L'As de cœur

Chapitre 11

Astrée

J'écoute Clara me raconter chaque fait et geste de ce que John a fait ces deux dernières semaines depuis plus d'une demi-heure, et plus les minutes passent, plus je suis déçue. Je sais qu'il a fait quelque chose de mal et de grave, mais je suis incapable de dire quoi, et notre Joker n'a pas l'air d'en savoir plus que moi.

— Merci, mais je crois qu'on va s'arrêter là. Dans tout ce que tu m'expliques, il n'a rien fait de suspect.

Je la regarde attentivement, mes yeux plongés dans ses yeux marron. Je vois bien qu'elle a l'impression que son travail ne m'intéresse pas. Ce qui, au final, n'est pas totalement faux. Je me fiche de savoir dans quel restaurant il a dîné avec sa femme. Je sais qu'il n'est pas coupable, car le soir de l'agression de Michaela, il était à un dîner de famille, et aucun des numéros qu'il a appelés ces derniers temps ne pourrait correspondre à un agresseur potentiel. Plus j'y réfléchis, plus je me dis que cette ordure pourrait juste être une ordure bas de gamme. Sauf que maintenant, je me retrouve sans piste, et cette idée m'effraie encore plus que n'importe quelle autre.

La Joker est toujours debout et immobile. Je me suis toujours demandé comment ces personnes avaient fait pour accepter de disparaître et servir notre cause. Les Jokers sont le plus grand secret des Cœurs. Mon grand-père en est le fondateur, et le premier Joker était sa femme. Le gang était en pleine expansion et mon grand-père voulait des contacts dans la politique. C'était un homme avide de pouvoir, et un jour il a décidé de faire chanter un ministre. C'est là qu'il a compris que la chose la plus importante et la plus destructrice était les secrets. Il a donc fait disparaître sa femme des papiers, des photos, des réseaux, et elle a dû renoncer à tout lien, même avec son propre fils. Son rôle était de découvrir les plus sombres secrets des gens, peu importe les moyens, car puisqu'elle n'existait pas, il ne pouvait y avoir de conséquences. Après ma grand-mère, elle a commencé à recruter des personnes anonymes pour leur transmettre son savoir, et ainsi de suite. Mais je n'ai jamais pu en savoir plus sur leur manière de fonctionner, et au final, j'ai toujours préféré que cela reste ainsi.

— Je veux que tu continues tes recherches et si tu trouves quoi que ce soit, tu me préviens.

Elle me salue et, en un battement de paupières, elle avait disparu. Retour à la case départ. Je prends mon téléphone, j'ouvre mes contacts et tombe sur celui d'Hugo. Nous ne nous sommes jamais disputés. En général, il garde toujours son calme et me canalise quand je pars en vrille. Un frisson me parcourt lorsque mon cerveau m'impose la sensation de la main de Mathias sur moi. Lui qui m'évoque tout sauf le calme et la sécurité, ça me débecte de penser qu'on a été si proches. Je bascule ma tête en arrière et je vois Michaela dans le couloir. D'un seul coup, je me retrouve debout, fonçant vers elle. Elle est en train de donner des ordres à des novices, ou je rêve ?

— Sérieusement ? C'est ça, les nouvelles recrues ? À peine capables de faire une dizaine de pompes ! Donnez-moi vos noms !

— Eddie et Mark, nous sommes désolés, madame, on se remet tout de suite à l'entraînement.

— Vous croyez que ça va suffire ? Je...

— Michaela !

Elle me regarde, surprise, comme si c'était moi qui ne devais pas être là.

— Qu'est-ce que tu fais là ? T'es censée être en arrêt.

— En arrêt ? Pourquoi faire ?

— Bah, tu sais...

Elle me questionne du regard, c'est limite comme si elle me prenait pour une folle.

— Je sais quoi ?