Chapitre 2

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Assise sur le banc de touche, j'observe l'entraînement des handballeurs devant moi. Carnet en main, je note les points que je juge importants à retravailler. Au moins, j'évite de penser une nouvelle fois au cours de ce matin et à ce fameux examen.

— Ça va ? me demande l'entraîneur.— Oui, oui, juste un réveil un peu compliqué, mais tout va bien, affirmé-je.

Comme pour confirmer mes dires, je ne peux retenir un bâillement. Le coach me regarde sceptique, ne croyant pas entièrement mes paroles, mais il n'insiste pas plus que ça, et heureusement.

— Tu as les analyses ?
— Tout dans mon ordi !

Il me gratifie d'un sourire avant de se reconcentrer sur la fin de l'entraînement. Même si le résultat des matchs du championnat est majoritairement prévisible, il n'en reste pas moins important de garder une constance afin de conserver le titre. Puis, il faut bien préparer les matchs de Champion's League, surtout quand la réception face à Porto approche ! Donc toutes les ressources sont bonnes à prendre en compte pour mettre toutes les chances de notre côté et garder la première place de la poule.

Je continue d'écrire des notes que je suis la seule à comprendre jusqu'à ce qu'un ballon roule à mes pieds. Je relève la tête et vois Melvyn, un sourire innocent collé sur le visage. Mais bien sûr !

— Richardson, soupiré-je.
— Tu sais, tu peux prendre une pause de temps en temps, miss ? dit-il en français.
— J'ai pas le droit à l'erreur, donc non.

Je récupère le ballon et lui fais une passe qu'il réceptionne aisément.

— Même pas pour faire quelques tirs ? Puis ce n'est pas comme si tu ne faisais pas du bon travail ici.
— Mais sans diplôme, ils ne me garderont pas et j'aurais plus d'excuses pour éviter de retourner chez mes parents.
— T'es la meilleure, tu réussiras tes exams, t'en fais pas. Puis, t'es pas seule, on est là, nous, non ?

Je ne peux m'empêcher de sourire en sachant qu'effectivement, Melvyn sera toujours là, comme la majorité des membres de l'équipe. Il faut dire que j'entame ma deuxième année à leur côté maintenant. En plus de l'université, je travaille avec eux pour me perfectionner dans le domaine de l'analyse en sport. Rien de mieux que de trouver une place sur un terrain ! Et après une année plus centrée sur l'observation, on m'a enfin donné la chance de montrer mes capacités, donc je ne compte pas les décevoir !

— Sauf qu'il y a un exam en duo, et j'ai pas envie de me retrouver avec une personne pas motivée et qui n'a pas son avenir en jeu.
— T'es avec qui ? Et c'est sur quoi ?
— Mystère, la prof nous donnera les groupes et le sujet que la semaine prochaine.
— Donc pour l'instant tu peux un peu souffler !

Ou pas. Je dois encore revoir les enchaînements de leur match et être certaine que Dika puisse jouer sans qu'il risque de blessure.

— Vendredi soir, il y a une réunion entre les différents clubs, t'as cas venir. Tu verras d'autres personnes et tu pourras un peu sociabiliser, Elia.
— Ahah, très drôle, mais non. Pas spécialement, envie de me mêler aux footballeurs.

Le joueur me refait une passe alors que je me levais. Je laisse rebondir le ballon deux ou trois fois avant de tirer en direction des cages vides. Poteau rentrant.

— Tu les connais même pas, pourquoi tu les juges sur une mauvaise expérience ?
— Parce que la majorité sont comme lui et je ne veux pas être mêlé à eux.
— Ce n'est pas un peu paradoxal ? Éviter le foot, mais signer dans ici, quand le foot est roi ?

Je hausse les épaules. Il n'a pas vraiment tort, mais jusqu'à présent, j'ai bien réussi à éviter tout ce qui se rattacher au foot. Alors pourquoi aujourd'hui les choses changeraient ? Je suis bien dans cette situation alternant l'université et le hand, pourquoi bouleverser ce quotidien ? Surtout pour que ça me remette de plein fouet tout ce que j'ai fui en France.

— Elia, tu sais que c'est pas forcément bien de t'enfermer dans ta bulle ? dit-il une pointe d'inquiétude dans la voix.
— J'y réfléchirai, finis-je par dire.

Il fronce les sourcils peu convaincus, mais laisse tomber lorsque Aleix l'entraine en direction des vestiaires, signant la fin de la séance. D'un signe de tête, il me fait comprendre que la discussion n'est pas terminée avant de quitter mon champ de vision.

Je récupère le ballon qui est toujours dans les cages. Je me place au sept mètres, prête à tirer un pénalty face à un gardien imaginaire. Je ferme un instant les yeux, inventant la scène. Une salle remplie de spectateurs, tous venus assister à la finale. Les derniers instants. Le dernier espoir pour faire gagner l'équipe repose sur mes épaules. Un souffle s'échappe de mes lèvres. Les encouragements se mêlent aux sifflements. Je me concentre. Bras armé, je laisse le ballon se loger au fond des filets. C'est l'euphorie.

J'ouvre de nouveau les yeux. Le gymnase est vide. Tous les joueurs ont quitté le terrain, même le staff. Je suis seule face à des rêves imaginaires qui ne pourront plus se réaliser. Je me hasarde un regard vers mon genou. Il tremble toujours. Malgré les rééducations, je reste incapable de jouer correctement. Je mords ma lèvre triste, les larmes menaçant de couler.

— J'te déteste, tu le sais ça ? murmuré-je, comme si mon genou pouvait me répondre.

Une grimace sur le visage, je me baisse pour reprendre le ballon pour le ranger avant de récupérer toutes mes affaires.

Je laisse mon carnet dans le sac et sors mon ordinateur pour montrer les dernières analyses à Antonio, l'entraîneur : un diaporama sur chacun des joueurs ayant joué ainsi qu'un récapitulatif de jeu collectif pour retravailler ces points durant le restant de la semaine.

Dans le silence, il observe mon écran pendant que je joue avec mon bracelet redoutant la moindre erreur. Est-ce possible qu'il rejette mon plan ? Qu'il dise que ce n'est pas efficace ? C'est mon premier essai, mais je n'obtiendrai pas de seconde chance. Quoi qu'en dise Melvyn, si je ne suis pas à la hauteur, à quoi bon me garder ? Antonio lève enfin les yeux vers moi. Je suis incapable de déchiffrer son expression. Est-ce si nul que ça ?

— Tu peux souffler, Elia. Je ne vais pas te manger, tu sais ?

J'avale difficilement ma salive. Je le sais. Mais j'ai peur. Peur des paroles qui vont survenir. Peur de devoir quitter l'équipe. Peur de devoir trouver un nouveau travail afin de subvenir au loyer de mon appartement.

— C'est un premier travail très bien, certes maladroit, mais c'est normal. Tu devrais te faire plus confiance, t'as de bonnes analyses et de bons arguments.
— Vous, vous le pensez réellement ? bégayé-je.
— Je ne te le dirais pas sinon.

Mon cœur rate un battement. Mon dossier est valide. J'ai réussi ! Si j'essaye de rester la plus impassible possible, dans ma tête, c'est la fête.

— Les cours se déroulent bien ? me demande-t-il.
— Il faut juste que je retrouve le rythme avec la reprise, mais tout va bien oui, lui affirmé-je.
— Très bien, alors j'espère te voir parmi nous vendredi soir lors de la réception, me convie-t-il en concluant la discussion.

Pourquoi diable on me veut tant à cette réunion ?

Unexpected Connection [Elia x Fermin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant