le couloir, un membre du staff nous guide vers la sortie. Durant ce trajet, j'observe ce qui m'entoure. Quand nous arrivons dans les allées vides de la galerie marchande, je me rends compte qu'une fois les portes fermées, nous sommes propulsés dans un autre univers, plus glauque, si je peux dire. Nous entendons les animations des vitrines qui prennent vie derrière les rideaux tirés. Quand ce sera le moment, les voilages vont se lever afin que tous les curieux puissent aussi en profiter. Une fois arrivée devant la porte coulissante de l'entrée du bâtiment, je prends une grande respiration. J'avance pour qu'elles s'ouvrent comme par magie. Les flashs des appareils photos s'allument comme des éclats qui scintillent, mon regard se fixe sur un point en hauteur afin de ne pas être aveuglé. Toute une technique apprise durant ces derniers mois. Cindy est à trois pas de moi, Louis se glisse dans la foule, je le repère du coin de l'œil. Une fois installée, je grimpe sur l'estrade pour ne rien louper de la cérémonie officielle.
Positionnée au côté de Cindy, nous parlons doucement afin de ne pas déranger les autres protagonistes de la soirée. C'est vrai que ce n'est pas très poli, mais cela peut faire penser que nous parlons des décorations autour de nous.
— Ça va, Emma ? me questionne mon agent.
— Oui, mais j'avoue que je commence à être stressé, angoissè-je.
— De quoi as-tu peur ? m'interroge-t-elle.
— Si ma robe s'ouvre, si les illuminations ne fonctionnent pas, la lumière, si ...délacarè-je d'une traite.
— Stop, Emma respire, tout va bien se passer. Cela fait des années que cette cérémonie des Champs Elysée existe. Personne ne va s'imaginer les drames qui se déroulent dans ta tête, chuchote-t-elle.
—  Hum ...
— Aller respire un grand coup, c'est bientôt à toi. Pense au joli coup marketing. Il ne manquerait plus que la neige et la magie de noël opèrent.
— Je n'arrive pas à croire que tu arrives à dire Business et magie de Noël dans la même phrase, rigolè-je doucement.
— J'ai encore une âme d'enfant à trente ans. Allez, amuse-toi ce soir, c'est tout ce que je te demande. Sors comme une jeune fille de dix-neuf ans qui ne pèse pas des milliers d'euros.
J'essaye de me concentrer sur ce qui se passe autour de nous, le directeur général du magasin entame son discours d'ouverture. C'est bientôt à mon tour, j'en profite pour prendre une grande inspiration, essayant d'occulter tout ce qui se passe autour de moi, oubliant le froid de ce mois de novembre.
— Mesdames et Messieurs, je suis chanceux ce soir d'être accompagné de la charmante Emma, qui nous fait l'honneur et le privilège de se libérer de son emploi du temps surchargé afin d'illuminer cette avenue.
Je m'approche tout sourire de cet homme. Certes c'est le maire de la capitale, cependant  je ne le connais pas. Nous n'avons pas pris le temps d'échanger durant les dernières heures. Je trouve ce personnage méprisant, comme pas possible. Or pour le bien de ce moment de la vie parisienne, je prends sur moi.
— Merci à vous Monsieur le Maire et Monsieur le Directeur Général des Galeries Lafayette de m'avoir conviée à cette belle cérémonie. Je dois vous avouer que durant toute mon enfance, j'ai rêvé de venir ici, à Paris, pour être témoin de cette soirée. Celle où nous découvrons les merveilles que ces petites mains derrière les rideaux ont réussi à créer en quelques mois, où la ville change de décors. Je pense qu'il ne faut pas faire durer le suspense plus longtemps. J'ai envie de dire, que Paris s'illumine maintenant !
J'appuie sur le fameux bouton et la magie s'effectue. Les chants de Noël emplissent les rues, via des enceintes placées à différents endroits de cette avenue, les vitrines se mettent en mouvement, les lumières scintillent de mille feux.

Quelques heures plus tard, j'ai revêtu ma tenue de ville, un legging avec un sweat oversize, une paire de converse aux pieds. Je remercie toutes les personnes de l'ombre qui se sont démenées pour que je sois digne de cette soirée. Souvent, je fais parvenir des spécialités de ma région aux personnes qui sont présentes, mais ce soir j'ai préféré les laisser avec des marrons chauds, afin de profiter de la soirée en toute simplicité dans les rues de Paris, pour ceux qui le souhaitent. Je les salue d'un signe de la main, et vais rejoindre Louis, qui m'attend devant les vitrines.
J'ai ajouté à ma tenue ce soir, une écharpe et un bonnet, je viens de passer deux heures dans une robe qui ne me tenait pas réellement chaud, alors je me permets cette fois de bien me couvrir. Ne voulant pas gâcher mon prochain séjour programmé pour la Floride dans les jours qui arrivent.
Une fois dehors, je repère Louis, qui est adossé à un arbre, le regard perdu dans le vide. Quand il entend des bruits de la porte qui se ferme, ses yeux se rivent aux miens. Le sourire encore plaqué aux lèvres, je m'installe à ses côtés.
— Voilà pour vous Cendrillon, me dit-il, m'offrant un gobelet que je n'avais pas remarqué.
— Merci, il ne fallait pas, ajoutè-je en l'embrassant tendrement sur la joue.
Ces petites attentions me vont droit au cœur. Personne ne prend réellement soin de moi. Sauf  Cindy Et lui, mais cela ne compte pas, je crois.
— Que veux-tu faire ? me questionne-t-il
— J'aimerais bien regarder un peu ces vitrines, mais je crois qu'il commence à y avoir trop de monde.
— Hum, c'est vrai que cela se remplit vite depuis quelques minutes. La soirée s'annonce prometteuse pour les vendeurs ambulants.
— Une vraie mine d'or ces soirées. Et toi tu n'as rien à boire ?
— J'ai déjà vidé le mien, mais je me suis dit que tu en avais réellement besoin après avoir tenu plusieurs heures dans ta robe.
— C'est vrai qu'elle n'était pas adaptée, mais c'est celle où je me sentais le mieux.
— Que c'est difficile ta vie de star ! ajoute-t-il en rigolant.
— Oh oui, porter des talons et sourire c'est tellement compliqué ! rajoutè-je en exagérant les choses, car non ce n'est pas si difficile, mais parfois les soirées peuvent être longues et ennuyeuses pour une jeune fille de mon âge.
Mon bras se glisse autour de sa taille, le sien vient se positionner autour de mon cou. Dans cette position, nous nous baladons dans l'axe des champs, profitant de ce moment à nous.
— Où vas-tu prochainement ? me questionne-t-il.
— En Floride, Cindy m'a décroché un contrat avec une marque de maillot de bain.
— Heureusement qu'il fait meilleur là-bas qu'ici.
— J'adore cette période de l'année, les gens sont stressés c'est sûr, mais les chants de noël, les décorations, l'odeur du vin chaud, du chocolat aussi, les marrons grillés... C'est ça qui fait la beauté de ce moment, même si la neige me manque.
— Pas de neige à Paris, sinon c'est l'apocalypse ! rigole-t-il.
— C'est vrai !
Quelques pas derrière nous, se trouve mon garde du corps. Cindy ne souhaite plus que je sorte sans escorte dans les rues de la capitale. Quelles que soient mes sorties officielles ou non. Il est de son devoir d'être présent dans mon ombre. Jean est un type exceptionnel, il ne ronchonne jamais, quand je me balade dans les rues de Paris, une fois la nuit tombée. J'ai aussi un chauffeur attitré quand je suis ici, Charles. Cindy ne veut pas prendre de risque, depuis qu'un fan un peu trop envahissant a commencé à me suivre dans le moindre de mes déplacements.Je me souviens encore frissonnante de ses sensations d'être suivis à chacun de mes déplacements, depuis leurs compagnie, je n'ai presque plus ce sentiment. Mes yeux glissent vers mon garde-du corps, un signe de la tête me confirme que tout va pour le mieux. Personne ne viendra nous embêter ce soir, la presse ayant les photos qu'elles souhaitent de la soirée.
— Si nous allions sur le parvis de la tour Eiffel ? me questionne Louis.
— Oui pourquoi pas, mais ce n'est pas la porte à côté, répondi-je avec un grand sourire.
— Je connais un raccourci. Suis-moi.
Il m'attrape la main, nous traversons l'avenue en courant. Nous avons de la chance ce soir, la circulation est plutôt calme. Nous n'avons cependant droit qu'à quelques coups de klaxon. Le sourire aux lèvres, nous continuons notre chemin vers la Dame de Fer. Je n'ai jamais pris le temps de la contempler de nuit et d'aussi près. Notre marche dure une vingtaine de minutes; quand nous arrivons a destination, on s'assoit sur les bancs, nous l'observons dans le calme.
— C'est magnifique, fini-je par briser le silence qui nous enveloppe.
— Presque romantique, ajoute mon compagnon de vadrouille.
— Oui.
Je dépose ma tête sur son épaule, son bras m'entoure encore une fois le cou. Ni le froid ni le passage des touristes ne brise le moment intime de cette soirée.

Illusions et désillusionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant