Le son délicat d'une chanson que je devais sûrement aimer me réveille.
J'ouvre les yeux et des bribes de souvenirs me reviennent. Je connais ce rêve. Je le refais souvent.
Une toux discrète se fait entendre et je tourne mon visage pour me trouver nez à nez avec une femme d'une beauté qui m'étonne un peu plus chaque jour.
Son doux parfum de rose s'est diffusé dans la pièce et je devine qu'elle attend mon réveil depuis longtemps. Je passe ma main dans ses longs cheveux couleur automne et elle sourit. Son sourire j'aimerais le graver dans ma mémoire, son sourire c'est mon paradis.
Un flash et la feuille qui s'envole me revient. Mon propre sourire meurt sur mes lèvres, comme j'ai laissé mourir cette feuille. Avec est mort le souvenir de son prénom.
Je ne peux m'en rappeler et cette idée me déçoit.
– Tu as fait une bonne sieste mon amour ? On ne va pas tarder à y aller Yukhei.
J'aime quand sa voix glisse sur ma peau, quand sa douceur fait virevolter mon cœur. J'ai épousé la plus belle femme du monde.
Je ne sais pas où nous devons aller.
– Où allons-nous déjà ?
Elle me sourit et je devine à quel point elle est patiente.
– On va manger avec des amis au restaurant.
– Je les connais ?
– Ce sont des amis à moi, vous vous rencontrez pour la première fois mais vous avez les mêmes goûts musicaux, vous allez bien vous entendre.
A la façon dont elle me l'explique, je sais que je lui demande souvent. Mais elle ne m'en veut pas.
– Va te préparer mon amour, on part dans 5 minutes.
Je la regarde partir et mon cœur s'emballe. Je me souviens parfaitement d'elle. Sauf son prénom. Mais de notre première rencontre à aujourd'hui, je n'ai rien oublié.
Quand elle revient, je remarque que ma tenue a changé. Je la suis à la voiture et m'installe au siège d'à côté.
– Tu peux me guider ?
Je lui souris. La guider où ?
– Bien sûr, on va où ?
Lorsqu'elle me donne l'adresse, j'ai la sensation frustrante de passer à côté de quelque chose d'essentiel.
– Mimi huāyuán pourquoi allons-nous là-bas ?
Elle ne relève pas le surnom mais son sourire s'éteint un peu. Elle a déjà dû me le dire...
– On va manger avec des amis à moi.
– Je les connais ?
-Non, mais vous vous entendrez bien. Rentre l'adresse mon amour s'il te plaît.
Je n'aime pas quand elle s'impatiente comme ça. Je culpabilise de la mettre dans cet état. Je rentre l'adresse et nous démarrons.
Ces gens sont sympathiques. Je n'ai aucune idée de qui ils sont mais mon épouse a l'air de les apprécier alors j'imagine que moi aussi. En tout cas, là maintenant ils sont sympathiques.
– Yukhei !
Je me tourne vers la plus belle femme du monde.
– Oui Mimi huāyuán ?
Elle rit.
– Je m'absente aux toilettes, note le sur un bout de papier.
Je ris à mon tour et le note.
Ses amis sont surpris, je le vois. C'est l'homme, avec des cheveux automne aussi, qui parle le premier.
– Ce surnom... ça ne veut pas dire Jardin secret en chinois ?
Elle avait l'air de beaucoup les aimer. Je pense pouvoir leur raconter.
– Si c'est bien ça. Il y a quelques années, on m'a détecté un Alzheimer précoce au stade 2. Ma femme fait tout ce qu'elle peut pour m'aider et je lui en suis reconnaissant. Dans ce que j'ai perdu, il y a le sens de certains mots, beaucoup de souvenirs et aussi son prénom.
La nostalgie peint mes lèvres.
La première fois que j'ai fait ce rêve, je me suis réveillé à l'hôpital, elle penchée à côté de moi.
J'ai su immédiatement. J'ai su à cet instant que ma bêtise de sortir du jardin avait tué son prénom, qu'il ne me reviendrait jamais. C'était ce qu'elle était. Mon jardin secret, celui qui m'avait offert des souvenirs impérissables dans lesquels je pouvais me réfugier. J'aurais pu l'oublier. J'aurais pu me tromper de chemin et ne jamais retrouver le jardin à temps.
Mais je l'ai fait. C'est dur aujourd'hui mais je l'aime et ça me suffit.
Mon paradis juste à moi a et aura à jamais les traits d'une femme aux baisers délicats et la forme d'un jardin au manque parfois amer.
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Amers baisers d'un paradis (version concours)
SpiritueelIl me semblait que j'avais la réponse sur le bout des lèvres... Ou le voyage du savoir