Le rêve de sa vie

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Étape n°3 : Écrire une scène dans laquelle le lecteur découvre un obstacle qui va se dresser (ou qui se dresse) face à notre couple.

Lieu choisi : Skatepark

Nombre de mots : 885

Bonne lecture !

★★★

Le bruit de ses pas résonnait dans la rue déserte. Il était près de trois heures du matin et la température était négative depuis le coucher du soleil, mais Ariel n'avait même pas mis son manteau en quittant le bar. Elle se fichait du vent froid qui balayait ses magnifiques cheveux bleus, légèrement emmêlés par les dernières heures, et qui fouettait ses joues mouillées. Le blush que sa sœur y avait appliqué avait disparu, le noir sur ses yeux s'était un peu estompé et, bien qu'elle avait remis du rouge à lèvres trois fois dans la nuit, il n'en restait qu'une infime trace violette juste en dessous de son piercing médusa.

— Matt ! cria-t-elle en arrivant au skatepark où elles s'étaient donné rendez-vous.

L'interpellée leva les yeux et aperçut la silhouette de sa petite amie se dessiner dans la pénombre. La faible lumière qui provenait du dernier réverbère fonctionnel ne les éclairait même pas assez pour se voir. Tant pis, se dit-elle. Elle allait devoir se faire à l'idée qu'elles ne se verraient plus, de toute façon.

Ariel grimpa rapidement le long de la rampe sur laquelle était installée sa belle brune et s'agenouilla sur le métal pour reprendre son souffle. Elle essuya une dernière fois les larmes de joie qui avaient roulé sur ses joues.

— Matt, tu devineras j...

— Je le sais déjà, Ari.

L'espace d'une seconde, le sourire d'Ariel s'étira un peu plus avant de complètement disparaître quand elle réalisa que le ton de Mattea était plus sec que ce à quoi elle s'attendait. Mais si elle savait, pourquoi n'était-elle pas heureuse ?

— Qui te l'a dit ? réussit-elle à marmonner.

— Raeven m'a envoyé un message, il y a une demi-heure.

— Oh, évidemment. C'est génial, hein ?

La musicienne essayait de faire revenir l'excitation dans sa voix, dans l'espoir que sa chère et tendre la partage. Elle avait envie de sauter sur place, c'était le plus beau jour de sa vie – à ceci près qu'il faisait nuit. Mais Mattea ne répondit pas.

— On n'a même pas eu de réponse quand on a envoyé nos démos, reprit Ariel pour combler le silence qui l'effrayait soudain. Et là, voir un agent de TMI Records débarquer, comme ça... C'est fantastique.

Apparemment, Mattea n'était pas du même avis et cela brisa le cœur d'Ariel. Sa petite amie n'avait jamais été autre chose qu'un immense soutien depuis que Crystal, Raeven et elle avaient créé Dolls of Tonight, il y a quatre ans. À ce moment-là, c'était un rêve d'adolescentes et aucune d'elles ne croyait vraiment qu'elles auraient du succès. Qu'on leur proposerait un jour de signer dans une vraie maison de disques. Ariel se mit à triturer ses doigts abîmés par les cordes de basse.

Mattea ne put voir le geste mais elle devina aisément l'attitude d'Ariel, elles se connaissaient par cœur depuis qu'elles étaient enfants. Elle comprit qu'elle était en train de gâcher le bonheur de celle qu'elle aimait plus que tout. C'était plus fort qu'elle, elle n'arrivait même pas à faire semblant. Bien sûr, elle croyait au talent d'Ariel mais les gens talentueux n'arrivent pas toujours à réaliser leurs rêves. Devant elle, les portes s'étaient toujours fermées. Et puis elles avaient d'autres projets, rien qu'à elles.

— Matt, souffla Ariel, au bord des larmes. Dis quelque chose... s'il te plaît.

La brune essuya ses joues. Elle avait pleuré, elle aussi.

— Tu vas partir. New York ou Los Angeles ?

— New York, mais... Mais tu viens avec nous...

Ah oui, elle lui avait dit ça. Quand elles parlaient de ce rêve inatteignable, Mattea avait assuré à Ariel qu'elle les suivrait mais elle n'en avait pas envie. Ou plutôt, elle ne voulait pas partir dans une grande ville. Elle avait même refusé de vivre sur le campus et préférait faire une heure de voiture tous les matins et tous les soirs pour ne pas quitter leur petite ville perdue dans le Montana. Sa famille était ici, elle n'était jamais partie. À dire vrai, ça lui faisait même un peu peur.

Ariel se remit à pleurer, elle était dévastée.

— Tu as dit que tu viendrais avec moi !

— C'est pas mon rêve, Ari. C'est le vôtre.

Mattea se tourna vers Ariel qu'elle ne voyait toujours pas. Elle tendit la main dans la pénombre, effleura le jean déchiré et fit courir ses doigts sur la cuisse de sa dulcinée. Ils remontèrent sur sa taille, le long de ses côtes jusqu'à parvenir à trouver ses mains qui lui avaient couvert le visage.

— Je peux pas vous accompagner, expliqua Mattea. Ma mère a besoin de moi, je dois continuer l'université et...

Les sanglots d'Ariel l'empêchèrent de continuer. La brune n'espérait pas qu'elle décide de ne pas signer et de rester. Elle n'oserait même pas le lui demander, ce serait tellement égoïste. Sans un mot de plus, elle écarta les mains d'Ariel pour pouvoir l'embrasser. C'était un baiser passionné et désespéré. Elles s'accrochèrent l'une à l'autre pendant de longues minutes, comme si elles disaient adieu à quelque chose.

— On trouvera un moyen pour que ça marche, souffla Ariel après s'être reculée. Il y a plein de gens qui ont des relations à distance et... et ça marche très bien.

— Oui, tu as raison. On s'aime trop pour que quelques kilomètres nous séparent !

Ariel hocha la tête, tremblante de froid et de détresse. Il fallait y croire, elles s'aimaient trop pour abandonner sans même essayer.

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