2015, octobre, dimanche 18, 00h52.
Amaël et moi faisions le tour du service psychiatrique depuis une quinzaine de minute, l'accueil nous avait confirmé les horaires habituelles de Shams sans nous guider pour autant sur le lieu de sa présence. Je rentrai parfois dans certaines chambres pour me renseigner auprès d'autres psychiatres pendant qu'Amaël m'attendait dans le couloir. On l'avait vu, certes, mais il y a de ça sept heures au minimum, personne ne l'avait aperçu après dix-huit heures, pas même moi qui était encore à l'hôpital à ce moment-là. Pas même moi qui vivait grâce à lui.
J'avais rappelé Jun au plus grand désespoir de celui-ci, si je ne pouvais pas me reposer alors lui non plus. Il était en chemin, et tant qu'il ne sera pas là, cette boule d'angoisse continuera à grandir de façon incontrôlée. Même si ses remarques, même si ses gestes déplacés, je ne pouvais pas gérer ça seul, il était ma seule solution. Jun se substituait à Shams.
Amaël n'arrangeait pas la situation. Cette tendance à toujours vouloir tout faire de lui-même, cette façon de rembarrer les autres sans même qu'il soit fâché, il perdait toutes ces capacités dès lors que ça le concernait. Et je le trouvais bien trop dépendant ainsi, comme si avec lui il devait changer la moindre de ses facettes. Il avait toujours été comme ça. Mais Shams n'a pas toujours été porté disparu. Alors ces mouvements et ces paroles, rien ne m'était vraiment familier. Je ne pouvais que me permettre d'analyser ce nouveau lui, sans juger son ancien.
Trois tour entier de l'hôpital, rien. Un stress continu, rien. Et Jun arrivait, près de nous, loin de lui, rien. Il peinait à nous écouter jacasser en même temps, je le voyais sur sa tête, ces innombrables cheveux qui se redressaient en pic dès qu'il ne comprenait pas un mot. Tous trois en criant, tous trois en marchant tantôt à l'allure d'une fourmi et tantôt à la vitesse d'un guépard. On ne faisait rien, nous étions inutiles. On ne le retrouvera jamais ; c'était ce que je pensais, au plus profond de moi-même.
Un hurlement surgit de la pénombre, au fin fond du parc nord. Sans même nous attendre, Jun s'enfonça dans l'obscurité à pas rapides, puis à course accélérée. Il nous criait de l'accompagner alors même qu'Amaël s'apprêtait à le doubler. On courait sur l'herbe trempée en nous rapprochant à l'ouïe de respirations saccadées. Deux silhouettes se créèrent, puis avec l'apparition du flash de Jun, on y découvrit ce que l'on cherchait depuis une heure. Shams était assis de dos, les mains portées derrière son crâne, des mains inhabituellement rougeâtres pour sa peau basanée.
— Shams ! cria son amant avant de lui sauter dessus. Tu m'as fait tellement peur idiot...
Jun m'arrêta avec son bras, à deux pas de Shams. Un sentiment confus me prit de court, mon meilleur ami n'avait pas disparu, et pourtant ces mains, et pourtant ce corps et cette odeur nauséabonde qui commençait à se propager dans mes narines. Allongé comme un piquet à la façon d'un macchabée dans un tombeau, l'homme étendu face à nous affichait un visage stoïque, son teint était pâle et sa bouche grande ouverte, non, sa mâchoire était enfaîte complètement disloquée. Je rapprochai mon visage du sien, et ces cheveux, et ces lunettes fracturées... Monsieur Brown ?! Je reculai en ouvrant les yeux, accélérant ainsi les battements de mon coeur et l'angoisse déjà accumulée au fin fond de mon estomac. J'ingurgitai ma salive.
— Et bien, Shams ? Je crois qu'une explication s'impose, suggéra Jun en photographiant la scène de crime. Amaël, lâche-le cinq minutes veux-tu ? Montre-moi tes mains, ordonna-t-il en s'agenouillant près de Shams.
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Les Précepteurs du Я - Âmes Sentinelles (Tome I)
Gizem / GerilimAzur n'avait jamais été aussi belle. C'était dans son esprit qu'elle se matérialisait le mieux, au point d'en perdre la tête, de sombrer dans la folie. Depuis qu'elle était partit, depuis qu'elle l'avait laissé seul dans cet hôpital, il n'avait cess...