Chapitre 27 : le suivre ou fuir ?

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Accoudée à la balustrade, je fixe mon attention sur les astres nocturnes qui me ramènent au garçon que j'ai laissé derrière moi. Mes doigts qui s'abattent, frénétiques, sur l'acier créent une harmonie entêtante qui joue le rôle d'ancrage dans la réalité tout en extériorisant l'anxiété qui croit à chaque seconde, au fil des pensées désespérées.

Dès lors que je le quitte, ma peine s'alourdit, devient plus présente, plus pressante, comme soudainement réveillée d'une anesthésie générale. Loin de sa présence rassurante, mes nuits sont infestées de ce même cauchemar qui remet en scène l'accident, à la seule différence que, derrière le volant, ce n'est pas le visage crispé par la peur de mon père que je peux contempler mais le sourire sadique de Tayden illuminé par les lumières bleues des voitures de flics. On file à toute allure dans les rues de la ville sous mes cris de désespoir. Je sais ce qu'il va se passer bien avant que mon père se matérialise sur ce passage piéton. Pourtant quoique je fasse, cela semble inévitable. Je croise les yeux sans vie de l'homme que j'admire tant, avant que la voiture ne le percute de plein de fouet. Et mon hurlement de détresse, s'apparentant plus à un cri d'agonie, résonne encore dans ma tête lorsque je me réveille en sursaut toute transpirante.

Et bien que cela soit irréaliste et inavouable, au-dehors des courses, ce garçon parvient à m'apaiser. Avec lui, je ne suis plus la petite orpheline faible qui s'est faite violée, du moins il ne me regarde pas comme telle. Il réussit à écarter mes tourments avec une facilité déroutante, qui plus est, sans s'en apercevoir. Mais cette bête noire est rusée. Tapi dans l'ombre, elle attend son absence pour me rattraper et me dévorer, se servant de mes tourments pour se satisfaire.

Lorsque ma porte s'ouvre dans mon dos, je ne me retourne pas pour identifier l'intrus qui pénètre dans ma chambre, ne voulant pas me détourner de ces étoiles fières et puissantes qui trône dans le ciel nocturne. Pourtant, lorsqu'elle s'accoude sur la balustrade, je n'ai qu'à sentir son parfum familier pour la reconnaitre.

Je souffle longuement pour montrer le mécontentement que sa présence produit bien que je sache qu'elle n'en a que faire.

— Lorsque tu étais angoissée, tu pouvais passer des nuits entières à regarder les étoiles, commence-t-elle. Et je passais ces mêmes nuits à dormir dans ton lit pour trouver du réconfort.

Je souffle une nouvelle fois et laisse tomber ma tête vers le sol. Mes cheveux créent une barrière protectrice qui me cache de son regard affectueux. Chaque fois qu'elle tente de retrouver notre ancienne relation, elle essuie des échecs, pourtant, encore et encore, elle réessaie sans jamais baisser les bras à mon plus grand désarroi. Dès fois, elle me fait tant de peine que j'aimerai baisser les armes mais je me rappelle bien vite ses peurs et ses propres cicatrices béantes que je suis incapable de soigner et qui me tétanisent tant je crains qu'elles m'infectent. Les traumatismes sont bien plus qu'un poison personnel, ils sont un méchant virus qui se propagent de proches en proches. Ensemble, nous ne ferions que nous transmettre nos propres virus qui nous bousillent de l'intérieur et je m'y refuse.

— Mais ça fait bien longtemps que je ne t'ai plus vu les observer avec un tel regard.

— Ça fait bien longtemps que tu ne fais plus semblant de dormir dans mon lit pour éviter que je t'en chasse.

Son rire doux et mélodieux pourtant si faible me serre la poitrine. Il me rappelle l'époque où j'aimais tant l'écouter, où je pouvais tout mettre en œuvre, même les idées les plus stupides juste pour l'écouter. Pourtant j'ai toujours ressenti une honteuse jalousie envers elle car les gens adoraient l'entendre rire aux éclats. Valentia est du genre extravertie et rayonnante, celle vers qui on se retourne quand on la croise dans la rue. Et le pire est qu'elle attire les regards sans qu'elle n'ait rien à faire. Sa beauté est naturelle, son charme inné. Toutefois, elle n'en a jamais joué.

Hasta la muerte (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant