54 | Jeune et terrifiée

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Elisabeth

— Je ne comprends pas ce qu'il se passe, j'ai tellement mal ! dis-je en tenant mon ventre, les yeux remplis de larmes.

J'ai l'impression de faire une descente d'organes, comme si mon corps lui-même cherchant à expulser quelque chose d'invisible et de lourd.

— Calmez-vous mademoiselle, tout ira bien, me rassure l'infirmière avec une voix douce mais ferme. Respirez profondément, essayez de vous détendre.

Je m'apprêtais à retourner au studio après plusieurs jours de deuil. La mort de Mary, bien qu'elle remonte à quelques semaines, me hantait comme si elle avait eu lieu hier. Décidée à me lever ce matin, je m'étais fixé pour objectif de reprendre ma vie en main, convaincu que Mary m'aurait, depuis longtemps botter le derrière, en me voyant ainsi. Au moment où j'ai posé le pied en dehors de la maison, une douleur aigue et flagrante a surgi au niveau de mon ventre, m'arrêtant net. Avec mes parents absents, j'étais seule face à ce qu'il m'arrivait. La seule solution était de me rendre à l'hôpital, même si par un coup de malchance, ma tante Ruby, qui travaille habituellement, avait son jour de congé, et l'équipe médicale que je connaissais bien n'était pas de service.

— Qu'est-ce que ça donne, les radios ? demande l'urgentiste tout en me perfusant.

Son regard est intense, scrutant les moniteurs avec une attention qui devrait me rassurer. Autour de moi, le monde semble tourner, comme si j'étais dans un carrousel de lumières et de sons flous. La douleur est si puissante que j'ai l'impression frôler la mort. À cet instant, je ne sais pas si je vais ressortir de cet hôpital vivante.

— Oh mon Dieu, s'exclame soudain l'un des soignants. Ce n'est pas une descente d'organes, annonce-t-il.

— Qu'est-ce que c'est alors ? parviens-je à demander, essoufflée, la tête lourde, relevant péniblement la tête pour croiser son regard.

— C'est un bébé, m'informe l'infirmière, les yeux écarquillés.

— Un quoi ? hurlé-je presque. Comment ça, un bébé ?

— Faites une échographie, ordonne le médecin.

— Je ne suis pas enceinte ! m'exclamé-je à bout de souffle.

L'échographie est rapidement faite. Le gel froid sur mon ventre, l'emboue de la machine sur ma peau et puis des battements de cœur qui envahissent la pièce.

Par tous les dieux. C'est vraiment un bébé.

On me retire mon jogging et mon sous-vêtement.

— Quand vous sentez une contraction, vous poussez, d'accord ?

Je ne comprends pas ce qu'il se passe, c'est comme si j'étais dans un monde parallèle. Tout se mélange : l'adrénaline, la peur, la douleur. Ce n'est pas possible ! Je ne peux pas être enceinte !

Pourtant, cette envie de pousser de toute mes forces pour me libérer de ce poids qui pèse est bien réel. Guidée par un instinct primal, je pousse avec une force que je ne connaissais pas. Une fois puis deux et enfin je me sens délivrée.

Un cri de nouveau-né s'élève et fend l'air.

La tension retombe d'un coup, remplacer par un soulagement profond, un épuisement indescriptible et une stupeur. Je repose ma tête en arrière, la tête lourde, les oreilles qui bourdonnent et le corps en sueur.

Qu'est-ce qu'il vient de se passer ?

C'est comme si mon monde s'était brutalement arrêté de tourner. Comme si le sol se dérobait sous mes pieds. À cet instant, j'ai envie de hurler, de crier à Angelina de ne rien dire.

Black AngelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant