Ça fait quelques temps que je m'interroge sur ce délicieux frisson qui me prend quand elle est proche de moi. On ne m'a jamais décrit une amitié comme ceci. Lorsqu'elle est là, je n'ai d'yeux que pour elle. Elle semble briller dans la pièce plus que quiquonque d'autre. Elle parait si fragile, du haut de son mètre soixante, que j'ai envie de l'entourer de mes bras sans jamais la lâcher. Ses cheveux tombent comme une cascade de ténèbres jusqu'à sa taille lorsque, énervée, elle les détache pour montrer qu'elle n'est pas juste une petite enfant de sang royal. Ils sentent les fougères et la fleur de lys, que nous utilisons dans la fabrication de nos savons. Jamais ces odeurs ne m'avaient paru si exquises avant qu'elle ne les porte. Lorsqu'elle s'avance près de moi, en plantant ses magnifiques iris noir d'encre dans mon regard, cette petite chose me fait perdre tous mes moyens, et le temps semble s'immobiliser entre nos deux souffles qui s'entremêlent. Cette étincelle de détermination qui brille dans ses yeux me fait sourire et me rend admirative à la fois. Elle ne se soucie pas du jugement des autres. Elle pourrait être une si bonne fille. Seulement, je devrai lui en vouloir. C'est ce que je lui ai dit. Je lui ai bien fait comprendre que je ne voulais plus la voir, que je me méfiais d'elle et que je la tolérais uniquement parce qu'elle m'avait sauvé la vie. Mais je me rends compte maintenant que c'était faux. En vérité, j'ai peur de ce qui pourrait lui arriver si elle restait seule dans la forêt. Je ne sais même pas comment elle a fait pour survivre jusqu'ici. Elle est bien plus forte qu'elle n'en a l'air, je l'ai compris, mais elle est aussi étonnante. Ce qu'elle me fait ressentir est bien plus puissant qu'avec le prince Carl, avec sa moue boudeuse qui me fait rire malgré moi, sa joie de vivre contagieuse et ses lèvres tellement douces que j'aimerai les goûter. Je me fige. Les goûter. Les toucher. Les embrasser. Une fille et une fille. Deux filles ensembles. Est-ce possible ? Je sursaute alors qu'une voix mélodieuse m'interpelle timidement.
- Heu... Noah ? Je sais que tu ne veux plus me parler, mais j'ai quelque chose d'important à te dire. S'il te plaît.
Akira semble... intimidée ? C'est bien la première fois que j'entends ça, et c'est ce qui me convainc à me retourner malgré l'attitude froide que je devrais aborder à son égard.
- Quoi ? demandais-je d'une voix distante.
- On m'a envoyée te dire qu'il faudrait vraiment que tu reprennes les entraînements avec... commence-t-elle maladroitement.
- Non.
- Pourquoi ?
- Parce que.
- Ecoute, je sais que tu ne veux pas me voir. Je sais que tu ne m'aime pas et que tu ne peux pas me blairer à cause de ce que je vous ai fait. Mais je vous ai déjà présenté mais excuses et tu es la seule à ne pas les avoir acceptées. Tu ne pourras pas m'éviter indéfiniment.
Je remarque que sa gêne a laissé place à son habituelle répartie, empli d'un certain ego. J'aurai dû me douter que son caractère fougueux ne pouvait pas s'être si facilement rétracté. J'aime cet aspect-là de sa personnalité, mais ordinairement, il est jovial et plein d'entrain. J'ai l'impression d'éveiller en elle ses pires démons avec ma mauvaise foi. Et ça m'énerve.
- Ecoute, je ne suis pas comme tout ces villageois, a gober tes sales excuses. On a passé combien de temps ensemble, deux mois ? Je te faisais confiance, et tu nous a trahi. Je ne vais me laisser avoir par ton charme une seconde fois. Ça ne sert à rien d'essayer.
- Arrête ! s'exclame-t-elle avec colère. Si tu ne me fais pas confiance, pourquoi m'avoir gardé avec toi ?
- Parce que tu crois peut-être que c'est de moi que viennent les décisions du village ? Que je suis leur leader ? Je suis une étrangère tout autant que toi ici, alors ce n'est certainement pas entre mes mains qu'ils vont laisser ce pouvoir de jugements. Si tu es ici ma belle, c'est uniquement parce qu'eux m'ont ordonné de te garder, et je puis t'assurer que ce n'est pas parce que tu leur plais. Ne te voile pas la face mon ange, s'ils te préservent c'est uniquement pour posséder de leur côté une monnaie d'échange. Tu es d'une naïveté...
Je me fige. Emportée par mon élan d'animosité, je ne m'étais pas rendu compte que je venais de franchir les derniers pas qui nous séparait. Son corps est chaud. Mes bras, plaqués contre le mur derrière elle, la maintiennent captive. Ma tête baissée au-dessus de la sienne, je remarque alors ses yeux tremblants et brillants, comme si elle était au bord des larmes. Je lui ai fait peur, et je le regrette immédiatement. Je devrais m'éloigner d'elle, mais je ne peux m'y résoudre : mon corps est attiré par elle comme un bout de métal à un aimant. Ses pupilles cessent de trembler. Je croyais qu'elles étaient noires, mais elles tirent plutôt sur une teinte brun foncé, parsemées de points ébènes comme des puits. On dirait une galaxie sombre recelant des secrets que toute personne douée de raison éviterait à tout prix. Mais moi, je meurs de les découvrir. Je voudrais m'y plonger tout entière et les embrasser un par un, les admirer, les enlacer et les recueillir. Je voudrais les faire mien et m'y perdre à jamais. Je voudrais qu'ils ne soient là que pour moi. Ils deviendraient mon monde et moi le leur. Je ne voudrais plus que ça. Eux. Ces magnifiques yeux noirs qui me fixent en ce moment avec désespoir et avidité. Alors, je perds pieds. Mes lèvres s'écrasent sur les siennes avec une fougue mêlée de délicatesse. Elle me rend mon baiser, presque avec impatience, et mes mains descendent jusqu'à sa taille gracile tandis que les siennes viennent se pendre à mon cou. Je parcours les derniers centimètres qui nous séparaient et nos corps se trouvent alors plaqués l'un contre l'autre, contre le mur qui nous soutient. Ses lèvres pulpeuses, douces comme de la soie, s'entrouvrent, découvrant un passage tout tracé à nos langues, qui se mettent à tourner ensemble en une danse endiablée. Notre baiser s'envenime, devient enfiévré de désir alors que nous reprenant à peine notre souffle pour poursuivre ce bal de passion, où la raison n'a plus sa place. Sur la pointe des pieds, ses doigts viennent dénouer la queue de cheval que je m'étais faite, libérant ma longue cascade rousse sur mes épaules afin de s'y accrocher. Je sens ses doigts dans mes cheveux et contre mon cou. Sa taille fine plaquée contre mon bas-ventre. Sa bouche sur la mienne. Nos souffles qui s'entremêlent. Nos corps qui semblent s'emboîter à la perfection. Tout mes sens sont en éveil, chaque parcelle de ma peau est réceptive à la plus infime caresse, au moindre toucher, au moindre souffle. Jamais je n'avais ressenti quelque chose de telle, une explosion d'émotions alors que nos lèvres jouent ensemble, se caressent, se lèchent, se suçotent, se mordent. Mon corps réagis à tout, il est en feu. Ses lèvres quittent les miennes et viennent se poser tour à tour sur leur commissure, puis sur mon menton, en une multitude de petits baisers, avant de descendre sur mon cou tout en traçant un sillon humide, m'arrachant un grognement de plaisir. Je sens son sourire sur ma gorge alors que je suis à sa merci. Cette petite chose me rend complètement dingue, et en ce moment elle en prend pleinement conscience. Sa bouche contre ma peau réceptive provoque en moi de délicieux frissons. Instinctivement, une de mes mains remontent dans son dos jusqu'au lacet de sa robe tandis que l'autre vient se poser sur sa poitrine, la déstabilisant un moment. J'en profite alors pour inverser les rôles et, cette fois-ci, c'est moi qui prends possession de son corps, lui arrachant de succulents gémissements alors que mes dents mordillent la peau sensible de son cou. Sa tête en arrière, je sens son pouls pulser, sa sueur commencer à couler. Ses soupirs de plaisir me font perdre la tête et je me remets aussitôt à la tâche. Ses petites pattes emmêlées dans mes cheveux s'accrochent à eux comme si leur vie en dépendait. C'est un méli-mélo de sensations, des brulures et des désirs violents, sauvages. Je voudrais les assouvir, je voudrais passer ma vie dans cette position, elle dans bras et moi le visage plongé dans son cou au parfum de lys. Quand elle se met à gémir mon nom, je relève les yeux et lui tient le menton, l'obligeant à croiser mon regard. Le sien comme le mien est guidé par la passion, par le plaisir que nous découvrons ensemble, nous, deux filles si différentes, l'une dans les bras de l'autre, et qui pourtant vivent aujourd'hui un des moments les plus magiques de leur vie. Je sens sa main passer sous ma chemise et remonter jusqu'à ma poitrine, prête à détacher mon sous-vêtement alors que nos lèvres se joignent à nouveau, cette fois plus confiante, plus agressivement. Mes doigts, habiletés à toutes les besognes de la forêt, dénouent enfin le nœud qui tenait sa robe tandis que ma langue lèche avec délectation son lobe. Nos respirations saccadées nous guide comme en rythme quand, soudainement, la porte s'ouvre brusquement.