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Dimanche 9 juillet 2023 – Tampa – Floride

Je perçois clairement qu'Eden retient ses émotions face à ma révélation. Ezra semble complètement ailleurs, tandis qu'Alec a le visage altéré par une émotion indéfinissable. Une combinaison de culpabilité, de colère, de jalousie peut-être, je ne saurais le dire, mais il est évident que la situation ne lui convient pas. Mon téléphone vibre, et un message d'Hayden me signale qu'il est temps de partir. Je pousse un soupir résigné.

— Je dois y aller. Il m'attend, j'informe en reculant.

— Il t'attend ? Tu as perdu l'esprit ou quoi ? Ex ou pas, tu n'iras nulle part avec lui. Je ne te laisse pas seule avec un homme comme lui, me retient Eden.

Sa main autour de mon bras, il me dévisage. N'appréciant guère sa façon de dédaigner Hayden, je le repousse.

— Un homme comme lui ? je m'exclame excédée.

— Tu vas me faire croire que c'est un saint peut-être ? il rétorque sur le même ton.

Je vois bien qu'il se retient d'exploser. Ezra à ses côtés ne semble pas plus enclin que lui à accepter la situation.

— Pas du tout, c'est même tout le contraire, et alors ? Parce qu'il est tatoué et qu'il enfreint quelques lois, c'est forcément un paria ? Entre toi et moi, Eden, peut-être qu'il n'est pas un saint, mais il me traite avec bien plus de respect que tous tes amis réunis. Excuse-moi, mais je n'ai aucune envie de prolonger cette conversation.

Je m'apprête à faire demi-tour, mais la voix d'Alec résonne, m'arrêtant net dans mon élan.

— Tu ne partiras pas avec lui, c'est hors de question, affirme-t-il sans détour.

— Je ne te demande pas ton avis, Alec. Ni à aucun d'entre vous d'ailleurs. Si je veux passer la soirée avec mon ami, je le ferai, que ça vous plaise ou non.

— Ton ami ? Tu veux vraiment me faire croire que vous n'êtes que des amis ? C'est ton ex, pas ton ami.

Je me retourne vers lui, apercevant une veine menaçant d'éclater sur son front. Des dizaines d'émotions défilent dans ses yeux : colère, jalousie, exaspération, choc, surprise, peur... mais il est indéniable que la jalousie domine.

— Tu sais, quand deux personnes civilisées mettent fin à une relation, elles peuvent rester amies. Ce concept de respect et d'amitié entre un homme et une femme t'est peut-être étranger, mais je t'assure que ça existe, je réponds sarcastique.

— Et vous étiez amis à Halloween ?

Je claque la langue, anticipant qu'il aborderait ce sujet. J'aurais préféré qu'il ne le fasse pas devant mes frères, mais soit, pas de problème. S'il veut laver son linge sale en public, qu'il le fasse. Je sens sa jalousie, et je la comprends, mais peut-être aurait-il dû réfléchir à cela avant de m'ignorer et de me faire comprendre que je n'étais rien de plus à ses yeux qu'un simple divertissement.

— Oui, tout comme nous sommes encore amis aujourd'hui. Rien n'a changé. Ce n'est pas comme si j'avais une raison de ne plus être ami avec lui n'est-ce pas ?

Je souligne soigneusement ma dernière phrase, une pointe de fierté illuminant mes yeux. Ma réponse subtile a un impact évident, provoquant une lueur d'exaspération dans les siens. Il est au bord de l'implosion, et cela me satisfait pleinement. C'est une manière pour lui de ressentir la trahison que j'ai éprouvée. Je me décale légèrement, et c'est alors que j'aperçois Hayden qui m'attend.

Les garçons, encore sous le choc, observent la scène. Je prends les jumeaux dans mes bras, m'excusant de ne rien leur avoir dit et promettant de tout leur raconter demain. Cependant, en voyant leur réaction aujourd'hui, je n'ose imaginer ce que cela aurait été il y a cinq ans. Ezra me glisse un « je te fais confiance », tandis qu'Eden tente encore de me retenir. Un baiser rapide à June, et je m'éloigne d'eux, ignorant complètement Alec.

Il m'a cherchée, il m'a trouvée. Non, je n'ai aucune intention de fricoter avec le tatoué, mais le faire croire ainsi me procure une satisfaction troublante. Il m'a blessée, et lui rendre la monnaie de sa pièce semble être la juste rétribution. Si seulement il avait répondu à ma question et assumé sa jalousie, peut-être que je ne serais pas là.

Je franchis les portes et retrouve Hayden, qui passe tendrement un bras sur mes épaules. Les regards d'Alec et d'Eden sont empreints d'une intensité meurtrière. Le tatoué me demande avec préoccupation si tout va bien, et je réponds positivement. La situation était finalement moins terrible que ce à quoi je m'attendais. Je me prépare mentalement à affronter un interrogatoire digne du FBI demain, mais pour l'instant, j'ai réussi à m'échapper.

En arrivant sur le parking, Hayden me désigne une magnifique Camaro noire d'un signe de tête. Je siffle d'admiration, et il ricane alors que nous montons à bord de la voiture. Donny m'accueille avec un énorme câlin. Un éclat de rire sincère m'échappe avant que je ne lui dépose un baiser sur la joue. J'adore cet homme, même après tout ce temps, sa joie de me retrouver est toujours aussi évidente et contagieuse.

Nous nous retrouvons face à une somptueuse villa, et je parierais volontiers que le propriétaire de cet endroit n'a pas remporté le gros lot à la loterie, tout comme Hayden n'a pas acquis sa voiture chez un concessionnaire. Descendant de la voiture, le tatoué passe immédiatement son bras autour de ma taille, une déclaration silencieuse à tous les hommes présents qu'il est inutile de s'approcher de moi. En observant les filles présentes dans la maison, je me sens soudainement un peu trop habillée, mais c'est une sensation à laquelle je me suis habituée. Mon téléphone vibre, annonçant un message de ma meilleure amie.

De : June
Je parie que tes frères sont sur le point de faire une syncope tant ils sont tendus. Même Ezra ne semble pas tout à fait serein. Je crois qu'il a réellement été blessé de ne pas avoir été informé de l'existence d'Hayden avant.

Bien sûr, sa blessure est palpable. Je n'ai jamais vraiment dissimulé quoi que ce soit à mes frères, et encore moins à Ezra. Cependant, comment aurais-je pu lui parler d'Hayden ? Ils me percevaient tous comme une jeune fille innocente, incapable de se défendre. Si j'avais évoqué le tatoué, dont la vie était un labyrinthe de dangers, ils n'auraient jamais accepté notre relation.

Je lui adresse une réponse concise, exprimant ma regrettable décision de la laisser seule dans cette situation. Bien que je reste perplexe quant à sa présence prolongée auprès de mes frères, j'aurais pensé qu'elle aurait pris la décision de partir en même temps que moi.

Je range mon téléphone, bien décidée à passer une bonne soirée et à reléguer tous mes soucis au second plan, du moins pour quelques précieuses heures.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant