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« Nous ne pensions qu'à rebâtir le monde, panser les plaies de la planète. Si nous avions survécu, c'était pour une bonne raison.

Mais comment rebâtir sans promesse d'un avenir ? »

Mémoires, Zephyr E.S, mai 2107.


*

Jungkook


Tu prends une grande inspiration avant de te tourner pour la énième fois dans tes draps.

Les yeux grands ouverts, tu observes le plafond éclatant. Ta poitrine se soulève, ton corps se traîne dans son pyjama de satin.

Il te reste la blessure mordante de la punition.

Combien de jours se sont écoulés depuis ? Tu l'ignores. Ta main passe et repasse dans ta chevelure coupée, tu ne t'habitues pas. Ton cœur se serre et il n'y a que dans le noir, que dans l'intimité de ta chambre que tu t'es autorisé·e à pleurer. Des larmes chaudes d'injustice, ce sentiment qui ne doit pas exister.

Le monde est juste, les particules sont justes. Le bonheur est à notre porte. Le bonheur se situe dans les particules.

Après la colère est venu un sentiment de vide, une blessure invisible où tu as l'impression d'être devenu·x une coquille vide. Loin des regards, des jeux de rôles et des mondanités, tu as la sensation de ne plus exister.

De t'éteindre.

Aucun de tes parents n'est venu te voir, le silence est leur manière de te blâmer. Tu as l'impression qu'une éternité s'est écoulée. Il y a des mois de cela, tu aurais donné n'importe quoi pour sécher les leçons d'instruction et la morale des professeur·x·s, traîner au lit, te satisfaire de la sensation de ne rien faire.

Aujourd'hui tu donnerais n'importe quoi pour que ta vie reprenne le cours normal des choses.

Tu te redresses, souffles bruyamment par le nez.

Au centre de ta chambre, ton lit prend toute la place, de forme circulaire, il est paré d'une tête de lit en bois, incurvé, recouvert d'une peinture dorée. Les rideaux qui semblent enfermer la literie dans un cocon sont ouverts. Tu adores ce matelas, tu adores la décoration qui a été apportée, l'ensemble forme le cœur d'un coquillage qui s'ouvrirait face à la mer.

Tu n'as jamais vu la mer, mais tu l'as maintes fois imaginée, tu as vu des gravures, des peintures et d'anciens clichés. Tu l'as maintes fois imaginé s'échouer aux pieds de ton lit et imaginé le bruit de ses vagues.

Sauf aujourd'hui.

Cet écrin t'a enfermé·x, une punition qui te laisse un arrière-goût de déception, de préjudice.

Bien sûr, tu as déjà été puni·e. Sans cesse, même. La plupart du temps tu t'en amuses. Tu aimes jouer, tu aimes les défis, tu aimes te lancer dans des aventures, égayer ton quotidien.

Tu en as la maîtrise, tu en as l'art, le charme, l'intelligence et la curiosité.

Seulement, aucune punition n'a jamais été comme celle-ci. L'isolement, l'enfermement.

L'ennui.

Tu t'ennuies tellement que ton cerveau te pousse à ressasser encore et encore les événements récents. Tu tournes en rond, ta tête tourne sur elle-même, piégée dans un bocal. Tu fais le tour de toi-même jusqu'à désirer te recoucher sauf que le sommeil te fuis. Tu as essayé de lire, en vain, de colorier, pareil. Tu as essayé des nouvelles tenues, mais sans la possibilité de te voir dans un miroir, il est impossible de les ajuster.

Les ParticulesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant