Ma destinée

21.07.2019

À chaque fois que je regarde par cette fenêtre, je ne peux m'empêcher d'éprouver une immense fierté. J'ai monté cette entreprise sans avoir fini ma scolarité, et tout le monde pensait que je cartonnerais dès l'ouverture ! J'ai gravi tant de chemin pour en arriver là... HAHAHA ! Attendez ! Pose ! Pourquoi je parle comme une trentenaire à la fin de sa carrière ? Ce n'est pas mon truc, ça ! De un, j'ai pas trente ans mais vingt-sept. Je suis encore dans la fleur de l'âge ! C'est vrai que je fais un peu vieille avec cette tenue quand je me vois. Peut-être que je devrais changer de couleur. Le beige éclaircit un peu trop ma peau.

Toc toc

Laelynn s'empressa de rejoindre son poste derrière son bureau, s'éclaircissant la voix avant d'autoriser l'entrée. Un grand homme barbu passa l'entrebâillement. Elle laissa échapper un long soupir en le voyant.

— C'est que toi. Tu m'as fait peur !

— Je te rappelle que nous sommes sur notre lieu de travail.

— Je sais bien. Mon appart fait à peine la taille de ce bureau !

Le brun se massa le bout du nez. Aussitôt, Laelynn se redressa, ses yeux examinant chaque muscle de son visage.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— On a découvert qu'une de nos employées revendait nos idées de projet. Elle avait créé un compte Insta spécial pour contacter tous nos adversaires.

Laelynn tapa du pied, son cœur battant la chamade. Chaque semaine, un problème survenait, mais cette histoire de taupe restait la première. Elle n'avait rien prévu d'avance, mais elle se devait de réagir.

— Qui est au courant ?

— Jay, qui l'a découvert, moi et toi.

— Bien. Amène-la à l'écart et dis-lui tout ce qu'on sait. Ne laisse rien échapper. Après ça, fais-lui changer son mot de passe. Elle ne doit pas le connaître, sinon elle risque de le réactiver. Supprime le compte et applique le protocole pour la virée.

— Bien.

Laelynn se laissa tomber dans un soupir, s'enfonçant dans son fauteuil, les yeux clos. Une migraine tambourinait dans son crâne. Très vite, elle comprit qu'elle était toujours observée. Son interlocuteur ne bougeait pas, continuant de la fixer. Elle entendit ses lourdes respirations, et sa pomme d'adam monta avant de redescendre dans un gloussement.

Tout est tellement évident chez lui. C'est incroyable.

— Y a autre chose ?

— Un informateur m'a indiqué que Face à Face a envoyé une nouvelle recrue à M. Lieuce.

— Une nouvelle recrue ?

— Elle aurait été diplômée d'une école dans le coin. Le plus important, c'est qu'elle aurait passé ses deux premières années à construire une communauté. Encore personne ne l'a jamais vue. Même à sa remise de diplôme, on avait beaucoup de mal à la distinguer.

— Et cette communauté, elle est si grande que ça ?

— 500 000 abonnés sur YouTube et plus d'un million sur Instagram.

L'assistant lui montra un profil sur sa tablette. La bio contenait peu d'informations. La photo de profil représentait une femme portant un drapeau arc-en-ciel. Laelynn fit défiler les publications, reconnaissant sur l'une d'elles un café peu populaire en ville. Un sourire décrocha sur ses lèvres.

— Les inclassables... Hum. Elle pourrait bien nous donner du fil à retordre.

— Alors que fait-on ?

— Rien.

Son interlocuteur se courba, les yeux écarquillés, s'apprêtant à l'interroger. Pourquoi ne pas prendre un peu d'avance ? Mais Laelynn tapait frénétiquement sur son clavier. Il comprit vite qu'il n'aurait pas d'autre information et quitta le bureau. Le claquement de la porte résonna dans ses oreilles. Ses mains se figèrent.

Comment je vais faire ! Je suis cette créatrice depuis ses débuts. J'aime trop ce compte ! Avec elle, tout est si authentique. Ses photos, ses stories, ses vidéos. Tout ! Là, je confirme. Je suis dans la merde...