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Dimanche 9 juillet 2023 – Tampa – Floride

Le silence est maître dans la voiture. Seul le bruit de nos respirations saccadées persiste. Alec me dévisage, à l'affut de la moindre réaction, sur mon visage. Cependant, je suis tellement lasse de toute cette histoire, que je reste totalement neutre. Même, mes larmes sur mes joues se tarissent petit à petit.

— Si tu le dis, je souffle. On peut redémarrer ? J'aimerais bien rentrer et aller me coucher, si possible.

— Donc tu t'en fous de ce que je te dis, quoi ! crache-t-il en donnant un coup sûr le volant.

Je ne dirais pas ça, c'est juste que je n'en peux plus de cette conversation. Je ne sais plus si je dois le croire ou non. J'aimerais vraiment, mais trop de choses ont été dites puis reprises, et je n'arrive pas à ressentir du soulagement de peur de me faire encore de faux espoir.

N'oublions pas qu'il a tout de même, filmé une fille à moitié nue, dansant devant lui. Et malgré tout, on en reste au même point, il m'a quand même ignoré, évité, avant de venir, une énième fois, me prendre la tête.

— Non, Alec, je ne m'en fous pas, mais tu veux quoi, à la fin ? Que je te félicite d'avoir réussi à contrôler ta queue malgré qu'une blondasse peroxydée, se trémoussait devant toi ? je lui demande avec sarcasme. Bravo, je suis vraiment très fière de toi ! Sortez le champagne, mes amis ! Alec Davis n'a pas couché avec une parfaite inconnue de tout le week-end ! l'acclamé-je.

Visiblement ma réponse ne lui convient pas.

— Tu sais quoi ? Va te faire foutre, Swan.

— Ah merci, mais non merci. J'ai déjà tenté, et après évaluation, on va éviter de recommencer.

Ma réplique atteint son but quand son un grognement purement mauvais raisonne dans l'habitacle. Je ne sais pas pourquoi je suis si dure avec lui aujourd'hui. Peut-être parce qu'il joue avec mes sentiments depuis quelques jours déjà et que j'arrive au point de non-retour.

— Et moi qui pensais t'emmener chez moi, pour pas que tu aies à affronter tes frères ce soir. Bah putain, tu vas bien te démerder sur ce coup-là.

Je lève les yeux au ciel. Même si je ne l'admets pas, j'aurais clairement apprécié éviter de confronter les jumeaux. Néanmoins, entre deux maux, il faut bien choisir et j'ai favorisé la protection de mon cœur en priorité. Avec un peu de chance, ils sont déjà au lit. Après tout, ils travaillent demain.

Le reste du voyage se déroule dans un silence oppressant. Nous nous ignorons avec ténacité, chacun campant sur ses positions, et à peine m'a-t-il déposée devant la maison, qu'il repart en trombe.

Le destin a peut-être été clément avec moi, car mes frères semblent être aux abonnés absents. La maison est plongée dans l'obscurité, et aucun son ne parvient à mes oreilles. J'en profite pour me précipiter dans mon lit, épuisée par les émotions de la journée.

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Lundi 10 juillet 2023 – Tampa – Floride

La matinée est déjà entamée quand j'ouvre les yeux, mais je préfère attendre que mes frères quittent la maison pour me lever. Je n'ai aucune intention de subir un interrogatoire dès le lundi matin. Eden peut être particulièrement insistant, et je suis convaincue qu'il pourrait même sécher le travail juste pour me coincer.

Je cesse de respirer, quand brusquement, leurs pas s'arrêtent devant ma porte de chambre, heureusement verrouillée.

— Ed, elle doit dormir. On lui parlera ce soir, chuchote Ezra.

— La vraie question, c'est de savoir si elle dort vraiment seule, Ez. Je sais qu'elle est dans sa chambre, je ne suis pas idiot, sinon la porte ne serait pas fermée, rétorque-t-il.

— Comme tu le dis, la porte est fermée. Tu comptes faire quoi ? La défoncer pour vérifier à l'intérieur ? demande Ezra en ricanant. Allez, viens, on va être en retard à notre rendez-vous.

J'entends Eden pester avant qu'ils ne s'éloignent. Quelques instants plus tard, la porte d'entrée claque, signalant enfin ma solitude. Cependant, je ne suis pas naïve, et ne bouge pas d'un iota. Connaissant bien mon frère, je l'entends revenir cinq minutes plus tard, avant qu'il ne sorte définitivement de la maison.

A-t-il vraiment attendu cinq minutes devant la porte pour s'assurer que je n'attendais pas seulement son départ pour sortir ? Oui. Je le connais, mais il me connaît aussi. Je me glisse hors de mon lit avec précaution, veillant à ne faire aucun bruit. Eden peut être très tordu, et je ne veux pas risquer de me faire avoir.

Le bruit du démarrage de la voiture confirme que cette fois-ci, mes frères sont bel et bien partis. Je peux enfin sortir de ma cachette.

Satisfaite d'avoir échappé à mes frères, je me dirige vers la cuisine pour préparer un petit-déjeuner rapide. L'odeur du café frais envahit la pièce, me réconfortant au passage, tandis que je m'attable avec mon bol de céréales.

Je suis consciente que cette trêve matinale est éphémère, et pourtant j'en avais besoin. Beaucoup trop de bordel se tasse dans ma tête pour qu'en plus mes frères en rajoutent. Alors, tant que je peux éviter la confrontation avec eux, je le ferai sans regret.

Peut-être pourrais-je trouver un moyen de détourner leur attention, ou mieux encore, quitter la maison avant qu'ils ne reviennent ?

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Finalement, je suis restée à la maison toute la journée, et je suis en train de faire à manger quand mes frères rentrent. Ne dit-on pas que la cuisine est la langue du cœur pour les hommes ? Oui, je sais pertinemment que je pourrais leur servir un plat digne d'un restaurant cinq étoiles, ça ne changerait rien à ce qui va suivre. Pourtant, je me dis que ça pourrait, au moins, arrondir les angles.

— Ça sent bon par ici, tu nous as préparé quoi de bon, princesse ? demande Ezra en me posant un baiser sur la joue.

— Jam balaya.

— Miam, mais ce n'est pas pour autant qu'on va te lâcher sœurette ! rétorque Eden.

Je n'avais pas cet espoir, mais peut-être que le ventre rempli, ils seront moins chiants. Je ne relève pas sa phrase et mets la table directement.

— Pourquoi tu mets que trois assiettes ? s'étonne Eden.

— Peut-être parce qu'on est trois ? À moins que tu aies enfin eu le courage d'inviter Ana avant la fête de samedi ? je le taquine.

Il grimace face à ma petite taquinerie. Si d'ordinaire, il est confiant avec la gent féminine, voir trop, là c'est l'exact opposé.

— Non, je n'ai pas invité Ana, sauf que comme tous les soirs depuis ta naissance, Alec sera là. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais, figure-toi qu'il habite quasiment ici en permanence, se moque Eden.

— Ah, bah je n'en sais rien moi. Il rentre avant vous d'habitude, j'ai juste pensé qu'il ne venait pas ce soir, j'explique.

— Et rater ta mise en accusation ? Jamais, Sweety, tonne une voix que j'espérais ne pas entendre dans l'entrée.

Évidemment. Plus on est de fous, plus on rit !  

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant