Learn to trust [Sortie papier en mai]

Chapitre 1 - Damien

D'un pas déterminé et la tête droite, je foule le bitume des trottoirs durant une vingtaine de minutes pour rejoindre les portes de LearnTown. Une arche majestueuse annonce l'entrée de ce campus universitaire, contrastant avec l'architecture urbaine de la ville. Le goudron cède sa place à des dalles pavées blanches et rougeâtres qui desservent les différents bâtiments appartenant au complexe académique. Le lieu est tel que dans les magazines : propre, verdoyant, inspirant. L'édifice principal est reconnaissable de par ses façades imposantes en briques rouges. Ses fenêtres en arc au rez-de-chaussée ajoutent du cachet à la structure de trois étages. Mon regard divague sur ce lieu où je passerais mes prochaines années. Du moins, je l'espère. Cette université sera la bonne. Pas comme l'année dernière. Non. Ici, je serais moi-même et pas seulement une ombre qui se cache dans l'espoir qu'on ne la remarque pas. Aujourd'hui est un nouveau départ. Mon nouveau départ.

Le lieu respire la sagesse et l'apprentissage et m'apporte un sentiment de légèreté. Sentiment qui me faisait tant défaut. Je suis la vague humaine qui se dirige vers le bâtiment central, porté par l'agitation des étudiants qui font leur rentrée. Je me suis donné du mal pour intégrer un cursus ici, loin de chez moi, pour tout reprendre de zéro. J'ai fait ce choix et je compte bien ne pas le regretter.

    Des rêves plein la tête, je m'interroge sur ce qui m'attend derrière ces murs. Un mélange d'appréhension et d'excitation s'empare de moi. Et si je me trompais ? Et si je me faisais une fausse joie ? Un moment d'hésitation stoppe ma progression en haut des marches. Mes démons reviennent au galop, sans prévenir. Je ferme les yeux un instant avant qu'un étudiant me heurte.

— Oh. Excuse-moi, pardon, je n'ai... commencé-je.

— C'est rien mec, c'est moi qui te suis rentrer dedans ! Désolé ! Moi non plus j'ai pas envie d'y aller, je ferais bien demi-tour, plaisante-t-il en me tapant sur l'épaule avant de filer à l'intérieur, sourire aux lèvres.

Ahuri et surpris que l'on s'adresse à moi de cette manière, ma confiance en moi remonte légèrement. Je gonfle ma poitrine d'air que j'expire un bon coup pour refouler la boule qui se forme au creux de mon estomac. Refusant de perdre mes moyens avant même d'avoir essayé, je pénètre dans le hall à la recherche du service des admissions.

La paperasse remplie, je prends la direction de ma première salle de cours. Je déambule dans les couloirs à la recherche de ce fameux amphithéâtre, tenant fermement ce fichu plan entre les mains qui ne m'aide pas plus que ça. Tout se ressemble ici. Suis-je seulement dans le bon bâtiment ? Au bon étage ?

Quelques yeux d'étudiants me survolent par moment, sans pour autant s'arrêter sur moi, tandis que je me faufile parmi eux. Pour mon plus grand plaisir, ici je suis invisible. Personne ne me connaît. Par habitude, je baisse le regard, observant suffisamment devant moi pour ne pas bousculer quelqu'un par inadvertance. L'étudiant de ce matin était peut être une exception et il ne manquerait plus que je me fasse remarquer le premier jour. Néanmoins, je relève le nez de temps à autre pour tenter de me repérer, ma grande taille étant un atout majeur pour cette recherche.

Après plusieurs minutes de piétinement, j'arrive enfin devant les portes affichant « Salle AMP32 » : ma destination. Je pénètre dans l'amphithéâtre et observe les quelques jeunes qui bavardent tranquillement. Je monte quelques marches pour me positionner au milieu sur un côté de la pièce. Hors de question de me mettre tout devant et que chaque nouvel arrivant me repère au premier rang, tout comme il est hors de question que je prenne place au fond avec les têtes brûlées qui pourraient me chercher des noises. Mon choix stratégique est assumé.

Je sors mon ordinateur ainsi qu'un pad et son stylet. J'aime bien pouvoir ajouter des graphiques ou des explications manuelles en plus de ce que je tape sur clavier. Si je suis là aujourd'hui, c'est parce que cette méthode hybride a fait ses preuves l'année dernière et me correspond totalement. J'ai passé mon année à me réfugier dans mes études et dans les livres. Je vivais à travers les aventures des personnages, à défaut de pouvoir vivre ma propre vie.