Chapitre 10 - Hëna

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La vie reprit son cours, je retournai à mes réveils matinaux difficiles, mais retrouvai le plaisir d'étudier. Je retrouvai également la satisfaction de trouver la bonne réponse en classe lorsque Pandore réfléchissait encore, et voir la déception sur son visage. Et surtout je pus retrouver mes amis. Non pas que j'aie passé un mauvais moment chez Orion, mais retrouver mes meilleurs amis m'emplit de joie. Kellan à côté de moi ne faisait qu'insister sur le besoin urgent que je lui raconte tout ce qu'il s'est passé en son absence, et Mélodie à ma gauche qui me racontait tout son séjour chez Jess à toute vitesse. Je n'écoutais que d'une oreille, perdue dans mes pensées, principalement par rapport à Pandore.

La savoir non loin de moi et pourtant ne plus se parler, faire comme si rien n'avait changé entre nous, comme si rien n'avait existé, cela me perturbait... Mais je ne pouvais pas risquer de la déranger, ou d'être de trop, qu'elle me trouve trop sur ses épaules... Peut-être n'avait-elle-même pas envie d'aller plus loin. Peut-être qu'on s'était embrassées juste par ennui... Comment pouvais-je savoir ? Et je savais que Kellan me dirait qu'il faudrait que je lui en parle, mais jamais je ne me sentirais capable de faire ça. Je comptais seulement voir comment elle réagirait et agir en conséquence... Je ne pouvais pas non plus effacer tant de temps de rivalités à cause d'une pause de deux semaines.

Je continuais de me concentrer sur le cours de fondements de la magie, où l'enseignant déblatérait sur l'Histoire des grands événements magiques. Je notais tout, armée de mon stylo à plume. Et tout était normal comme si rien de ce début d'année n'était arrivé. J'espérais que tout rentre dans l'ordre, que la vie reprenne réellement son cours et que nous puissions vivre une vie étudiante banale. Voir tous mes camarades réunis dans la même pièce, à travailler, écouter le cours, discuter ou dormir, me rassurait légèrement. Tout était normal. Il ne s'était rien passé de tragique. Tout était normal, parfaitement normal.

A la fin du cours, je rangeais toutes mes affaires rapidement dans mon sac, et quittais hâtivement la pièce pour rejoindre la salle de musique. J'avais envie de retrouver le piano, faire de la musique et me perdre dedans. Une fois seule dans la grande salle, je rejoins l'instrument qui m'avait tant manqué, l'effleurant du bout des doigts, et m'installai sur le banc. Je commençai donc à jouer une mélodie ancienne, puis me laissai emporter par l'improvisation, envahissant la pièce de notes envoûtantes. J'aimais tellement ça, la liberté que je pouvais trouver dans une simple mélodie. J'avais l'impression de reprendre le contrôle sur tout, et que tout allait bien, lentement je me sentis m'apaiser.

Je fus interrompue par la porte qui claquai, ce qui me fit sursauter puis pousser un soupir d'exaspération, les peu de fois où j'aimerais être seule, il m'en était impossible. Je reconnus finalement Kellan, et lui fis un sourire lorsqu'il s'avançait prudemment.

— Tu vas bien, alors ?

— Oui, répondis-je. Tu m'as suivie ?

— Bien sûr, te voir partir limite en courant des cours, c'est inhabituel !

Je ne pus retenir un rire léger. J'adorais Kellan. J'avais eu la chance de le rencontrer au lycée, et que nous ayons pu rejoindre tous les deux cette université. Etant l'une des plus prestigieuses, nous avions rarement plus d'une personne par lycée qui pouvait la rejoindre. Mais heureusement, Kellan était très intelligent. Nous nous sommes alors rapprochés en première année de faculté, nous nous étions directement bien entendus, et je lui ai toujours fait très confiance. J'étais extrêmement reconnaissante de connaître quelqu'un comme lui.

— Alors, tu peux enfin me raconter tes vacances ! dit-il à nouveau en se posant sur le piano.

Je soupirai, levai les yeux au ciel avant d'annoncer :

— Eh bien... Comme tu l'as vu je suis partie avec Orion... Et Hëna.

— Oui, c'était d'ailleurs très surprenant ! Continue.

— Orion avait besoin de nous pour retrouver les kidnappés du meurtrier...

— Mais c'est de la folie ! Ça aurait pu être super dangereux !

Je haussai les épaules en lui assurant que nous nous en étions très bien sortis finalement. Qu'il n'avait pas besoin de s'inquiéter pour des gens comme nous.

— Et ensuite on a repris une vie tranquille... continuais-je. Et Hëna et moi nous sommes rapprochées.

— C'était sûr ! s'exclama-t-il en sursautant, montrant clairement son enthousiasme.

Je retenais mon sourire et voulus cacher mes joues qui rougissaient, Kellan riait en me taquinant :

— Ton plus grand rêve qui se réalise ! Et alors ?

— On s'est juste embrassées, à deux moments, mais c'est bizarre.

— Bizarre ?

— On en a pas parlé, on ne fait rien...

— Parles-en avec elle.

Voilà, c'était sûr.

— Toi, tu veux que ça se reproduise ? demanda-t-il.

— Je ne sais pas, oui, peut-être... Non. Je dois me concentrer sur mes études, je ne dois pas la laisser me distraire.

— Oui, bien sûr.

Je sentais l'ironie dans sa voix et cela me donna envie de le frapper. Il se moquait ouvertement de moi. Et plus il voyait que ça m'énervait, plus il s'en amusait.

— Je vais te brûler les cheveux, menaçais-je.

Il éclata de rire, pendant que je fixais ses cheveux blonds qu'il n'avait même pas pris le temps de coiffer ce matin. Je me retenais d'exploser, j'avais envie de lui dire d'arrêter de rire, mais il ne m'entendrait même pas. Je songeais à le laisser ici, l'abandonner dans sa folie, mais il se reprit :

— N'empêche que c'est rigolo, tu peux l'admettre.

— Oui, oui.

— Hëna tu dois vraiment apprendre à t'avouer les choses, tu es folle d'elle.

Je levai les yeux au ciel, quittant définitivement la pièce, Kellan à mes talons. Il n'arrêtait pas de rire, en répétant « Ah si Mélodie était là on rigolerait bien ». Dans le couloir, il y avait du monde, et j'essayais de me frayer un chemin pour échapper à mon tortionnaire.

— Allez, Kellan, laisse-moi, j'ai un cours de langues anciennes.

— C'est vrai que t'as choisi de prendre des options. Tu pourras retrouver ta camarade préférée au moins !

Je profitai de la foule pour lui donner un coup amical à l'épaule. J'avais envie de lui crier dessus, mais je fus forcée me retenir, en me cognant presque sur le professeur de théâtre.

— Je vous conseille de regarder devant vous lorsque vous marchez, Hëna.

Mon corps se figea. Le temps de réagir, il me dévisageait, je dus lever la tête pour croiser son regard. J'acquiesçai alors, prête à rougir de honte et m'éloignais de lui, pour me coller à un mur, où nous serions tranquilles. Kellan me rejoint, et j'attrapai son bras en murmurant avec un regard noir

— Je te déteste.

— Oui, c'est ce que tu dis à Pandore aussi.

— Tais-toi.

Je partis le plus vite possible pour m'éloigner de lui, et l'abandonnai dans son amusement. Je rejoins la porte du cours qui allait commencer dans une dizaine de minutes, Pandore y était, discutant avec son amie, et je détournais le regard pour m'éviter un embarras de plus.


Sous le murmure des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant