LVI - Rois de cendres

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« À mon avis, tu fais de ton mieux, mais ça ne suffit pas. Parfois... il faut savoir arrêter les frais et laisser quelqu'un d'autre essayer. Pour pouvoir survivre. »
– Rois de cendres, K. Ancrum, ... à August


    Lorsqu'il arriva à son stage, le mercredi matin, Raphaël était d'une humeur massacrante. À vrai dire, il ignorait les sentiments qui dominaient chez lui : l'angoisse mélangée à la fatigue ou la colère ? Ce qui signifiait qu'il ignorait s'il allait crier sur la première personne qui le regardait de travers ou simplement éclater en sanglots. Il détestait sa vie.
    Évidemment, il ne fit rien de tout ça. La tête basse, il se contenta de traverser tout le premier étage pour arriver au bureau de son maître de stage où il s'affala sur la chaise dès qu'il fut en mesure de le faire. Dumas n'était pas encore arrivé, il l'avait prévenu qu'il ne serait pas là avant huit heure trente aujourd'hui, heure à laquelle Raphaël était supposé commencer sa journée. Comme promis, néanmoins, il lui avait laissé du travail et, après une dizaine de minutes à se poser des questions existentielles, à déprimer et à lutter contre l'endormissement dû aux anti-douleur, il s'y intéressa enfin. Vérification d'il ne savait trop quoi, faire le compte rendu de ses trois premiers jours pour l'aider dans son rapport de stage – on voyait qu'il avait bien cerné son profil –, demander à Bess – qui était Bess ? – si elle avait finit ce qu'elle avait commencé et dont il avait besoin pour son travail (d'après la feuille, elle avait déjà deux jours de retard) et se familiariser avec les logiciels en utilisant son ordinateur de travail. Et tout ça en seulement trente minutes, mais bien-sûr. Raphaël soupira et se mit au travail.
    Lorsque sa journée débuta officiellement, l'adolescent avait déjà accomplit les vérifications qu'on lui avait demandé, fait le compte rendu de ses premières journées de stage, subit trois regards trop appuyés pour que ce ne soit qu'un accident et il était actuellement entrain de demander à Bess (qu'il avait galéré à trouver, soit dit en passant) où en était le travail qu'elle devait transmettre à son maître de stage (pas terminé). Et c'est en revenant à son bureau qu'il vit son maître de stage entrain de s'installer.

    -Salut, dit-il en se rasseyant sur sa chaise.
    -Salut, Raphaël, ça va ? le salua le quadragénaire, le regard déjà sur son ordinateur.
    -Ça va. J'ai pas eu le temps de tout faire.
    -C'est normal, je t'en avais donné plus juste au cas où. Bon alors, commença-t-il en relevant enfin la tête, qu'est-ce que tu... Waouh, qu'est-ce qui s'est passé ? questionna son maître de stage en désignant sa main.
    -C'est rien, j'me suis juste brûlé hier. Dumas siffla.
    -Ça m'a l'air d'être une sacrée brûlure, comment t'as fait ton coup ?
    -Eau bouillante, répondit-il simplement, peu désireux de s'attarder là-dessus. Ça me fait pas trop mal mais du coup j'risque d'être un peu dans les vapes à cause des anti-douleurs, c'est pas grave ?
    -Non, t'inquiète pas va, ce n'est rien. Mais tu peux travailler ?
    -Je suis droitier.
    -Ah oui, c'est vrai. Tu t'es pas raté quand même... Raphaël haussa les épaules.
    -Le médecin a dit que c'était pas trop grave, que ce serait guéri d'ici deux ou trois semaines.
    -Quand même... T'es cloqué ?
    -Ouais, ma peau avait cloqué mais elles ont explosés hier soir.
    -Bon ba écoute, on va faire attention à ce qu'on te fait faire, hein.

    Heureusement, Dumas ne s'attarda pas plus longtemps sur ce sujet, relançant la conversation sur le travail. Raphaël lui résuma ce qu'il avait eu le temps de faire ce matin et l'écouta pester contre Bess qui n'avait pas encore finit son taf et qui était vraiment « un boulet, celle-la, j'te jure ». Tom arriva à ce moment et le lycéen le vit se retenir de rire. En voyant sa main, son ami se lança néanmoins lui aussi dans de multiples questions et Raphaël dû à nouveau répéter ce qu'il s'était passé hier soir – la version qu'il avait décidé de raconter, évidemment, pas la vraie. Honnêtement, tout ça le fatiguait déjà.
    La matinée se passa lentement mais sans problème, ce qui était déjà un bon point. Lorsque arriva la pause midi, Raphaël et Tom se rendirent jusqu'à la salle de repos afin de faire réchauffer le repas de l'autre adolescent, puis filèrent dans un coin plus tranquille pour pouvoir parler plus librement. Ils s'assirent et Raphaël sortit le sandwich et les chips qu'il avait acheté le matin même avec un soupire de lassitude. Franchement, le sort s'acharnait sur lui : comme si ce n'était pas suffisant de se faire plonger la main dans l'eau bouillante par son frère, il fallait également qu'il se tape un sandwich en guise de repas (évidemment, avec tout ce bordel autour de sa brûlure, il n'avait pas eu le temps de se préparer une gamelle hier soir) et, pour conclure le tout, il n'avait pas réussi à trouver ceux à la rosette alors il avait été forcé de se replier sur un jambon beurre sans âme. Géniale.

Le temps qu'il fautOù les histoires vivent. Découvrez maintenant