×.𝐏𝐫𝐨𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞.×

170 11 14
                                    

« la Terre s'était arrêtée de tourner un instant »

Son crâne était martelé. Plus rien n'avait de sens et il n'aimait pas cela. Le sang pulsant derrière ses tempes ne faisait qu'empirer son état : la lucidité le quittait peu à peu, cela ne lui plaisait vraiment pas.

Jungkook, assis devant sa toile tendue, fronçait les sourcils, comme s'il tentait de résoudre une équation de mathématique particulièrement ardue. Sa palette de couleurs pourtant si organisée contrastait avec son état d'esprit actuel : rien n'allait et il ne comprenait pas pourquoi. Une question de proportion ? Peu probable, son esquisse était parfaite. Une mauvaise utilisation du matériel ? Beaucoup plus probant, oui. Ou bien une maîtrise inappropriée des couleurs et des nuances ? Cela se tenait aussi.

Cela n'empêchait pourtant pas le jeune homme de garder cet air contrit sur le visage, ce dernier déformant ses traits d'habitude si serein.

Jungkook était étudiant. C'était sa première année à l'université, en arts. Pointilleux au possible, cette voie n'était pas de tout repos pour un perfectionniste comme lui, pourtant, c'est bien avec un pinceau entre les doigts et une odeur de gouache incrustée dans sa peau qu'il comptait poursuivre sa vie.

Ce qu'il aimait dans l'art, et en peinture plus particulièrement, c'était sa rigueur. La précision du trait, l'équilibre des sujets, la juste mesure des couleurs. Pour lui, la peinture était un art de la logique et de l'ordre, n'en déplaise aux amoureux de l'impressionnisme ou encore de l'abstrait. Jungkook n'estimait pas réellement les artistes tels que Monet, Matisse ou encore Van Gogh. Ce qu'il aimait, c'était la peinture classique, dans toute sa grandeur et son académisme. Il aimait quand la toile n'avait aucun secret. Quand l'ordre régnait de part et d'autre de l'œuvre. Vermeer, et parfois même Caravage, voilà le genre d'art qu'il appréciait. La grande peinture européenne qui, aujourd'hui, se meurt dans les vieux musées.

Jungkook voulait faire revivre cet art du figuratif qui, bien que grandiose et admiré par tous, était souvent considéré comme un art du passé. On n'en faisait plus des grandes peintures historiques à la manière du Radeau de la Méduse. Non, maintenant il fallait « laisser parler les émotions » sur les toiles. Il fallait changer de méthode, changer d'approche pour pouvoir prétendre faire partie de l'ère du monde contemporain. Or, cela ne plaisait pas au noiraud. Il ne jurait que par la rigueur classique, il n'y avait rien d'autre qui avait réussi à l'intéresser plus que des jeux de clair-obscur à la Rembrandt.

Oui, il pouvait faire vieux jeu, et il le savait.

Mais ne dit-on pas qu'il y a « des goûts et des couleurs » ? Jungkook se considérait d'ailleurs bien content d'être au clair avec lui-même sur ses propres appétences et attirances. Dans sa tête, tout était à sa place. Rien n'était laissé en plan, à errer sans but.

Piochant dans une nouvelle couleur à l'aide de sa petite spatule, il tentait de rectifier l'erreur qu'il avait commise sur l'œuvre qu'il était sur le point d'achever. Un portrait somptueux figurait sur la large toile. Une femme entourée de vanités. De la bougie au sablier, il n'en avait oublié aucune. Les longs cheveux blonds du sujets contrastait avec l'arrière-plan plus sombre. Il y avait presque quelque chose de mystique qui se dégageait de cette œuvre. Quiconque osait dire que ce tableau n'était pas du grand art devait probablement souffrir d'une cécité visuelle conséquente, il fallait l'avouer. Bien sûr, cela ne pouvait pas être au goût de tous, mais la technique ne pouvait pas être niée.

Sa main allait et venait gentiment sur la toile, ses sourcils et son visage se détendaient de plus en plus en constatant qu'il avait enfin compris ce qui clochait jusqu'alors. Néanmoins, son crâne continuait de le faire souffrir. En regardant la scène de l'extérieur, il n'était pas vraiment difficile de comprendre pourquoi la douleur ne voulait pas se calmer : c'est-à-dire que Jungkook ne faisait pas vraiment d'effort sur ce plan là. En effet, en l'observant, il était facile de deviner son corps tendu par la pression qu'il s'était infligée de lui-même. Si ce n'était que cela, peut-être qu'il s'en serait sorti dans un meilleur état, mais, en considérant le bruit sourd qui émanait de ses écouteurs, il était simple de deviner que la musique dans ses oreilles se jouait un peu trop fort.

𝑪𝒂𝒑𝒓𝒊𝒄𝒊𝒆𝒖𝒙 | taekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant