Trois années s'écoulèrent, sans vraiment différer des unes et des autres. La routine s'était installée, rythmée de cours donnés par Sœur Marguerite, de jugements constants de la part de ses camarades et pourtant, Annabelle et Suzanne avaient semblé avoir trouvé le parfait équilibre entre demeurer elles-mêmes et rester dignes de leur rang. L'adoption avait certes facilité l'insertion d'Annabelle. Plus personne n'avait osé la confronter en face. Les piques qui lui avaient été lancées prenaient peu à peu la forme d'une hypocrisie dont Annabelle se fichait pas mal.
Ce qu'elle préférait par-dessus tout, c'était passer ses vacances, seule avec Suzanne au pensionnat, à lire et à s'amuser sans que personne ne leur reproche de ne pas se tenir à carreaux. Mais quand venait l'été et que Suzanne avait enfin l'occasion d'aller retrouver sa famille lors de divers voyages, Annabelle se retrouvait dans l'obligation de retourner vivre dans l'hôtel particulier des de Coutais. Sù sa tante prenait un malin plaisir à lui enseigner fermement le protocole dans l'objectif qu'elle devienne l'une des leur. Elle regrettait presque les cours d'étiquette qu'elle recevait le reste de l'année. Malgré tout, elle s'ennuyait énormément de ne pas pouvoir passer du temps avec Suzanne, qui avait profité de la fin de leurs études pour accompagner ses parents et son frère aîné pendant leurs voyages d'affaires. Dans une de ses lettres, elle lui avait annoncé qu'elle ne reviendrait qu'une fois l'hiver terminé. Parfois, quand elle sortait au parc, elle croisait le chemin de Gus. Alors pour compenser l'absence de son amie, et même si elle avait interdiction d'aller lui parler, son seul sourire amical rendait sa journée bien meilleure.
Au final, Annabelle vivait chaque jour en attendant d'être au prochain, s'habituant à sa nouvelle vie citadine. Faire ce qu'on lui demandait n'était plus tellement un supplice. C'était comme si, au fond d'elle, elle voulait montrer à tout le monde, et en particulier à son oncle, qu'elle pouvait sans aucun doute devenir quelqu'un dont il serait fier d'avoir donné le nom. Et en effet, plus le temps passait, plus son attitude devenait irréprochable, forçant sa tante à devoir redoubler d'imagination pour pouvoir continuer à l'utiliser comme excuse pour râler. Mais quand Bertille et Annabelle eurent terminé leur éducation scolaire, le regard que Nicolas portait à sa nièce s'adoucit davantage.
Un jour encore coloré d'Automne 1883, Nicolas de Coutais rentra tout guilleret à ses appartements avec une excellente nouvelle.
– Installez-vous bien.
Il avait laissé planer le suspens depuis deux bonnes minutes déjà, ce qui avait le don d'agacer son épouse.
– Allez-vous donc en venir au fait ?, souffla-t-elle en croisant ses bras sur sa poitrine.
Il finit alors par expliquer que son patron lui avait octroyé une promotion conséquente et avait insisté pour lui donner le poste de directeur dans l'une des banques les plus réputées de la capitale. Face à une telle déclaration, Clothilde plaqua la main devant ses lèvres fines.
– Pour fêter cela, nous sommes tous les quatre invités à une soirée donnée par mon directeur en personne.
– Notre première invitation officielle !, s'exclama Clothilde, prête à sauter dans les bras de son mari, folle de joie. Quel honneur ! Mon amie Gisèle n'en reviendra pas quand je lui en ferai part. Nous méritons enfin ce pour quoi nous avons travaillé si dur.
Quand Nicolas et elle se sont rencontrés, il n'était qu'un simple banquier aisé. En l'épousant, Clothilde avait conscience qu'ils devraient se battre pour monter les grades et faire enfin partie de la haute société. Cette place et cette soirée étaient pour eux l'aboutissement d'un travail social acharné, qui payait enfin.
– Il me faut absolument une nouvelle robe, Mère !
– Nous irons chez le couturier au plus vite. Combien de temps nous reste-t-il chéri ?
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Annabelle de Coutais
Исторические романыAnnabelle, jeune villageoise française de 12 ans est élevée par ses parents dans un village de campagne. A l'été 1879, quand ses parents décèdent brutalement, Annabelle se retrouve à vivre une vie bourgeoise pleine de nouvelles règles dans le Châtea...