Nés pour mourir

Lee

Je suis resté trop longtemps dans ma tête

et j'ai fini par en perdre mon esprit.

Edgar Allan Poe

Revenir à Saint Peter chaque 1er septembre lui faisait toujours un petit quelque chose. C'est un défilé de voitures lustrées, toutes plus belles les unes que les autres. Cette année, les parents de Lee n'ont pas pris la peine de l'accompagner. Ils estiment qu'il est trop âgé maintenant, et qu'il n'a plus besoin d'eux pour franchir le grand portail de la Saint Peter School. Ils sont restés à Londres – de toute façon, ils avaient une affaire importante à régler. Lee est assis à côté du chauffeur de ses parents, en silence. Il se concentre sur la route devant lui. Son esprit divague. C'est sa première année de lycée. Il sait déjà dans quelle classe il sera, et avec qui – ses amis et lui ont fait une demande précise à la direction l'année passée. S'ils ne se retrouvaient pas ensemble pour leur première année de lycée, leurs parents en entendraient parler, et ce serait la fin de leurs donations généreuses. Bien sûr, bien sûr, avait accepté le vieux directeur qui n'avait pas eu la force de se défendre. Les six amis étaient ressortis de son bureau, joyeux comme tout, avant de se séparer pour les vacances. Certains restaient à York, d'autres repartaient à Londres, l'une allait voyager vers la France. Ils ne s'étaient pas vus pendant deux longs mois. Ses amis manquaient à Lee. C'était une amitié infrangible, qui avait débutée à la rentrée du collège. Il y avait d'abord eu Lysandre. Le grand blond dégingandé s'était approché de Lee et s'était présenté.

- Je pense que tu connais mon nom, avait-il dit.

Bien sûr que Lee le connaissait. Sa famille était l'une des plus connues de toute l'Angleterre. Il avait été impressionné par la prestance du blond, et par son charisme. Lorsqu'il lui avait proposé de s'asseoir à côté de lui, Lee avait immédiatement accepté. Il avait craint de se retrouver seul pour la première journée, et par chance ce ne fut pas le cas. Lysandre l'avait entraîné vers un bureau libre et ils s'y étaient installés. Devant eux était assis un garçon, plus petit qu'eux. Lee ne voyait que sa nuque, découverte par le col de son uniforme. Il était pâle et sa peau était constellée de taches de rousseur. Il était assis seul. Lysandre lui avait tapoté l'épaule et il s'était retourné vers eux, le visage hésitant. Lysandre s'était présenté, Lee également. Leur voisin a suivi le mouvement, et se prénommait Elliot. Lee voyait bien qu'il se sentait gêné, mais soulagé. Il y avait cette poussière brillante qui était en permanence collée à ses yeux, comme s'il avait toujours envie de pleurer. Ils ont continué de discuter un peu, avant que leur premier cours ne commence. Lorsqu'on a demandé aux premières années pensionnaires de choisir leurs colocataires pour cette nouvelle année, Lysandre a aussitôt levé la main.

- Notez mon nom à côté de celui d'Elliot et de Lee.

Ensuite, il y avait eu Jane. La grande rousse les avait impressionnés par ses connaissances. Dès qu'un professeur posait une question, elle levait la main. La réponse était toujours juste. Lee l'avait approchée, un soir après les cours, à la bibliothèque du campus. Elle était en train d'étudier, évidemment. Il s'était assis à côté d'elle, sans un mot, et l'avait regardée travailler. Lorsqu'elle eut terminé, elle l'avait invité à sortir pour ne pas déranger le calme du lieu.

- Je te trouve extraordinaire, lui avait-il dit. Comment as-tu toujours la bonne réponse ?

Elle avait rougi, sous sa peau cristalline, et Lee l'avait trouvé adorable.

- Je m'appelle Lee, s'était-il présenté.

- Je sais, avait-elle ri. Moi, c'est Jane.

- Je sais aussi.