Chapitre 41 : Jonctions

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– VARMANTEUIL –


La respiration de la boule de fourrure s'imprimait contre son flanc. Son tee-shirt collé à sa peau était moite de la chaleur animale que lui prodiguait le contact. Dans un état second, Kaya glissa les doigts à travers le poil épais, caressant inlassablement le panda roux lové contre elle.

Au fur et à mesure que la sédation s'estompait, elle prit peu à peu conscience de la légèreté de son corps, comparé à la pesanteur qui l'avait éreintée, et de la clarté de ses pensées après la clameur de sa cervelle en feu. D'abord, chaque inspiration fut un soulagement.

Puis, dès qu'elle fut suffisamment revenue à elle, sa conduite des derniers jours défila dans sa mémoire. Sa main s'immobilisa sur l'échine du mammifère. Ses lèvres se pincèrent à en blanchir.

Un agrégat de culpabilité et d'humiliation la submergea. Elle avait traité Isaac – son Isadelphe, celui qui la soutenait sans faillir depuis l'adolescence – en ennemi et avait fait subir aux jumeaux exactement ce qu'elle voulait leur éviter.

Un hoquet gonfla sa poitrine. Kaya tourna le visage dans son oreiller, les yeux plissés sur les larmes qui affluaient. Ses côtes se comprimèrent avec une force qu'il l'obligea à desserrer les dents afin de pouvoir respirer. Le souffle qu'elle prit déclencha brusquement ses sanglots, et elle éclata en pleurs saccadés.

Gale se redressa soudain, et le panda roux bondit à bas du lit pour filer hors de la chambre. Kaya se recroquevilla en position fœtale, les doigts crispés sur la taie de son oreiller. Raphaëlle entra alors, suivit des deux garçons aux mines affligés. Elle vint prendre place auprès de l'esthésive, qui se réfugia dans son étreinte réconfortante. Entre deux hoquets, Kaya balbutia des excuses.

Il fallut que son amie lui frotte longuement le dos, et qu'elle répète inlassablement que personne ne lui en voulait, que c'était fini, qu'elle s'en était bien sortie, pour que Kaya finisse par s'apaiser. Ses frères l'étreignirent à leur tour, et elle embrassa leurs crânes ébouriffés, incapable de retenir une dernière demande de pardon.

— Il paraît que t'as le ventre vide depuis hier, intervint alors Raphaëlle. Viens manger un truc. Ta coloc a laissé de la salade de pâtes, et j'ai apporté des fondants.

— Thélia est là ?

— Elle est rentrée hier soir, mais elle est repartie avant que Raphaëlle arrive, la renseigna Gale.

Kaya nota dans un coin de son esprit qu'elle devrait s'enquérir de la situation du côté de sa colocataire la prochaine fois qu'elle la verrait. Elle ne passait qu'en coup de vent ces derniers jours, et lui paraissait tendue.

— J'arrive, acquiesça-t-elle finalement. Juste le temps de me rafraîchir.

Raphaëlle laissa la fratrie pour aller s'affairer dans la cuisine. Basile repoussa la porte derrière elle, puis rejoignit son frère et sa sœur sur le matelas. Tâtant nerveusement l'espace entre ses incisives du bout de la langue, Gale s'enquit :

— T'es fâchée qu'on ait fait venir Fare... Cineád ?

Kaya secoua la tête en signe de dénégation. Elle se pencha et le prit chacun par l'épaule.

— Ça m'a fâché hier parce que tout me fâchait. Alors non, je vous en veux pas. Mais, les garçons, ne recommencez surtout pas un truc comme ça, d'accord ?

Une fois qu'elle eut lu leur assentiment dans l'encre de leurs yeux, Kaya décréta qu'elle avait plus que besoin d'une douche et se rendit dans la salle-de-bain. Ce ne fut qu'une fois devant le miroir qu'elle confronta son reflet, laissant libre cours aux cogitations qu'elle retenait depuis un moment.

𝐀𝐒𝐓𝐄𝐑𝐒 | Tome 1 | LES DAMNÉS DE BRYVASOù les histoires vivent. Découvrez maintenant