Chapitre 18 : Retour aux sources

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Loëry et Elune marchaient depuis près d'une heure et Loëry refusait encore et toujours de lui dire où ils se rendaient. A force de se diriger vers le Nord sous des températures insupportables, Elune finit par comprendre où il l'emmenait. Elle connaissait les îles par cœur. Elle aurait pu réaliser le trajet qu'ils empruntaient les yeux bandés. Ils allaient à l'Île bleue.

Peu avant leur arrivée, il fit halte sous un bosquet d'arbre. Il sortit de sa besace de l'eau et de la nourriture. A la vue des aliments, le ventre d'Elune beugla. Elle rougit mais prit le sandwich sans hésiter. Après leur bref repas, Loëry consentit à lui donner quelques informations.

— Pendant que tu parlais avec ton amie, je me suis renseigné. Ton ami Eltio a quitté l'hôpital en compagnie de Dame Aknaël il y a peu de temps.

Il se tu.

— Elle a été sévèrement touchée par l'incendie. Son mari, Oltër, est mort en tentant de sortir des enfants des flammes. Cela faisait plusieurs lunes que son état était stable mais il s'est dégradé. Les infirmières ne pouvaient plus rien faire. Elle a alors demandé à se retirer sur l'Île bleue pour y finir sa vie dignement et non mourir entre les murs de l'hôpital.

Elune détourna le regard. La culpabilité la prit à la gorge. Elle était celle qui avait déclenché le feu. Tout était de sa faute. Sa tête lui tourna. Pourtant assise, elle se cramponna à l'arbre derrière elle. L'air lui manquait. Elle porta une main fébrile à sa tunique et tira sur le col pour dégager son cou. Le geste n'eut aucun effet. Son souffle se fit saccadé. Ses inspirations brèves et superficielles.

— Lud ! Ça va aller d'accord ? Respire.

Les paroles de Loëry ne l'aidèrent pas. Sa vue se troubla. Elle se cramponna encore plus fort à l'arbre.

— Lud ?

Il lui prit une main et la serra de toutes ses forces. Une décharge la traversa. Son rythme cardiaque chuta pour reprendre un rythme normal. Son souffle se stabilisa. Elle lâcha l'arbre pour attraper la main de Loëry.

— Ça va aller Lud d'accord ?

Il dégagea sa main brisant le contact. Elune frémit.

— Tout va bien se passer. C'est important. Tu dois aller la voir.

Elle acquiesça un peu hagard.

— Tiens bon. Tu es forte. Tu peux y arriver.

— D'accord.

Il ramassa les restes du repas, puis ils se levèrent pour se diriger vers leur nouvel objectif.

Dès qu'ils arrivèrent en vue, Elune s'arrêta horrifiée. Seules des ruines se dressaient là où se tenait auparavant le bâtiment. Plantes et insectes en avaient fait leur nouveau repaire. Le lierre s'infiltrait entre les pierres et les délogeaient des murs. Une fourmilière avait trouvé ses aises dans un trou sous les dalles de l'entrée. Les branches d'arbrisseaux transperçaient les vitres. Du verre gisait en tous sens parfois déjà recouvert par des plantes. Du toit en pierre de schiste, il ne restait plus rien. Les murs dénudés se dressaient encore vers le ciel sans porter la moindre poutre. Tout ce qui était fait de bois ou de tissu avait brûlé. Des langues sombres couraient sur les parois encore debout. Perchés sur le muret du perron, une ribambelle d'oiseaux se lancèrent dans un concert de pépiements joyeux.

Elune se précipita jusqu'au pont qui reliait leur îlot à l'Île bleue. Dès qu'elle reprit pied sur la terre ferme, elle étouffa un cri de détresse. Le chemin pavé qui parcourait l'île avait disparu sous les ronces. Les pierres plates gisaient entre les herbes sèches, bien loin de leur emplacement d'origine. Le cœur serré, elle pénétra dans la maison. Du vaste hall, il n'en restait que les murs. Au sol, quelques planches en bois carbonisées finissaient de pourrir. Des herbes folles commençaient tout juste à percer entre les immenses dalles du sol. Elune se tourna vers l'escalier ou, plutôt, ce qu'il aurait dû être.

La Mélodie des Plumes - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant