Je sentais bien que l'atmosphère avait changé entre nous depuis qu'Orion et Xan étaient partis, c'était comme si le temps avait ralenti, et que le monde brillait un peu plus, que tout paraissait plus beau... Et pourtant je n'osais pas la regarder. J'avais peur encore une fois de tout ce que j'aurais pu ressentir, en ne posant ne serait-ce qu'une seconde mes yeux sur elle. Rien qu'en l'imaginant me détailler, mon cœur battait la chamade. Pourquoi ressentions-nous tout ça ? Après tant de temps à se détester...
Je repensai au tout début, quand nous ne nous connaissions pas assez pour savoir tout ce qu'on pourrait faire pour se détruire l'une et l'autre, à ma rentrée en première année, quand j'étais encore perdue et pas prête à ce qui pourrait m'arriver.
— Pourquoi est-ce que tu n'en as jamais parlé, à personne ? demandai-je.
— De quoi ?
Elle avait remis du parfum en rentrant en fin d'après-midi, elle sentait la cerise et la pêche, des goûts fruités et doux qui la caractérisaient bien... Je repris une gorgée avant de répondre :
— Quand tu m'as vue pleurer aux toilettes, l'année dernière. Combien de fois tu aurais pu utiliser cette anecdote contre moi, et tu ne l'as pas fait ?
C'était deux ou trois semaines après la rentrée, j'étais débordée de travail, après avoir été habituée toute ma vie à travailler peu, à réussir sans effort. On commençait déjà à avoir des examens, et des devoirs à rendre, des exposés à faire, et je n'y avais pas été préparée... A la fin d'un contrôle, que j'avais complètement raté, j'étais allée me réfugier dans les toilettes pour que personne ne voie mes larmes. J'avais honte, si honte, parce que je n'avais jamais été si incompétente.
— Je m'en souviens comme si c'était hier, murmurai-je à moitié dans le vide.
— Je sais... Moi aussi. Je voulais juste aller aux toilettes quand je t'ai entendue sangloter le plus doucement possible, et je n'avais aucune idée de qui c'était...
Je rougis, en réalisant qu'elle s'en souvenait bien, et en parlant de cette vulnérabilité que j'ai tenté de fuir toute ma vie. Elle continua de parler comme si personne l'écoutait :
— Je me demande si ça avait pu t'aider, ce que je t'ai dit. En tout cas à aucun moment j'aurais essayé de retourner ta sensibilité contre toi.
En prononçant ses derniers mots elle me regarda un peu avant de relever le visage vers le ciel. Je ne me souvenais pas exactement de ses paroles, mais, à ma porte, elle m'avait demandé ce qui n'allait pas, et j'avais répondu la vérité. Elle avait essayé de me réconforter, elle avait séché mes larmes à l'aide de ses mots, elle avait apaisé mes peines. Et c'est à ce moment-là que je l'ai détestée, car quoi qu'il arriverait, elle serait toujours supérieure à moi, elle aurait été témoin de ma vulnérabilité. Et puis tout le monde se mettait à la placer sur un piédestal, et je n'existais presque plus. Alors j'ai voulu échanger les rôles, et la guerre a commencé...
— Ça m'a aidé, avouai-je. J'y repense parfois quand l'anxiété est trop forte. Mais je déteste ça.
— Pourquoi ?
— Parce que ça te donne une emprise sur moi, tu es supérieure, car tu es celle qui sait consoler, rassurer.
— Ça ne fait pas de moi quelqu'un de supérieur. A aucun moment je n'ai pensé faire ça pour moi, faire ça pour me surélever. Tu étais là, tu avais besoin d'aide, et j'étais là, alors je t'ai aidée.
— C'est bien le problème ! Je n'ai pas besoin d'aide.
Nous échangeâmes un regard, elle semblait confuse, comme si elle était incapable de croire que je pouvais me débrouiller seule, ce qui m'énerva encore plus. Elle est si parfaite, que c'est impossible pour elle de se mettre à la place de quelqu'un qui ne l'est pas. Je lui en voulais tellement, pour tout. Cela m'énervait, tout chez elle provoquait de la colère en moi.
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Sous le murmure des ombres
ФэнтезиPandore, Hëna, Xan et Orion sont étudiants dans la prestigieuse université Villarian, qui intègre et forme les meilleurs magiciens du pays. La vie y est calme et studieuse, jusqu'à ce qu'une des élèves meurt soudainement. Pandore, pouvoir de la télé...