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Vendredi 14 juillet 2023 - Tampa - Floride

Après avoir épuisé toutes mes larmes, je me suis enfin attelée à boucler ma valise. J'ai mis la musique à fond, cherchant à étouffer le tumulte de mes pensées. Je me suis laissée emporter à danser et chanter à tue-tête jusqu'à en perdre la voix tout en pliant mes vêtements.

Alors que je me donne à fond sur les notes de « Hush Hush » des Pussycat Dolls, en glissant mes produits de toilette dans mon Vanity, un cri de peur m'échappe lorsque j'aperçois Ezra dans l'encadrement de la porte.

La main sur ma poitrine, je mets bien vingt secondes à apaiser les battements frénétiques de mon cœur.

— T'es rentrée, constate Ezra avec une attitude penaude.

— Non, je suis à Bali là.

Comme à mon habitude, dès que je ne contrôle plus la situation, je me raccroche à mon sarcasme. Entre les deux jumeaux, c'est lui qui m'a le plus déçu. Ses paroles m'ont poignardé au cœur, résonnant plus douloureusement que si elles venaient d'Eden. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me soutienne aveuglément, mais je pensais qu'il ferait au moins l'effort d'essayer de me comprendre.

— Tu es encore en colère contre moi, souligne-t-il.

— Que veux-tu ? Je suis naïve, conne et rancunière, lui répliqué-je avec dédain.

— Swan, je ne pensais pas ce que j'ai dit, j'étais juste en colère.

Eden choisit ce moment pour faire son entrée. Je m'attendais à ce qu'il me foudroie du regard, qu'il exprime sa colère, mais tout ce que je perçois dans ses yeux, c'est de la tristesse.

— Princesse, je suis content de te voir, m'avoue-t-il doucement en entrant dans la chambre. Comment te sens-tu ? me demande-t-il en m'entourant délicatement de ses bras.

J'essaie de garder mon calme, mais une fois de plus, je me sens défaillir. Mes yeux commencent à picoter de nouveau et il le remarque bien vite. Sans un mot de plus, il me serre contre lui.

Décidément, je me transforme petit à petit en fontaine.

— Il ne te mérite pas, tu vaux bien plus que ça, petite sœur.

Son murmure me touche. J'aimerais pouvoir le croire, être d'accord avec lui, mais mon cœur refuse de l'entendre. Je ne lui réponds pas, me contentant de lui rendre son étreinte.

C'est Ezra qui remarque en premier ma valise éventrée, débordant de vêtements.

— Qu'est-ce que c'est que ça ?

Eden recule à son tour pour jeter un coup d'œil à l'endroit que désigne son jumeau, et son expression se fige instantanément.

— Swan, qu'est-ce que tout ça ? me demande-t-il, un pli barrant son front.

— Oh, un objet en plastique avec des roues, vous connaissez ? Très pratique pour transporter des vêtements, ceci dit.

Néanmoins, leur visage reste de marbre face à ma plaisanterie. Je soupire et m'assois sur le lit en me préparant mentalement.

— Je pars pour Paris demain, déclaré-je en jouant avec mes doigts.

— QUOI ? s'exclament-ils d'un même souffle.

— J'ai besoin de prendre l'air, et j'ai pensé que deux semaines à Paris pourraient être une bonne idée.

Omettre certains détails est pour leur bien. Et aussi pour ma tranquillité d'esprit, je l'avoue.

Les jumeaux échangent un regard complice avant de se tourner vers moi, comme un seul homme.

— Des vacances ? À Paris, toute seule ? Pour combien de temps ? me questionne Eden.

— Tu sais si c'est à cause de ce connard, tu ne le verras plus ici ! tente de me dissuader Ezra.

La culpabilité me submerge. Ils ont complètement rayé leur meilleur ami de leur vie à cause de moi.

— Non, ce n'est pas seulement à cause d'Alec.

— Bon, Swan, tu vas nous dire ce qui se passe ? Qu'est-ce que tu nous caches ? s'agace Eden en s'installant à côté de moi.

— Oui, si je pars, c'est pour m'éloigner de lui, mais surtout pour passer un entretien.

Leurs yeux s'ouvrent en grand. Je ne leur laisse pas le temps de me bombarder de questions et leur explique la situation. Comme je m'y attendais, l'un comme l'autre se révolte immédiatement, refusant d'envisager l'idée.

— Je ne vous demande pas votre avis, je déclare. Je vous informe c'est tout.

— Tu ne peux pas partir sur un autre continent toute seule, Swan ! Et s'il t'arrive quelque chose ?

— Ed, j'étais à UCLA pendant cinq ans, à 2500 miles d'ici et je suis encore en vie. De toute façon, vous n'avez pas votre mot à dire.

Les poings serrés pour Ezra, et les sourcils froncés pour Eden, aucun n'a l'air convaincu. Cependant, je sais que si je ne coupe pas court à la discussion, ils seraient capables d'argumenter jusqu'à ce que je rate mon vol.

Toutefois, il me reste encore un sujet à aborder.

Hadès.

Je me doute que c'est surement encore trop frais dans leurs esprits, mais autant battre le fer tant qu'il est toujours chaud.

— Au sujet d'Alec..., je commence.

— Ne m'en parle pas, tonne Erza.

— Tais-toi et laisse-moi parler, je m'agace. Je sais que vous êtes en colère contre lui, et que vous avez surement envie de le tuer, mais les gars... c'est votre meilleur ami depuis vingt ans !

— Justement, rétorque Ezra d'une voix profonde. On lui a ouvert notre porte pendant toutes ces années, et regarde comment il nous a remerciés, en couchant avec toi avant de te briser le cœur.

Je soupire et me mâchouille les lèvres, ils ne me rendent pas la tâche facile. Ils ne seront probablement pas réceptifs, mais j'aurais le mérite d'avoir au moins essayé.

— Écoutez-moi, je les temporise, cette histoire ne vous concerne pas. Oui, vous pouvez être en colère. Oui vous pouvez lui en vouloir, mais au final, cela ne me regarde que lui et moi. Nous étions deux à nous tourner autour, il ne m'a pas forcée à faire quoi que ce soit. Comme tu l'as dit toi-même, Ed, je le connais, et même si j'ai fait semblant de ne pas voir, au fond de moi je savais comment ça finirait.

Je triture toujours mes doigts, me concentrant sur mes gestes pour ne pas fondre en larmes pendant ma plaidoirie. Ezra tente de prendre la parole, mais je ne lui en laisse pas l'occasion.

— Je n'en ai pas fini, Ez. Si vous étiez véritablement honnêtes, vous reconnaîtriez que votre réaction aurait été identique, même si ses intentions avaient été nobles. Ce qui vous dérange réellement, c'est le fait que nous ayons couché ensemble. Certes, il n'a pas arrangé les choses en me rejetant par la suite, mais au fond, ce n'est pas ça le véritable problème. Après tout, ces choses-là se font à deux, donc en suivant cette logique, vous devriez également ressentir de la colère envers moi. Je ne suis pas une victime. J'étais consentante.

C'est douloureux à admettre, mais c'est pourtant la vérité. Je ne l'ai pas repoussé, même si j'étais consciente de comment tout cela finirait. Je connais ses défauts, je savais qu'il ne pourrait pas me donner ce que je désirais réellement. J'ai nourri l'espoir alors qu'il était visible qu'Alec n'est pas fait pour une relation sérieuse. Sa véritable erreur réside non pas dans ses actions, mais dans la manière dont il les a menées. Il n'a pas assumé. Agissant comme un lâche, il m'a laissé dans l'incertitude tout ce temps, en profitant de mes sentiments pour lui afin de satisfaire ses propres désirs.

— Je ne vous demande pas de lui accorder votre pardon immédiatement, je reprends après m'être raclé la gorge, mais simplement de prendre un moment pour réfléchir. En dehors de cette histoire, Alec ne vous a jamais laissés tomber. Il a toujours été là pour vous, vous soutenant et vous aidant au quotidien. Ne le bannissez pas de votre vie pour préserver mon honneur ou par pure obstination. Vous y perdriez bien plus que vous ne le pensez.

Liens interdits : entre cœurs et amitiéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant