Chapitre 6

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10 heures.

Je marche vers le service d'oncologie. En fait... pas du tout ! Je me traîne en ayant le sentiment de m'enliser.

Faire le vide. Je ne suis pas là. Je ne le veux pas. Pourtant un panneau m'indique que je ne fais pas erreur. Je vais dans la bonne direction. J'ai l'impression de me rendre à l'échafaud.

Secrétariat.

— Oui madame Valet. Nous sommes prêts pour votre séance de radiothérapie.

« Sans blague ! Moi pas », ai-je envie de lui envoyer à la figure.

— Vous avez bien pris votre Temodal ?

Je lui confirme par un léger signe de la tête. Elle m'emmène dans une pièce où se trouve une énorme machine. Voilà « la bête ». Je la regarde, intriguée, mais très vite la colère prend le dessus. Je me jetterais bien dessus pour la frapper mais je crains que ça fasse désordre.

Respirer. Rester calme.

J'ai les jambes en coton mais il est hors de question de le laisser paraître. Le self contrôle... je connais bien. C'est l'histoire de ma vie. Toujours avoir le contrôle. Je garde mes moments de destruction pour mon appartement.

Elle m'installe sur un lit d'examen qui se trouve en dessous de « la bête » et me demande de me détendre. Rien de plus facile.

— Vous serez seule pendant la séance mais ne vous inquiétez pas. Nous sommes juste à côté derrière cette vitre.

Instinctivement, je tourne la tête quand, du doigt, elle me montre l'endroit.

— Vous pouvez nous parler. Nous vous entendrons et pourrons vous répondre. N'hésitez pas si vous en sentez le besoin.

Elle me couvre d'un drap, me demande si tout est OK et me jette un dernier sourire. Je hoche la tête pour lui faire comprendre que j'ai compris. Elle file rejoindre son collègue.

Je suis morte de peur.

Vic...

Penser à elle me fait du bien. J'essaie de l'imaginer près de moi. Ça me rassure. Je sais ce qu'elle me dirait ma Vic. « Tu es une battante... tu vas voir... je vais m'occuper de toi. Tu vas bouffer bio, faire de l'exercice, prendre des huiles essentielles et tu vas leur montrer, à tous ces médecins, que cette merde ne va pas s'éterniser dans ton joli petit cerveau. » Elle me sortirait une expression de son cru que, bien évidemment, je serais la seule à la comprendre.

C'est parti ! Le bruit au-dessus de ma tête me prévient que « la bête » est prête à faire son sale boulot. La voix de l'infirmière me demande si tout va bien. Je lui réponds avec un « oui » timide et tremblotant. Elle m'assure que ça ne prendra que quelques minutes. Une seconde est déjà de trop pour moi. Je me demande ce qui me tuera le plus vite. La tumeur ou toute cette radiation que cette machine déverse en moi. J'essaie désespérément de contrôler ma respiration. Trente jours de rayons... trente jours pour que cette saloperie envahisse mon corps et ce n'est que le début... d'autres poisons sont à venir.

Non, je ne veux pas y penser.

Je me concentre sur ce bruit incessant que fait « la bête ». Elle ronronne... elle tourne... elle respire. Elle est vivante. À cet instant précis, j'ai l'impression qu'elle l'est plus que moi. Elle me terrorise.

Et soudain, elle s'arrête.

La préparatrice de tout à l'heure me rejoint.

— C'est terminé pour aujourd'hui madame Valet. On se retrouve demain à la même heure.

Elle m'aide à descendre, me parle des effets secondaires. Je sais qu'elle ne fait que son boulot mais, là, tout de suite, je n'aspire qu'à une chose... qu'elle se taise. « Vous pouvez sortir ! ». Je ne m'en prive pas et fuis en courant l'antre de « la bête ». Je manque même de renverser quelqu'un sur mon passage. Une femme. Légèrement plus âgée que moi.

— Excusez-moi, je murmure les yeux rivés au sol.

— C'était votre première fois ?

J'acquiesce honteuse. Ma dignité en prend un coup.

— Je comprends...Vous auriez vu la mienne, de première... me dit-elle en levant les yeux au ciel.Même une équipe de rugby ne m'aurait pas arrêtée, continue-t-elle souriante.Bon je suppose que la place est chaude ? Peut-être à une autre fois ?


Une année...le reste d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant