- 3 - La Paix

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La nouvelle se répandit comme une traînée de poudre dans tout le royaume.

La paix ! Après presque un siècle, la paix allait être signée !

Depuis qu'il avait vu les messagers quitter le palais porteurs de la grande nouvelle, Jaspe se sentait euphorique. Être témoin d'un événement aussi historique le ravissait. Il savait que tout le monde ne parlait plus que de cela. Dans les rues, dans les champs, sur les routes, dans les commerces, chacun y allait de son avis.

Jaspe se plaisait à imaginer les propos des gens, lorsqu'en ville, il croisait de ces groupes en pleine conversation. Parfois, elle cessait net sur son passage, parfois on l'interpellait avec entrain, lui posant des questions auxquelles il n'était pas toujours capable de répondre.

Le Royaume du Crépuscule manigançait-il quelque chose ?

Sous quelles conditions les prêtres du Puissant Dragon d'Or avaient-ils pu accepter ?

Et surtout, à quoi ressemblerait leur future reine ? Et quelle robe porterait la princesse Béryl le jour du mariage ?

Ces questions, lui aussi se les était posées. En effet, alors même que son avenir était si étroitement lié aux résultats des pourparlers, il n'y avait pas été convié. Son père se méfiait-il de ses idées ? Le pensait-il capable d'accepter n'importe quoi au nom de la paix ? En y réfléchissant, Jaspe supposa que c'était sans doute le cas.

Il haussa les épaules. Peu importe. La bonne décision avait été prise.

Ce matin-là, après sa petite sortie en ville, il se hâta vers le bureau de son père où il avait été convoqué. Machinalement, il vérifia le lustre de ses bottes et le pli de son pantalon avant qu'un garde l'introduise.

Malgré les dimensions de la pièce, celle-ci était déjà fort encombrée. Le roi trônait, sévère, derrière sa table de travail. La reine Opale se tenait en retrait, hiératique dans son fauteuil. Son beau visage s'adoucit à peine lorsque son fils entra. Un mince bandeau cousu de pierreries maintenait ses cheveux auburns plaqués contre son crâne.

La Première Conseillère et le Grand Prêtre étaient aussi présents. Tous deux s'inclinèrent à l'entrée du prince. Quelque chose dans leur attitude à tous les quatre mit Jaspe mal à l'aise. Cela sentait la discussion houleuse tout juste achevée.

Béryl se tenait debout, toute raide à quelques pas du bureau de leur père et Jaspe vint la rejoindre. Les mains sagement réunies devant elle, elle lui adressa un rapide coup d'œil en coulisse, trop bref pour qu'il puisse y lire quoi que ce soit. Ainsi face aux plus éminentes personnalités du royaume, ils ressemblaient à deux condamnés attendant leur sentence.

— Il est temps de vous expliquer les détails de notre alliance avec les Crépusculaires, commença le roi en transperçant ses enfants de son regard aigu. Vos mariages auront lieu vingt jours après le Festival de l'Hiver. Nous avons lourdement insisté auprès du diplomate crépusculaire pour les organiser nous-même. Ainsi, nous aurons la certitude que nos traditions et les sacrements de notre religion seront respectés.

À ses mots, le roi se tourna vers le Grand Prêtre. L'homme était massif et imposant, vêtu d'une longue soutane blanche sur laquelle était brodée la silhouette du Puissant Dragon d'Or. Un manteau doré était noué autour de son cou et une calotte de la même couleur s'accrochait dans sa crinière grise. Solennellement, comme chacun de ses gestes l'était, il hocha la tête.

— Nous pouvons effectivement considérer que c'est une victoire pour nous, dit-il. Nous avons aussi pu obtenir que la princesse Acacia se convertisse avant le mariage. Jamais nous n'aurions pu accepter une future reine du culte du Dragon Rubis.

Conte de l'Aube et du CrépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant