Alors que Jeanne était sur le chemin de retour à Paris, Joseph et Jacques, s'était acheminés vers le dépôt indiqué sur leur livret militaire. Les jeunes gens contemplaient l'immense déploiement humain qui s'organisait autour d'eux. Jacques devait rejoindre à Doncourt-les-Longyons, un village tout proche de la frontière belge, le 132e Régiment d'Infanterie tandis que Joseph devait quant à lui aller à Melun où il serait avisé de son commandement. Assis dans le wagon du train réservé aux officiers les deux amis buvaient tranquillement le café mis en bouteille pour eux par la cuisinière des Saules. Cela faisait des années, depuis le collège, qu'ils étaient dans la même classe et avaient intégré Saint-Cyr ensemble. Aujourd'hui à l'orée des grandes responsabilités qu'ils allaient recevoir, en tant que lieutenants de l'armée française, ils devaient chacun prendre un chemin différent.
« - Bon on vieux, déclara Jacques, nous allons la gagner rapidement cette guerre, je n'ai aucunement envie d'aller moisir jusqu'à Noël au fin fond de la Moselle ! »
Joseph prit la direction de Melun tandis que le train de Jacques s'achemina jusqu'à la gare de Longwy. Là des administratifs indiquaient aux soldats quels villages ils devaient rallier. Jacques se mit en route avec son régiment vers le village de Doncourt-les-Longyons, à une quinzaine de kilomètres de là. Tous les soldats portaient la totalité de leur barda sur le dos, pas moins de trente kilos, voire plus en fonction des quantités d'eau dans les bidons. Chemin faisant Jacques fit connaissance avec les gars de la section dont il était l'officier référent. Soixante gaillards venus de différentes régions de France, aux accents chantants ou rugueux, certains bavards et joyeux, d'autres plutôt taiseux. Le plus jeune devait avoir à peine dix-huit ans tandis que le plus vieux avoisinait les quarante. Certains jaugèrent du regard le jeune âge de Jacques et soupirèrent : être mené au front par un gamin, voilà qui n'était pas réjouissant. D'un naturel jovial sans être non plus un joyeux drille Jacques inspirait pourtant un sentiment de calme et de confiance. Il s'agissait de qualités qui avait toujours été appréciées par ses instructeurs à Saint-Cyr. Cependant Jacques se demandait si elle ferait le poids pour conduire soixante hommes au combat face à la mitraille allemande. Ne laissant pas paraître ses craintes Jacques se contenta d'entamer conversation avec le sergent de la section, un réserviste, pharmacien dans le civil, nantais et père de trois enfants. Jacques ne mis pas longtemps à apprendre toutes ces informations car Constant Magnin, car c'était ainsi qu'il s'appelait, était pour le moins bavard. Arrivés à Doncourt-les-Longyons les hommes eurent pour mission de commencer à installer les positions de l'armée tandis que Jacques partageait son temps entre la supervision de ces opérations et les discussions avec les autres officiers au sujet des ordres qui n'allaient pas tarder à tomber.
Le 21 août au soir l'information parvînt aux officiers du 132e régiment d'infanterie. L'attaque serait pour demain à l'aube. Les positions françaises ne se trouvant à quelques kilomètres de celles des allemands sur toute la ligne de front toutes attaqueraient en même temps, dans l'espoir de repousser l'envahisseur. Réunissant sa section Jacques se mit en devoir de transmettre les ordres aux soldats. Depuis leur arrivé dans ce coin de Moselle les hommes avaient eu le temps de faire connaissance, la camaraderie et les boutades régnant déjà.
« - Soldats, demain sera notre première journée de combat, commença Jacques en se raclant la gorge, je ne veux pas vous exhorter au courage et à la force. Tout homme d'honneur connait cela au plus profond de lui-même, sans vaines paroles. Ayez simplement toujours en tête que nous sommes une section entière et que nous n'abandonnerons pas de soldats sur le champ de bataille. Et sachez aussi que les intendants nous ont apportés une ration de pinard supplémentaire pour ce soir, réjouissons-nous ! ».
Les hommes opinèrent du chef et Constant Magnin s'approcha de Jacques en lui tendant un quart de vin rouge. Jacques grimaça un peu en y trempant ses lèvres, ce qui eut le mérite de faire rire les soldats.
VOUS LISEZ
Les Saules
Historical FictionJoseph, Jacques et Jeanne ont une vingtaine d'année lorsqu'ils sont emportés dans le tourbillon de la Première Guerre mondiale. Alors que les deux garçons sont propulsés lieutenants, la jeune fille se bat pour continuer ses études de médecine et soi...