10.1: IRIS

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Nous perdre, c'est plus facile que nous construire.

Parce qu'avant tout, nous ne sommes qu'une forme vide qui se remplit et se construit à travers ce qu'elle vit, ce qu'elle voit, ce qu'elle entend ou ce qu'elle lit.

On se perd souvent entre les quatre. Surtout quand on a aucune idée de qui on est après des années à chercher à se construire, autant dire que toute sa vie.

Quand je suis née, ma mère était déjà une grande célébrité au Burundi. Elle a d'abord commencé à jouer du théâtre, puis quand elle a rencontré mon père, un jeune talent, tout franchement revenu de l'Europe qui rêvait d'amener la révolution cinématographique dans son pays natal et qu'ils ont tout de suite craqué, elle a vite changé de carrière, de comédienne à actrice.

Ayant autant le talent, le visage et les formes, elle a tout de suite conquis le cœur de ses spectateurs et très vite, elle est devenue une vedette de cinéma, soutenue par mon père qui lui aussi cartonnait dans la réalisation et la direction des films, un domaine presque vierge à leur époque.

Ils ont fini par se marier après quatre ans de relation et de ragots, moi étant la cause. Ma mère était enceinte de moi de huit mois quand ils ont décidé de se marier.

Déjà que mes parents avaient leur réputation, mon physique a aussi contribué à faire de moi une star depuis ma naissance.

Je suis née avec une peau aussi foncée que l'ébène et des yeux si bleus qu'ils donnaient des vertiges à ceux qui me fixaient un peu trop. Ayant hérité de magnifiques traits de ma mère, s'y ajoutant mes yeux uniques, et la grande silhouette de mon père, ma carrière s'est tracée sans qu'aucun de nous, je veux dire moi et mes parents, ait son mot à dire.

L'argent lui y a contribué grandement. La première entreprise qui a voulu mon visage comme visage de marque était une entreprise qui venait juste de s'établir au Burundi depuis l'Australie. C'était une entreprise de couches pour enfants et mon premier contrat, avant même que je sache mimer le mot "baba" comme tout enfant, fut de 7 millions 

Rien que par cela, mes parents venaient de monter mon bar si haut que je devenais aussitôt un produit rare et luxueux et par conséquent, convoité. Nombreux se battaient pour me signer, mais peu gagnait et je crois qu'avoir ma mère comme manager durant mon enfance fut la chose la plus sage et la plus intelligente que mes parents aient fait. Elle connaissait le monde dans lequel elle m'engageait et elle était prête à gagner.

Je fus la première femme noire à gagner un demi million de followers sur Instagram en une semaine et je n'avais alors que dix mois.

Devenir mannequin n'a jamais été mon choix bien que je crois que je n'aurais rien choisi de contraire si le choix m'était donné.

Devenir célèbre, non plus.

Enfin, ça c'est souvent la décision de tout le monde sauf soi-même. Du moins, ça été mon cas.

Mes traits ont l'avantage de me procurer beaucoup de choses. La vie que je mène y compris.

Les médias m'ont tout de suite appelé le "diamant noire", d'autres " la perle bleue".

Le plus ironique est que mes parents ont décidé de m'appeler Pearl Blue Iris.

Très original de leur part.

Ce qui m'a toujours gêné, ce sont les flashs qui suivent chacun de mes pas et l'attention que la presse donne à chacun de mes mouvements.

Je me suis toujours connue célèbre. Et ça m'a fait grandir peut-être trop tôt.

Je me souviens que ma mère aimait me dire.

_ Vois-tu, princesse, tu es différente des autres. Tes copines aussi. Toi, tu dois être l'exemple. L'inspiration partout où tu vas. Alors, tu n'as pas droit à l'erreur. Le monde sera dur contre toi, mais c'est pour ton bien. Parce que quand tu grandiras, tu régneras sur lui.

CravingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant