XXIII

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Faith

Les cours ont repris, et après notre atterrissage à Boston hier après-midi, me voici de retour. Les vacances de Noël débutent après-demain, donc je m'autorise à manquer les cours aujourd'hui. J'ai promis à Jack que nous allions nous voir. Actuellement assise dans le bus en direction du lycée, je maintiens cette facette. Cependant, une fois sur place, Jack viendra me chercher...

Je sais que mon père va être averti de mon absence, je sais aussi que je devrai tisser un mensonge, un mensonge auquel je n'ai pas encore pensé.

Lorsque le bus finit par s'arrêter, j'enlève mes écouteurs et je me dirige vers le parking des professeurs où Jack m'attend, le ciel oscille entre le gris et le bleu foncé, une pluie va sûrement pas tarder à tomber.

Pressée de ne pas le faire attendre, j'accélère le pas. Jack n'apprécie pas les retards. Pourtant, il serait plus logique de le rejoindre après le début des cours... Enfin arrivée, Jack se détache du poteau auquel il était adossé, ses yeux bleus sombres s'écarquillant. Ses cheveux noirs retombent sur son front, inchangé depuis cinq mois, inchangé depuis cette nuit-là.

Après quelques échanges de regards, nous nous précipitons vers sa voiture. Il attrape mon poignet, nous courons et nous arrêtons devant sa Toyota grise, qui elle non plus n'a pas changé. J'y rentre et je me retrouve la nuit à Philadelphie, je ressens ces baisers échangés à trois heures du matin, ou ces moments où cette voiture était préférable à la maison.

— C'est ton mec là-bas ? demande-t-il, fixant l'entrée du parking des professeurs.

Je regarde par la fenêtre, secouant la tête en apercevant le regard insistant de Monsieur Johnson.

Il démarre, et malgré le fait que j'ignore la destination, je lui fais entièrement confiance.

***

Depuis vingt minutes, nous sommes plongés dans le silence de ce café, aucun mot n'ayant franchi nos lèvres. J'aimerais l'entendre dire quelque chose, même si ça doit me blesser. Nous restons là, à nous regarder comme deux idiots. Il semble sur le point de parler plusieurs fois, mais aucune parole ne s'échappe.

— Parle, je t'en prie, murmuré-je presque inaudiblement.

— Comment il s'appelle ?

J'ai besoin d'une longue réflexion avant de répondre. Parce que Monsieur Johnson est ici, assit quelques tables plus loin.

— Il s'appelle Alban, réponds-je.

Monsieur Johnson lève les yeux de son journal, puis les détourne.

— Chaque fois que j'en trouvais une, je ne pensais qu'à toi. Tu le sais, mais tu t'en moques. Parce que toi, Faith, tu ne penses jamais à moi.

Je n'objecte pas, car ses paroles ne sont que vérité.

— Tu m'as parlé, je t'ai écoutée, conseillée, et tu es vivante, me rappelle-t-il.

Je hoche la tête.

— Donc je te repose la question. Qui suis-je dans ta vie ? demande-t-il.

— Je ne sais pas, avoué-je.

— Peut-être que j'en ai demandé trop, que je n'aurais jamais dû attendre autant d'une gamine.

J'hésite entre détester et aimer les paroles qu'il me lance, peut-être suis-je masochiste ?

Son regard dévale de mes yeux à mes poignets.

— Qu'est-ce que t'as fait encore ? interroge-t-il.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant