30.

7K 294 70
                                    

Mercredi 5 juillet 2023 – Tampa – Floride

Alors qu'Alec entreprend d'interroger mon frère, cherchant à dénicher tous les détails concernant cette histoire avec Ana dont il semble n'avoir aucune connaissance, mon frère arbore une mine renfrognée.

— Qu'est-ce que tu fiches ici déjà ? On est jeudi soir, en général, tu es chez Lina.

Les mots d'Eden ont l'effet de me faire lâcher la roulette à pizza. Hadès me lance un regard que j'ignore délibérément. Lina, qui c'est, celle-là ? La jalousie s'infiltre en moi, tel un venin se répandant dans mes veines. Je serre les dents et m'efforce de ne rien laisser transparaître. Continuant de découper les parts, j'attends avec impatience la réponse d'Alec.

— Je suis passé la voir.

— Oh, c'était rapide, elle avait ses règles ou quoi ?

Eden éclate de rire après sa remarque sexiste, et mon sang ne fait qu'un tour. Je m'assois en silence, le regard fixé sur mon assiette. La faim a disparu en un instant. Je ressens brièvement le regard d'Alec sur moi, mais je refuse catégoriquement de croiser son regard. Hors de question de lui montrer que ses paroles m'atteignent. Si nos yeux se croisent, il percevra immédiatement ma colère et ma jalousie. Pourtant, je n'ai rien à dire. Nous avons partagé des moments intimes, mais rien ne l'empêche d'explorer d'autres horizons. C'est simplement mon côté naïf qui avait supposé qu'il ne le ferait pas, du moins pas immédiatement. Ezra, quant à lui, demeure silencieux, se contentant de déguster sa pizza.

— Tu es stupide, franchement. Elle parle juste beaucoup, et je n'avais pas la patience de l'écouter.

Mon frère éclate de rire à nouveau, et mes nerfs sont à vif. Je picore dans mon assiette sans grand enthousiasme. Le fait qu'Eden persiste en demandant s'il lui a au moins « mis le tarif » coupe définitivement mon appétit. J'ai envie de leur crier de se taire, mais à la place, je me contente de débarrasser mon assiette, espérant ainsi échapper à cette conversation.
Malheureusement, j'entends la réponse d'Alec : « Tu me prends pour qui ? Bien sûr qu'elle a eu ce qu'elle voulait. » Je serre les dents si fort que j'ai l'impression que leur grincement pourrait s'entendre jusqu'au Vietnam. Bien que je connaisse le côté volage d'Alec, l'entendre maintenant me déçoit énormément.

Comme un chevalier en armure blanche, le nom de Marco s'illumine sur mon écran. Son message arrive à point nommé. Si je reste une minute de plus ici, je crains que l'explosion ne soit imminente.

De : Marco
Salut ma belle, dispo ce soir pour une soirée film ?

Déterminée à quitter la maison afin d'éviter tout débordement qui pourrait révéler la nature de ma relation avec Alec à mes frères, je réponds positivement à Marco, lui indiquant que je serai chez lui dans moins d'une heure. Je dépose délicatement mon smartphone et m'empresse de monter directement dans ma chambre pour revêtir une robe, anticipant une éventuelle sortie. Là-haut, je retouche légèrement mon maquillage et attache mes cheveux en une queue haute avant de redescendre avec assurance. Ezra pose ses yeux sur moi et me demande où je compte me rendre, captant ainsi l'attention des deux autres qui, enfin, s'intéressent à ma personne.

— Je vais chez Marco. On risque de sortir après, donc ne m'attendez pas.

Je n'accorde pas vraiment d'attention à la suite des paroles et me hâte de quitter la maison. J'embarque dans ma voiture, allume le moteur, et mon téléphone vibre. Siri prend la parole pour me lire le message.

De : Alec
T'es sérieuse là ?!

Je choisis de ne pas répondre à son message et m'engage dans la rue après avoir saisi l'adresse de Marco. Malgré le fait que j'aie déjà pris ce chemin, je serais bien incapable de m'en souvenir maintenant. Hadès, mécontent, se défoule sur ma messagerie, et Siri risque de griller s'il persiste. Comment peut-on passer d'une semaine parfaite à une situation pareille ?

De : Alec
Swan ne m'ignore pas !

De : Alec
Dis-moi que tu ne vas pas là-bas.

De : Alec
Je suis à deux doigts de craquer, et tes frères ne captent rien, mais ça ne saurait tarder.

Je serre les dents, exaspérée. Il me rend complètement folle. Le voilà en train de perdre les pédales alors qu'il était encore chez sa salope il y a à peine deux heures. C'est à n'y rien comprendre. Mon téléphone sonne dans la voiture, et je soupire en voyant son nom s'afficher.

— Pourquoi tu ne réponds pas, putain ? il crie directement.

— Premièrement, je suis en train de conduire. Deuxièmement, je ne vois pas pourquoi je devrais répondre à tes interrogations.

— Tu ne vois pas pourquoi ? Laisse-moi t'expliquer. Peut-être parce qu'il n'y a même pas 24 heures, tu avais ta bouche autour de ma queue, non ? il crache avec amertume.

Je retiens un hoquet de surprise. A-t-il vraiment dit cela avec mes frères à proximité ? Sérieusement ? Je serre les dents et ne peux m'empêcher de répondre de manière sarcastique.

— Et alors ? Je ne savais pas que te sucer ou coucher avec toi revenait à signer un contrat d'exclusivité. D'ailleurs, tu ne le savais pas non plus visiblement.

— T'es sérieuse ? Donc tu vas vraiment passer la nuit chez ce type alors que j'étais encore en toi il n'y a pas 24 heures ?

— Et toi, t'es sérieux ? T'as vraiment mis son tarif à Lina ? C'est bien ce que je pensais, alors n'espère pas me faire la morale, je rétorque.

— Swan...

— Non, mais aucun problème pour moi Al, je le coupe, tu fais ce que tu veux avec qui tu veux, ce n'est pas parce qu'on a couché ensemble que tu me dois quoi que ce soit et inversement. Je sais comment tu fonctionnes, et ça me convient parfaitement. En revanche, n'espère pas que je vais rester sagement dans ma chambre pendant que tu t'amuses avec tes conquêtes. Ça, ça ne marche pas.

— Putain Swan... écoute-moi.

— Bonne soirée, Alec, et évite de te donner en spectacle devant mes frères.

Je raccroche immédiatement et ignore ses appels suivants. Je gare la voiture près de l'appartement de Marco et coupe le contact. Je souffle profondément. Je prends mon téléphone. Alec a cessé de m'appeler et m'a simplement envoyé un message me demandant de rentrer pour discuter. Eh bien, monsieur appelle et je suis censée rappliquer. Dans ses rêves. Je lui réponds que nous discuterons plus tard et sors de la voiture. Je sonne chez Marco, et il m'ouvre rapidement. Je monte les deux étages qui nous séparent et le trouve tout sourire devant sa porte. Il porte un simple short de sport et un débardeur qui met en valeur ses bras musclés. À peine ai-je franchi la porte qu'il m'indique le canapé, où Netflix est déjà ouvert.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant