Je voyais mon reflet dans le miroir, les larmes coulent le long de mes joues. Mon cœur était serré et j'étais partagée entre l'envie de tout casser et celle de crier à l'aide. Deux réactions qui veulent dire la même chose au final. La fatalité de l'histoire me frappait de plein fouet, à chaque fois je pensais l'avoir réalisé, l'avoir pleinement accepté, quelques jours s'écoulaient où je m'apaisais puis ça revenait et de nouveau je me laissais emportée par la vague ou bien elle m'emportait de nouveau, à vrai dire je n'avais même pas les idées claires sur ce que je traversais.
Que mon père m'explique ses actes ou qu'il ne le fasse pas, rien ne redeviendrait comme avant. Je ne savais pas ce que je cherchais à racheter derrière tout ça. Des réponses pourquoi faire au final si tout était déjà foutu ?
Je courrais derrière une vérité qui n'aurait plus rien à éclairé mais j'avais si peur du noir que j'y tenais encore.
Du bout des doigts, je retouchais mon maquillage, assez pour ne deviner aucune larme si ce n'est par la légère rougeur de mes yeux. Je pris une profonde inspiration, jetai quelques coups d'œil à l'heure sur ma montre puis ressortis des toilettes la tête haute, évidemment ce n'était que de façade, je n'avais qu'une envie : me terrer au fond de ma chambre d'hôtel et tout oublier, même ma propre personne. Je n'avais jamais été une consommatrice de substance, mais à l'instant si cela se présentait je n'aurais pas nier que je m'y serrais laissée aller, peut-être par lâcheté, pour tout abandonner en passant par moi-même.
Soudain, une silhouette familière interrompis le fil de mes pensées.
Par réflexe je cherchai la présence d'Esteban, mais il n'était pas là. De loin, je regardais mon père s'installer puis plusieurs minutes après, miser quelques uns ses jetons.
Son visage était détendu, il semblait être un autre homme ici au milieu de toutes ces personnes. Une femme se tenait à ses cotés, plutôt jeune, une trentaine d'année, élancée, le teint basanée, les traits fins. Les cartes se distribuèrent et je lançai de nouveau un regard circulaire dans le lieu. Il y avait des dizaines de personnes mais j'étais seule.
Mon père avait la meilleure main, il remporta la mise. Un sourire satisfait à peine visible planait sur ses lèvres, sa compagne elle aussi semblait fière de la partie. Elle lui glissa quelques mots à l'oreille et il lui répondit de la même façon.
J'attendis qu'il quitte la table pour le suivre. Il monta les escaliers tranquillement, je lui emboîtais le pas en gardant une certaine distance.
Il s'isola dans une pièce, sortit un cigare et l'alluma en faisant dos à la porte.
- Bonsoir papa, lançai-je en refermant le battant derrière moi.
La surprise se peignit sur son visage, il ne s'attendait pas à me voir ce soir, je me demandais même si il s'attendait me revoir tout court un jour? Ou s'il avait prévu de disparaître complètement de la surface du globe.
- Alessia...
- C'est moi que tu fuis papa ? Ou quelque chose d'autre ?
- Tu ne devrais pas être ici, rentre avec ton mari.
- Oui, je vais rentrée mais uniquement après que tu ais répondu à toutes mes questions.
- Esteban est ici ?
- Oui.
- Où ? Je ne peux pas tout t'expliquer si je n'ai pas la certitude qu'il n'entendra pas cette conversion.
- Et bien je n'en sais rien, il a disparu au beau milieu de la soirée mais je n'ai pas l'intention de me barrer d'ici sans mes réponses, articulai-je plus durement.
- Si je suis parti c'est pour une bonne raison, je ne t'ai pas abandonné.
- Ça crois-moi, je n'en ai rien faire. Moi ce que je veux savoir c'est pourquoi tu as fait disparaître maman, et ce n'est pas la peine de nier, je le sais. Je veux juste comprendre.
L'expression sur son visage se dégrada, il s'assit sur le fauteuil central de la pièce, passa une main sur son crâne. La fumée du cigare montait dans une traînée brumeuse laissant derrière elle une odeur bien spécifique.
- Elle n'était pas celle que je pensais qu'elle était. Elle m'a trahit, elle a trahit tout le monde, ta mère était une taupe. Si je ne l'avais pas fait moi, on se serrait occupé d'elle, soit ton beau-père ou peut-être même plus tard ton mari lui-même.
- Pour qui elle travaillait ?
- Une agence de renseignement du gouvernement.
Avec tout ce qu'elle transmettait ils auraient pu clore le dossier et faire tomber l'organisation en quelques années, de ses fondations à ses extrémités. Je n'ai pas vraiment eu le choix, tu comprends ?
La lumière de la pièce me donnait la migraine. La voix de mon père ne devenait, par intermittence, plus qu'un bruit de fond.
- Encore aujourd'hui je n'ai pas vraiment le choix, si je fais ça c'est pour te protéger. Bientôt tout sera fini et toi tu n'auras plus rien à craindre.
- De quoi tu parles ?
- Écoute, il est temps que tu rentres. Tu diras à Esteban et à ta belle-famille que tu as eu les réponses à tes questions. Ensuite tu ne ferras pas de vague et tout ira bien. Va-t'en Alessia.
- Mais là j'en ai d'autres des questions, qu'est-ce que tu veux dire par tout sera fini?
- Je ne peux rien te dire de plus, c'est pour ta sécurité. Je sais que tu me hais, que que je ne veux plus rien dire pour toi mais rentre et continu comme si de rien n'était, d'accord ?
Il s'était levé, il tenait mes épaules entre ses mains et les serrait comme pour appuyer sur l'importance de ses mots.
- Si tu as un problème, contacte ce numéro, ajouta-t'il finalement en glissant une carte dans ma main.
Je restais silencieuse, il se recula et me contourna pour sortir de la pièce. Lorsque la porte se referma derrière moi je réalisais que j'étais seule. Il venait d'avouer son crime et je ne m'en sentais aucunement soulagée. Ma mère travaillait pour le gouvernement et moi je me retrouvais mariée à l'une des familles la plus criminelle de mon pays. C'était d'une ironie assommante. Un rire nerveux s'échappa de mes lèvres, j'observais la porte qu'il venait de passer. S'il me demandait de continuer comme si de rien était c'est que le travail de ma mère n'était pas terminé, mais qui avait repris le relais ? Lui ?
C'était sûrement pour ça qu'il n'était pas en prison après avoir tué un agent des renseignements et qu'il traînait avec des hommes politiques.
Machinalement, je jouais avec mon alliance en parcourant la salle sans vraiment avoir conscience de mes pas. Tout s'éclairait, il avait accepté que je me marie avec Esteban parce que tout cela l'arrangeait, c'était certainement une façon pour lui de garder un pied dans la famille. Selon lui je ne risquais rien, peut-être parce qu'il avait fait de moi une traître aussi ? Malgré moi j'avais servi à son avantage.
Mon cœur palpitait de colère, j'avais envie de casser quelque chose, de retourner la pièce et les objets qui s'y trouvaient. Je tremblais. Je sortis, et tombais face à face avec Esteban qui semblait noir de colère.
- Il était là ?
- Tu étais où ?
- J'ai reçu plusieurs appels, il y a eu des descentes de polices dans les quartiers auxquels on distribue nos marchandises. Des armes et de la cocaïne ont été saisi.
- Qu'est-ce qu'il va se passer ?
- Je vais contacter les avocats et m'assurer que personne ne l'ouvre.
- On doit rentrer maintenant ?
- Oui.
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Rivera : L'épouse d'un chef de Cartel - 1er jet
RomanceLa famille Rivera est l'une des familles les plus puissantes dans le monde du crime en Amérique latine. L'un de leur fils, Esteban, a passé un accord avec mon père. Du jour au lendemain, je me suis retrouvée mariée pour respecter un engagement dont...