Sœur Marguerite prit la décision d'attendre la fin de la classe pour recevoir une explication de la part du duo. Pour les inciter à tout lui avouer dans les moindres détails, elle leur promit de n'en parler à personne. C'est donc timidement qu'Annabelle prit la parole, les mains derrière le dos, gardant difficilement la tête haute face à son institutrice.
– Vous pourrez donc dire à ce mystérieux voleur que vous n'aurez plus besoin de ses services, commença la sœur avec un sarcasme très discernable. Non mais sérieusement, qu'est-ce qu'il vous est passé par la tête ? Je ne vais pas vous disputer pour votre soif de lecture mais cela doit s'arrêter. De plus, je vous interdit de retourner de votre plein gré dans cette cave sombre, est-ce bien clair ?
Elle avait bien retenu le fait que les filles faisaient exprès de se faire punir pour aller chercher leur ouvrage au sous-sol et leur mentionna le fait qu'elle avait une différente vision des châtiments que leur professeure précédente. Elle se pencha sur son bureau afin de s'approcher de ses deux élèves :
– En revanche, j'ai moi-même, ainsi que mes collègues, accès à la bibliothèque de l'école. Un seul mot de votre part et je me chargerai de cet échange à la place de votre ami, leur chuchota-t-elle d'un air espiègle.
Chose dite, chose faite. Les filles étaient ravies de pouvoir faire leur trafic de livres intra-muros. Arriva un moment où elles furent dans l'obligation de prévenir Gus de leur nouvel arrangement.
– J'suis vachement...euh vraiment soulagé. La semaine dernière j'étais à deux doigts de me faire prendre et revenir avec une main en moins, leur avoua Gus accroupi sur le trottoir comme toutes les semaines. Et oui, j'ai entendu dire un domestique qu'un maraîcher avait sauvagement coupé la main d'un garçon pour lui avoir volé des légumes. Et selon le patron de ma mère, il l'aurait bien mérité.
Gus déglutit à la pensée de perdre un membre si injustement. Ses mimiques très expressives arrivaient toujours à faire rire les deux filles, même dans les moments les plus inappropriés. Quand il dut continuer sa tournée, Annabelle remarqua que son amie avait troqué son sourire contre une moue morose, qui mit du temps à quitter son visage. A croire que ces petits rendez-vous avec Gus, qui la faisaient tant palpiter, lui manqueraient. Annabelle, elle, ne choisit pas d'être si défaitiste et était persuadée qu'ils garderaient contact.
Les semaines passèrent plus rapidement depuis que Sœur Marguerite avait pris en main leur éducation. Annabelle se sentait bien plus à l'aise et n'hésitait pas à participer abondamment, ce qui rendait folles de rages Bertille et ses amies. Elles ne leur causaient plus vraiment de soucis mais ne cessaient de les fixer de haut en bas avec leurs mêmes manières détestables. Et chacun de ces regards était toujours accompagné de chuchotements critiques à leur sujet. Annabelle et Suzanne se plaisaient à rester à deux et avaient pris l'habitude de les ignorer et de ne jamais rentrer dans leurs jeux puérils.
Le dernier jour avant les vacances d'hiver fit enfin son apparition et Annabelle trépignait sur sa chaise à l'idée de passer Noël. Alors que les élèves étaient en train de terminer leur rédaction de la semaine, que Sœur Marguerite avait mise en place à son arrivée, quelqu'un frappa à la porte de la classe. Tout le monde leva son nez de sa feuille et se mit debout à côté de son siège en voyant la Mère supérieure se diriger vers leur institutrice. Leur échange fut discret et bref et sans même leur adresser le moindre intérêt, la vieille dame repartit la tête haute. Il ne fallut pas longtemps pour que Sœur Marguerite ne réagisse à cette interruption et demande à Suzanne d'aller la voir. Le premier réflexe de la jeune blonde fut de jeter un regard paniqué à son amie, qui dû hausser les épaules, ne pouvant deviner de quoi il pouvait s'agir.
Malheureusement, Annabelle était trop loin pour discerner ne serait-ce qu'un bout de leur conversation et ne pouvait voir qu'un rictus désolé sur le visage de Sœur Marguerite. Et en se retournant pour aller reprendre sa place, Suzanne arbora la même expression déçue. Annabelle profita que son amie passe à côté d'elle pour lui attraper le bras au passage et lui demander quel était le soucis.
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Annabelle de Coutais
Исторические романыAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...