Chapitre 8 : Ryan
Premier jour officiel à l'université si l'on ne compte pas hier et voilà que j'ai failli arriver en retard à cause d'un bus qui ne passe pas !
Putain.
Est-ce un signe du destin qui veut me montrer quelque chose ou bien est-ce ce salaud de karma ? Ou bien les deux se sont-ils associés pour me faire chier ?
Tu deviens taré, Ryan. Taré au point d'imaginer deux bonhommes qui représentent respectivement le karma et le destin se serrer la main.
Je rejoins le hall de l'université à grandes enjambées et me rassure quand je vois que le premier cours ne commence que dans quinze minutes, ce qui me laisse largement le temps de chercher ma salle.
Mon sens de l'orientation n'est pas mauvais, certes, mais une université, c'est comme un mini labyrinthe. Et je suis capable de me perdre. Pourtant, à mon grand étonnement, il ne me faut que quelques minutes pour trouver l'emplacement de ma salle, au sous-sol. Je m'y rends donc et me réjouis en réalisant que c'est là que se trouve la cafétéria que beaucoup d'étudiants fréquentent le midi. C'est aussi une cafétéria qui vend de la nourriture à toute heure de la journée. N'ayant pas grand chose dans le ventre depuis hier, je me décide donc à acheter une compote. Les choses liquides, ça passe toujours mieux quand on est angoissé.
Je paie donc ma compote et la range dans mon sac. Je la mangerai après ce cours là. Alors que je m'éloigne du comptoir en direction du couloir qui mène à ma salle de classe, je l'aperçois.
Elle est de dos, certes, mais je reconnais sa fine silhouette, ses cheveux bruns lâchés sur ses épaules et le style sous lequel elle se cache, c'est-à-dire des sweats trop grands et des jeans imposants.
À vrai dire, ça lui va plutôt bien.
Elle est seule et semble attendre.
Le moment idéal !
Tu es le prédateur qui veut attraper sa proie.
Mon cœur tambourine violemment dans ma poitrine comme une mélodie discordante. Les secondes semblent s'étirer en une éternité tandis que je suis hésitant. Dois-je aller la voir ou bien lui laisser du temps ?
Tu pourrais faire comme si tu ne l'avais pas vu, faire demi-tour et revenir dans un peu plus de cinq minutes ? Ça lui laisserai le temps.
Je dois aller la voir, petite voix. J'y vais. Je vais la voir.
Mon corps semble vouloir décider de ne pas bouger car je reste figé, ancré au sol comme si des racines invisibles me maintenaient ou comme si j'avais été transformé en statue.
Je sens des étudiants qui me contournent mais tout reste flou autour de moi. Sont-ils en train de me juger parce que je suis au beau milieu du passage et que je n'ose plus bouger ? Ai-je l'air d'un imbécile ? Peu importe, là n'est pas le problème. Je me fiche de ce qu'ils peuvent voir. Peut-être qu'ils ne s'aperçoivent même pas du dilemme dans ma tête. Je dois me décider si je vais voir Nina ou non. Je veux y aller parce que cette histoire me torture mais mon corps ne veut pas coopérer, immobilisé par un propre sentiment.
Finalement, un soupir presque inaudible s'échappe de mes lèvres, témoignant de la tension intérieure qui persiste en moi, dans mon âme. La décision demeure suspendue dans l'air.
Bon, tu comptes coucher ici ? Pas sûr que le gardien de l'université te laisse dormir là. Tu peux même être sûr que le chat de la fac est chassé tous les soirs !
Après un long moment d'hésitation qui semblait s'éterniser et l'apparition de cette petite voix dans ma tête qui joue les humoristes, je m'approche de Nina avec une expression sérieuse et dure. Lorsqu'elle entend ma voix qui l'appelle par son prénom, une lueur de panique doit très probablement s'allumer dans ses yeux. Je pensais qu'elle prendrait la fuite en priant sûrement pour que le ciel me tombe dessus et que je disparaisse dans les abysses mais pourtant, à mon grand étonnement, elle pivote pour me faire face.
— Ne m'approche pas, m'ordonne-t-elle sèchement avant de faire demi-tour.
Ça, c'était direct !
— Nina, attends, s'il te plaît. Je sais que ma présence te dérange, et je le comprends totalement. Je ne veux pas t'importuner, mais il est important que tu me laisses te confier quelque chose.
Est-ce que j'ai parlé comme un poète ? À peine !
Nina, méfiante, me regarde à nouveau et cherche à répliquer. Elle médite quelques instants sur sa réponse avant de lancer avec une agressivité qui ne lui ressemble pas vraiment :
— Fous-moi la paix, crétin.
Elle pivote une deuxième fois pour me fuir et je la retiens encore par mes paroles en encaissant la gentille insulte qu'elle m'a lancé. J'ai l'impression que Nina est l'un des juges dans The Voice qui se serait retournée trop tôt, qui s'aperçoit que le chanteur chante finalement faux et qui fait tout pour retourner son fauteuil dans l'autre sens comme au départ.
Chose impossible. Les juges ne peuvent pas faire ça, n'est-ce pas ? Je déraille. Je déraille totalement.
— Je ne cherche pas d'excuses pour ce que j'ai fait au collège. J'ai agi de manière horrible, et je regrette sincèrement chaque moment où je t'ai fait du mal. C'est difficile de l'admettre, mais à l'époque, ma vie était un véritable chaos. Mon père... enfin, ma famille... les choses n'étaient pas faciles à la maison, et je me suis comporté de façon misérable envers toi pour évacuer ma propre frustration. Je sais, ça peut paraître stupide, et j'en suis totalement navré.
Je baisse la tête, sentant un mélange de honte et de remords monter en moi. Mais j'essaie de ne pas le montrer et je lutte pour finir mon discours qui pourrait presque donner l'impression d'avoir été préparé.
Ce qui est presque le cas.
— J'ai beaucoup changé depuis ces jours. J'ai suivi une thérapie, j'ai essayé de comprendre mes propres démons, et je travaille chaque jour pour être une meilleure personne. Ce n'est pas une excuse, mais je veux que tu saches que je ne suis plus la même personne qu'autrefois. Je ne t'oblige à rien, Nina. Si tu veux me haïr pour toujours, je le comprendrai. Je veux juste que tu saches que je regrette profondément les souffrances que je t'ai causées.
Je laisse mes paroles résonner, attendant la réaction de Nina, qui semble ébahie par tout mon discours de pardon. Je n'attends pas spécialement d'elle une réponse précise mais un simple geste de compréhension me suffirait. Et pour l'instant, j'ai l'impression que je vais juste me prendre un vent totalement monumental.
Un ange passe puis Nina ouvre la bouche :
— Mon père est un putain d'alcoolique, ma mère est six pieds sous terre et le reste de ma famille est en guerre. Je ne suis pas devenue cruelle pour autant. Et puis peut-être que tu as changé mais ce que tu as fait est impardonnable. Maintenant, dégage. Je veux rien avoir à faire avec quelqu'un comme toi. T'es un connard.
Boum. Un morceau de mon cœur vient de sauter.
Je l'ai mérité. C'est bien fait pour moi. Je prends pourtant sur moi malgré la douleur.
— Tu sais, ajouté-je, tu ne vas pas pouvoir rester éloignée de moi très longtemps. Nous sommes dans la même classe.
Touché. Je sais qu'elle ne s'attendait pas à ça non plus.
— Je t'emmerde.
Cette fois, je ne la retiens pas. Je la laisse s'éloigner et encaisse en silence.
Est-ce que je peux dire que ses insultes m'ont surpris ?
Oui.
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Does Love Need Forgiveness ?
Romance« Le passé refait souvent surface quand on ne s'y attend pas... » Nina, dix-huit ans, fait sa rentrée à l'université. La jeune fille est bien décidée à travailler dur afin de réussir haut la main son année. Rien ne semble la perturber, mise à par...