Terminé. Le glas de la bataille venait de sonner. Signant la fin d'un combat acharné, et le début, pour lui, d'une longue descente entraînée par cet amer sentiment de défaite insensée, auquel il n'avait plus goûté depuis bien des années. Il n'y avait aucune chance que ça se finisse ainsi. Aucune chance que son histoire prenne une telle tournure. Pas lui.
Les fracas d'un monde qui s'effondrait mêlés à sa colère sourde l'empêchait de distinguer convenablement ce qui gravitait autour de lui. Impossible de saisir la situation. Impossible de la contrôler. Ses états d'âmes continuaient de prendre de l'ampleur, coulant dans ses veines comme le sang qu'il rêvait de faire couler, déchirant son âme comme la chair qu'il se voyait déjà lacérer.
Hors de question. Il était tout bonnement impossible qu'il soit chassé de son trône par un nouveau venu. Impossible qu'il se fasse congédier de son propre empire par celui qui était censé être sa proie à chasser, par un énième figurant qu'il s'amusait à tourmenter de son histoire autocentrée. Comble de l'ironie ; jamais il n'aurait pu se douter que ce garçon d'apparence inoffensif soit en réalité atteint d'une telle folie.
La folie. Cette sensation dévastatrice qui gangrenait en lui, au point de fissurer ce masque de calme et d'assurance à toute épreuve. Au point de le faire hurler au beau milieu d'une foule qui acclamait son nouveau héros. Au point d'être incapable de refréner l'envie d'envoyer ce dit héros au plus profonds des enfers.
Et c'est ce qu'il fera. Même si sa raison inaudible tente sans succès de le persuader du contraire. Même si en faisant ça, il se condamne lui-même à ne plus pouvoir régner en maître sur ce qu'il souhaitait. Qu'importe. On lui avait déjà volé sa couronne, son prestige, sa gloire. Hors de question qu'un tel acte demeure impuni.
Et malgré le temps qui s'effilait, les secondes, les minutes, les heures, cette pulsion meurtrière ne disparut guère. Elle persista, le consumant de l'intérieur, telle une brûlure qui se saurait être calmée que par l'assouvissement de ce sombre désir de vengeance.
Quelle triste réalité. C'est ce que se disait une partie de lui. Pas par compassion pour sa victime. Mais par pur plaisir de voir son adversaire ainsi, dévoré par la souffrance et la peur, le visage tâché de sang et de larmes, le regard implorant, tremblant de terreur, ne comprenant guère ce qu'il avait bien pu faire pour subir de tels sévices.
« Tu as détruit ma vie. » Une phrase mélodramatique, prononcée d'une manière presque langoureuse, trahissant néanmoins toute la haine présente de sa voix, dans ses gestes, dans son regard brillant des intentions les plus sombres, dans son sourire malveillant qui glaçait le sang du jeune garçon. Étendu par terre, couvert de bleus et de plaies, il pleurait silencieusement tant la douleur transperçait son âme et son corps. Jamais il n'aurait pensé se retrouver un jour dans une situation pareille. Jamais il n'aurait pu croire, même dans ses prévisions les plus sombres, que cet homme au iris de glace puisse un jour s'adonner à de tels extrêmes.
Chacun des coups qu'il recevait lui faisait l'effet d'une onde de choc, se propageant à travers ses veines, frappant jusqu'à ses organes d'une force qui se voulait éblouissante quand il impactait les cages et les esprits sur le terrain, mais criminelle quand il se déchaînait cruellement sur un adolescent désarmé. Ce n'était pas de la rivalité, ce n'était même pas de la vengeance. C'était juste du lynchage pur et gratuit. Une exécution à huit-clos, prononcée sur un jugement des plus tyranniques.
Ce ne fut qu'après de longues minutes au goût d'éternité que le calvaire cessa enfin. Plus aucun cri n'avait la force de s'échapper de ses lèvres. Plus aucun sanglot n'avait encore le courage de pleurer sa peine. Car, malgré ses hurlements de douleurs, ses supplications, sa culpabilité clamée sous la terreur alors même qu'il n'avait rien fait de mal, la sentence n'avait fait que durer. Jusqu'à ce que son esprit flanche, et que sa vision s'assombrisse. Jusqu'à ce que son âme brisée ne soit plus en mesure de supporter son corps meurtri.
Le silence qui venait de retomber se confondait avec le souffle inaudible du brun qui gisait au sol. Son visage était encore marqué des souffrances qui le tordaient, et ses yeux d'un bleu profond semblaient s'être fermés à jamais. Des traces de larmes ayant abondamment coulé étaient toujours visibles sur sa peau d'un teint porcelaine, clarté elle-même tachée à bien des endroits de son propre sang qui, à l'instar de ses larmes, avait afflué. Pourtant, malgré ce tableau dépeignant toute cette tristesse et cruauté, il y avait dans cet assemblage une forme de tranquillité : celle trouvée par un garçon martyrisé qui plus jamais n'aurait à supporter d'être ainsi malmené.
Le souffle court de l'empereur déchu était le seul son à peser dans ce silence lourd. Les cris s'étant dissipé, il n'avait plus d'autre choix que de devoir écouter ses poumons s'affoler, et son coeur frapper comme s'il cherchait à s'extirper. Sentant que ses jambes commençaient à chanceler, il s'appuya de sa main droite au mur face à lui, portant la deuxième à sa poitrine affolée, puis à son cou humidifié par sa sueur qui n'avait fait que de perler. Il n'avait moyen de faire taire son propre souffle coupé, trahissant à lui seul le fait que sa propre haine l'avait lui-même glacé. Mais, malgré sa terreur interne, ses yeux restaient quant à eux rivés sur le corps étendu à ses pieds, sur celui qu'il venait d'agresser au point ou sa vie s'était peut-être envolée.
Avec cette nouvelle pensée en lui, mêlée à toutes les autres qui se bousculaient, le jeune homme commença à être pris de violents maux de tête. Ses propres contractions lui faisaient défaut. La peur, la haine, la vengeance, tout se mélangeait, encore et encore, formant ensemble un amas émotionnel absolument indescriptible. Mais il y avait bien quelque chose qui ressortait plus que le reste en lui. Quelque chose de suffisamment fort pour faire battre son coeur à la reverse, pour de nouveau couper son souffle déjà emballé par cette étrange situation qu'il venait de provoquer. Car, alors même qu'il fixait toujours celui qu'il venait de terminer, dans ses yeux écarquillés, ses pupilles venait de se dilater, et sur ses lèvres, son sourire démentiel s'était de nouveau formé.
Non. Hors de question qu'il s'en aille. Hors de question que ce garçon ne s'éteigne de la sorte. Il devait s'en remettre. Il devait se tenir de nouveau face à lui, l'affronter, le provoquer et lui tenir tête comme il l'avait fait. Afin qu'il puisse recommencer. Afin qu'une fois de plus, il puisse entendre ses cris de douleur résonner, voir son sang et ses larmes couler, et admirer le regard désespéré qu'il lui avait lancé lorsqu'il le suppliait de cesser. Il voulait de nouveau ressentir cette sensation enivrante, ce démon qui le possédait et qui lui donnait cette impression de surpuissance, cette jouissance immense dès lors que l'autre avait atteint l'apogée de sa souffrance. Il voulait recommencer. Il voulait le torturer de toutes les manières possibles, sous tous les angles, suffisamment fort pour qu'il le supplie de l'achever. Alors, afin de clore en beauté cet épisode de folie pure, Kaiser se pencha vers sa némésis éternelle, son souffle chaud venant porter son oreille un glaçant « Rétablis-toi vite, Yoichi. Je t'attendrai », avant s'en aller, satisfait. Sans même une once de culpabilité à l'égard de celui qu'il venait de sauvagement assassiner. Sans même une once de remords vis-à-vis de ses actes qui venaient de le précipiter au plus profond de la noirceur de l'humanité.
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Exécution • 𝙗𝙡𝙪𝙚 𝙡𝙤𝙘𝙠
Short StoryUne descente aux enfers jusqu'aux tréfonds des pires pulsions meurtrières, la chute d'un empereur déchu qui n'a plus qu'une seule envie : se venger et faire souffrir celui qui avait osé lui tenir tête. © Fanfiction basée sur Blue Lock écrite et imag...