01- Le cerf

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J'observe furtivement les côtés alentours. Des arbres à perte de vue. Cette forêt est assez agréable, les arbres ondulent au rythme du vent léger qui caresse mon visage. Toute sorte de flore se cache dans les coins plus reculés, que je suis sans doute la seule à connaître. Les feuilles sont de couleurs rouges, jaunes, vertes, en ce bel automne. Si je puis dire, la nature vit. Elle est reine. Cette présence dissimulée qui m'observe... Je ferme les yeux et sens toutes les odeurs environnantes. La faune, la flore. Une agréable odeur sucrée de chèvre-feuille, qui se mêle à celle de l'eau qui ruisselle le long des troncs et des courts d'eau. Si je fais plus attention, j'entends le chant des hiboux et des coucous, le passage de quelques loups ou renards...
Soudain, un bruissement étrange. Mon pouls s'accélère. Cela fait bientôt six mois que je n'ai rien attrapé. J'aperçois alors brièvement un bois de cerf. Le stress s'intensifie, il ne faut pas que je le rate. D'après mes connaissances et ce que j'observe (la végétation grasse et le gabarit du cerf ), il doit peser un bon poids. Lorsque je le vois sortir, je pense qu'il pèse bien deux cents cinquante kilos. Les flancs bien dodus, j'aimerais être aussi en forme que lui. Sa robe n'est pas encore totalement brune, mais garde des traces rousses de l'été. Ses bois sont immenses, je ne pense pas en avoir vu des semblables avant. Il a de beaux yeux marrons clairs révélés par la clarté. Le cerf est majestueux, à faire des mouvements si posés, on dirai que rien ne lui pèse, contrairement à moi.
Consciente du poids qui repose sur mes épaules, mes poings se referment sur mon arc. Je brandis celui-ci, le plus calmement possible. Mes jambes flagellent, ainsi que mes bras. Il est immobile, ma flèche menaçante pointée vers lui. Je m'apprête à tirer.
"Ne le rate pas, ne le rate surtout pas !" Me dis-je. Je décoche ma flèche, qui vient se loger dans l'arbre, entre les bois du cerf. Surpris, il se retourne et prend la fuite. "Et merde!!" M'exclamais-je violemment.
Je suis accablée,décontenancée. Mes jambes ne me tiennent plus, je tremble de toute part. Prise de rage et de honte, je lacère le sol humide de mes mains tremblantes. Les feuilles décomposées et jaunies par l'automne virevoltent autour de moi. Je n'arrive pas à croire que j'ai pu laisser passer une telle opportunité. Suite à cet échec, je pense à ma famille. Mes deux frères. Comment vais-je leur annoncer ? Encore un soir sans repas, à se tordre de douleur à cause de cette maudite famine... Ils ont perdus sept kilos durant les trois derniers mois. Pendant que je pense à cela, je sens les larmes monter. J'essaye de me ressaisir, ce n'est pas mon genre de pleurer. J'ai appris à être forte, à cacher mes émotions, les contrôler. Et me voilà en larmes, en plein milieu d'une stupide forêt. J'imagine ce cerf, broutant tranquillement, bien heureux d'avoir échappé à ma flèche.
À cette pensée, la colère m'envahie. Je me lève, oubliant presque mon arc derrière moi. Je remarque que le terrain est légèrement en pente. Je m'élance alors à la poursuite de la bête, plus motivée qu'auparavant.
Après une course effrénée, je la retrouve, posée dans une clairière. Tout paraît si calme, ici. Un ruisseau déborde d'un talus, et vient se loger dans une crevasse. Le vent chaud du sud m'envoie une subtile odeur de camomille. Mes soucis s'envolent, un à un... Mes épaules me semblent si légères... Le cerf m'observe, allongé sur le flanc, adossé à un énorme chêne, qui m'as l'air d'avoir supporté bien des guerres. Je suis aussi fatiguée que le bestiau. Je l'approche, doucement. Il ne présente aucune crainte. Un hallo de lumière, passant par un trou dans le feuillage, vient inonder le cerf. Sa respiration est plus paisible à présent. La fatigue me prends aux tripes, tout comme la faim. Cela fait presque une semaine que je n'ai rien avalé, privilégiant la santé de mes deux frères. Je guette le ciel bleu azur, et me demande ce que font mes deux petits garnements, à l'instant présent.
J'ai dû penser bien longtemps, lorsque je reviens à moi, le ciel est teinté de rose. La température s'est également rafraîchie. Le cerf s'est quand à lui assoupi. Je commence à avoir froid, me pelotone contre lui, il est trop tard pour reprendre la route. Le sol de mousse fait comme un doux matelas, sur lequel je m'endors à mon tour.
À mon réveil, il dort toujours. Je me lève brutalement, déstabilisée d'avoir pu faire preuve de sentiments humains. Je saisi mon arc et plante ma flèche entre les deux yeux. Un léger filet de sang s'échappe de la plaie lorsque je la retire.
J'assemble ensuite plusieurs branches, que je coupe à l'aide de la dague dont j'ai héritée de mon père. Un seul coup suffit par branche. Je grimpe dans un chêne, trouvant au sommet des lianes, assez solides pour faire office de liens, afin de maintenir les branches serrées, et ainsi transporter le cerf. Le traîner à même le sol serait trop fatiguant pour moi seule, et, de plus, cela risquerait d'abîmer la fourrure, que je pourrais vendre à un relativement bon prix. Après avoir solidement ficelé la bête, je reprends ma route, afin de retrouver mes frères. Sur le chemin, je récupère quelques lapins dans les pièges que j'ai posés la veille. D'après la position du soleil, il doit être aux alentours de midi, je serais sans doute de retour vers la tombée de la nuit.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 05, 2016 ⏰

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