Chapitre I - 𝑆𝑖𝑔𝑛𝑜𝑟𝑖𝑛𝑒

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Dans cette salle de classe, qui était devenue sa prison, Romane était moquée de ses camarades. Depuis quelques jours maintenant, après qu'un incident mineur lui soit arrivé, elle était devenue la risée des élèves qui composait sa promotion de troisième année de licence en italien. Choix qu'elle avait fait en raison de sa passion pour ce pays chaud et rempli de culture dont elle était une grande fan depuis sa plus tendre enfance. Bien que la LLCER lui avait été présentée comme un endroit chaleureux et bienveillant, il ne faisait aucun doute que sa classe n'avait hérité d'aucunes de ces deux caractéristiques. Au bord des larmes, en ce bel après-midi qui commençait, elle avait déjà envie de disparaître au fond de son lit sous sa couette, comme s'il ne faisait pas une chaleur insupportable dehors. Et ce, au point de porter des shorts et hauts à petites bretelles en ce début d'été resplendissant. Mais comme toujours, elle préférait subir plutôt qu'affronter et se retrouver plus lamentable que jamais. 

Néanmoins, elle soupirait avant de chasser du revers de la main les quelques larmes qui perlaient sur sa peau diaphane, par peur de faire couler le peu de crème solaire haute protection qui la recouvrait. Elle était bien décidée à ne plus se laisser abattre. Tout ça à cause de ce stupide tampon qui avait roulé jusqu'en bas de l'amphithéâtre sous les yeux de tous, alors qu'elle comptait se rendre aux toilettes discrètement. Mais la protection hygiénique n'était rien à côté de la tâche de règle peinte sur son short blanc, un coup imprévu de Mère nature qui lui valait des moqueries et humiliations depuis des jours entiers. Et l'entrée du vieux professeur d'italien qui venait de mettre les pieds dans la pièce n'avait pas arrangé les choses. À peine avait-il poussé la porte, qu'il avait tenu à informer auprès de la classe tout entière qu'elle devrait se rendre dans son bureau après le cours.

— De quoi bien attirer l'attention... avait-elle grommelé, avant qu'il ne commence son cours sans attendre que quiconque ne l'écoute, comme toujours.

Par chance, les deux heures de cours filèrent à vitesse grand v, malgré les rigolades à droite et à gauche sur son sujet, comme si c'était trop d'efforts de passer à autre chose ou même d'écouter le prof. Ce fut à reculons qu'elle quitta la salle, une fois que plus personne ne se trouvait à l'intérieur. Tout en serrant les hanses de son sac de ses faibles poings, elle déambulait dans les couloirs jusqu'au bureau du professeur de tantôt. Puis dans un soupir, qui régissait une fois de plus dans cette journée, elle frappa à la porte, avant qu'une légère réponse ne flotte jusqu'à ses oreilles. Sans plus attendre, elle pénétra à l'intérieur, avant de refermer derrière elle. En se retournant, elle put constater que la pièce portait un effluve boisé, sûrement originaire de tous ces meubles qui traînaient par-ci par-là remplis de livres comme de paperasse.

Jusqu'à ce que son attention fût attirée sur un mini palmier, sans doute la vraie origine de l'odeur, qui traînait dans son pot près du pupitre. Énième meuble de la pièce, derrière lequel était installé sur un fauteuil, un monsieur aux traits de visage souriant, aux cheveux grisonnants et au regard si clair qu'on pourrait voir à travers. Il l'invita d'un geste de la main à s'asseoir, ce qu'elle s'empressa maladroitement de faire, avant de s'installer peu confortablement au bord de la chaise, ayant oublié de défaire son sac de ses épaules. S'en suivit un duel de regard, entre elle, totalement perdu par cette demande particulière, et lui, sans doute bienveillant vu son grand âge. Au premier abord, il lui parut quelque peu hésitant, mais se lança bien vite dans un monologue qu'elle ne comprit pas vraiment sur le coup. Ce fut quand il soutint son regard et qu'il reprit de nouveau que tout lui parut clair.

— Je sais que tout ne se passe pas bien pour toi en ce moment en cours, et j'en suis bien désolé. Je n'ai pas souhaité m'attarder sur le sujet ayant bien d'autres problèmes, mais comme tu le sais, j'étais un ami de tes parents. Je t'ai toujours vu comme ma fille, j'ai été longtemps une personne à qui tu te confiais, même si ces derniers temps, ce n'était plus vraiment le cas... Mais sache que je serais toujours là pour toi. Et en guise de preuve, j'ai pris la décision de faire transférer ton dossier scolaire dans une université qui te plaira sans aucun doute. Ça te permettra de recommencer à zéro, de mettre de côté tous les problèmes que tu peux avoir. Et tu pourras enfin vivre comme tu l'as longtemps souhaité avant tout le chaos de cette vie. Ça sera certes loin d'ici, mais c'est ce qui a de mieux pour toi, en tout cas, en ce moment. Comme tu le sais, le semestre est bientôt terminé, donc après les examens, qui seront une réussite pour la jeune femme que tu aies, il faudra te préparer à déménager, et je serais là pour t'aider. Je suis sûr que tes parents auraient pris la même décision, cela étant après tout pour ton bien. 

Le Ricard de la tentationOù les histoires vivent. Découvrez maintenant