0.9

148 23 46
                                    

« J'ai fait un cauchemar terrible dans lequel j'étais le dernier. Le seul. Celui qui verrait s'éteindre ses pairs.

J'ai fait ce cauchemar où je ressentais l'infinie douleur de la solitude, celle où il n'existera plus aucun autre humain à part moi.

J'ai vécu et survécu pour être celui qui contemplera le monde s'éteindre sans personne avec qui le partager.

Nous ne survivrons pas.

Nous sommes condamnés.

Je ne veux pas être le dernier. »

Mémoires, Zephyr E.S, novembre 2124.

*

Jungkook

Tu caches ta déception.

Tu t'attendais à tout, sauf à ça.

Ce bar éponyme dont tu as entendu parler maintes fois de la part des beytis, murmuré comme un secret, ce lieu de fantasme mystérieux d'aventure, de rassemblements rebelles, en dehors des lois, des règles, n'est rien.

Une simple pièce sombre pourvue de tables et de chaises de basses qualités. Un espacement médiocre sans aucun effort de décoration. En réalité, tout paraît appauvri, sans vie ou presque. L'endroit empeste, une odeur immonde de désolation, de renfermé. Les rares personnes assises autour des tables ont la même expression sur le visage. L'harassement.

Une part de toi te souffle que ce minimalisme a tout de même un charme rustique. Certes. Pourtant, c'est loin de ce que tu imaginais.

Tu découvres avec une certaine frustration le fossé entre tes attentes et la réalité. Ton imagination fertile t'a trahie. Tu es trop habitué·x aux salles de réception, aux décorations survoltées, à la lumière, à la musique, aux fragrances qui embaument les bals et ses tenues colorées. Tout est guindé, tout est beau. Ici tu t'attendais à cette même festivité, mais plus brutale, plus authentique, sans la parade esthétique qu'adorent les yénos.

Tu t'es laissé emporter par les contes, les récits d'avant la Fin, les auberges festives, grivoises, où il n'existait que le plaisir de s'alcooliser et de chanter comme s'il n'y avait pas de moment plus heureux que de scander à tue-tête avec des inconnu·x·s.

Ici, il n'y a rien qu'un espace vide, une odeur de bois pourri de charpente mal entretenue, des personnes qui se terrent dans des espaces sombres et exigus.

— Qu'est-ce que je vous sers ?

Lo beytis devant toi n'a aucune expression, pas même un sourire et tu échanges un regard avec Loïs qui se racle la gorge :

— Deux bières, s'il vous plaît.

— A régler maintenant.

Iel repart aussi sec et tu papillonnes des yeux.

— Régler quoi donc ?

— Les boissons.

Loïs tire d'une de ses poches deux petites pièces de cuivre et tu hausses les sourcils. Tout ceci te paraît bien étrange. Un lieu austère, ni beau, ni animé mais où il te faudrait payer pour boire ?

Tes yeux ont à peine le temps de s'attarder sur la monnaie que lo beytis revient avec un plateau. Iel dépose deux chopes devant vous avant de récupérer d'un geste rapide les pièces et, sans un mot ni aucun sourire, repartir jusqu'au comptoir.

Les ParticulesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant