Chapitre 1

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Les yeux fermés, je souris. Encore sous ma couette moelleuse, au chaud dans mon lit, je soupire et m'émerveille des sons de la nature. La Déesse veille. Au plus profond de moi, mes craintes s'amenuisent, jusqu'à presque disparaitre.

La porte fenêtre entrebâillée laisse entrer le chant des oiseaux, paisible et réconfortant. Il s'agit bien de l'un de mes sons préférés. Leurs petits piaillements jumelés à leurs légers sifflements, mon esprit divague et m'emmène loin. Très loin. Loin des soucis, des tâches quotidiennes, des imprévus et des broutilles. Le soleil est levé et je ne ressens aucune honte d'avoir lézardé au lit ce matin. Je sais pertinemment que Lucas aura veillé au grain. Ce n'est pas pour rien qu'il s'agit de mon bras droit, autant pour faire tourner nos affaires que pour mes problèmes de cœur. Et quels problèmes ! Puisqu'il n'y en a aucun. Rien. Nada. Que dalle. Niente. Silence à l'horizon. Brouillard. Ou plutôt noir total. Et d'un côté, j'en suis reconnaissante. Mais d'une certaine manière, je suis également déçue. Enfin plus dépitée. Mais bon, ce n'est pas en restant à la maison que le prince charmant se pointera.

Je ricane doucement en me passant la main dans les cheveux. Il faudra que je les coupe quand j'aurai cinq minutes devant moi après une douche. Mes boucles brunes commencent doucement à peser sur mes épaules, et les avoir constamment attachés ne me fait pas sentir féminine du tout. Que j'aimerais pouvoir ressembler un tant soit peu à ces femmes sur Instagram, belles, sûres d'elles et féminines en n'importe quelles circonstances. Si classes. Mais si inaccessibles également. Décidément, il ne s'agit vraiment pas de moi !

Je me lève, pousse la couette de mon pied et fais face à la magnifique vue qui s'étend devant moi. Quelconque pour certains, passable pour d'autre, mais à mes yeux, la pente douce en herbe, l'étang bordé de roseaux et de graminées et le terrain derrière sont ma plus grande fierté. Ceci et les chevaux qui y paissent paisiblement derrière les clôtures de bois. Mon rêve. Mon destin. Ma vocation. Ma vie.

Mon sourire s'agrandit d'autant plus que je vois ma jument. Ma perle. Ma confidente. Et derrière elle, une petite queue, presque invisible. Seules les fines jambes qui se dessinent derrière sa silhouette trahissent son fils. Ma deuxième plus grande fierté. Mon premier poulain de l'année. Le tout premier de mon petit élevage, et le deuxième de mon amie équine. La petite voix dans ma tête me souffle que ce petit bout, du haut de ses quatre mois, promet. J'ai énormément réfléchi pour réaliser ce croisement, et j'ai un très bon pressentiment.

Je tourne la tête, et je regarde le reste du groupe. Je n'appellerais pas cela un troupeau. Pas encore. Quand j'aurai mon étalon, qu'il pourra vivre avec ses juments et ses jeunes, oui, alors oui, j'aurai un troupeau. Mais aujourd'hui, ce n'est qu'un petit groupe, composé de quatre poulinières et de leur petit. Mais quel groupe ! Et quelle génétique ! Qui aurait cru que ces quatre juments, un peu quelconques, vaudraient à elles seules le prix d'un bel appartement en ville ? Avec terrasse, s'il-vous-plait !

Mais heureusement, mes voisins ne savent pas cela, et même si c'était le cas, qu'en feraient-ils au milieu de leurs vaches ? Leurs fromages sont délicieux, leur foin d'excellente qualité et à tarif abordable, mais ces petites merveilles qui grandissent chaque jour devant moi sont les futures étoiles montantes de demain. Enfin, demain dans six ou huit ans. Pas demain, demain.

Je me détache de cette vision paisible et vais m'habiller. Jean, débardeur, chemise en lin, une paire de chaussettes. Hop, ne pas oublier le soutien-gorge ! Petit outil de torture et pourtant si nécessaire avec un 95D. Et non, ma poitrine n'est pas généreuse. Elle est normale. Renseignez-vous correctement. Toutes les femmes ne font pas un 85B ou un 110F. Heureusement !

Je traverse la maison et vais me vêtir dans la salle de bain. Oui, ma maison n'est pas classique. J'aime que la salle d'eau ne soit pas collée à ma chambre, tout comme j'aime que le salon divise l'espace. La cuisine longe le mur est, à côté de la porte d'entrée, à laquelle fait face mon immense bibliothèque. Ma deuxième fierté. Remplie de livres que j'ai tous lus. Enfin, presque. J'ai aussi une bonne PAL - pile à lire - qui m'attend depuis un petit moment. Et cachés dans le coin entre la deuxième chambre (celle qui est censée servir au cas-où mais qui est juste vide de toute vie), se trouve mon bureau et mon pc, petit bijou de technologie qui me permet de jouer quand la comptabilité et la paperasse me laissent un petit moment de répit... Autrement dit, jamais. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que j'ai embauché, de base, Lucas... qui préfère aussi être loin de cet amas de papiers, d'enveloppes et de post-it colorés. 

Haras Delacourt - Le rêve d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant