Pendant les 20 minutes de trajet qui me séparaient du St Thomas Hospital, j'avais pu découvrir à quel point l'homme qui était rentré hier soir au « Night'Shot » avait fait vibrer la presse durant la nuit. Son visage faisait la première page de tous les peoples londoniens : « Le chanteur Aylan Scott frôle la mort », « Le quartier de Soho retourné après l'overdose du célèbre chanteur Aylan Scott », « Inédit : Un cliché du chanteur Aylan Scott confrontant le gérant d'un bar », « Aylan Scott, transporté aux urgences après une altercation dans le quartier de Soho ». Les articles défilaient sous mes yeux, le « Night'Shot » et Patrick avaient été cités sur plusieurs pages, et je n'étais pas sûr que cette publicité ravisse mon employeur.
Je ne sais pas comment, mais mon visage avait réussi à passer inaperçu sous le flot des objectifs des paparazzis. Je suppose que ma vie ne daignait pas qu'on me prenne en photo. Je passais mes journées dans le métro bondé de Londres, à me faire rabaisser par les médecins qui n'avaient pas suffisamment de respect à mon égard pour m'appeler par mon prénom, ou à me faire reluquer par de parfaits inconnus qui me traitaient comme une simple marchandise. Ma vie ne m'appartenait pas vraiment, je ne faisais que me mouler aux exigences de chacun. Pour autant, aujourd'hui, je ne m'en plaignais pas. Si l'hôpital avait fait un quelconque lien entre moi et l'admission du chanteur Aylan Scott dans un service d'urgence, je me serais fait virer sans un au revoir.
J'étais passée rapidement à mon casier pour enfiler les vêtements bleus qui me différenciaient des blouses blanches. Ils semblaient m'éviter comme la peste, m'attribuant les tâches ingrates. Mon planning m'indiquait que je devais prendre en charge les trois premières chambres du service de pneumologie. Ce n'était pas mon secteur de prédilection, mais je n'étais pas en position de demander une autre spécialisation. Alors que je me dirigeais vers la première chambre, Paige, ma meilleure amie et seul médecin que je connaissais qui faisait exception à la règle que les médecins sont des cons hautains, me rattrapa dans le couloir blanc.
- Sarah, Sarah, Sarah ! M'appela-t-elle essoufflée d'avoir dû monter les cinq étages qui nous séparaient.
- Paige, ça va ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ? demandais-je inquiète.
- Je parie que tu ne sais pas qui a été admis cette nuit dans notre hôpital.
- Non, mais je suppose que tu vas me le dire, répondis-je en m'apprêtant à rentrer dans la chambre 710, même si une petite idée avait déjà frayé un chemin dans ma tête.
- Aylan Scott, prononça-t-elle alors que je pénétrais dans la chambre.
Ses cheveux couleur jais tombaient sur le devant de son visage. Ses yeux étaient fermés, son visage était complètement détendu, signe qu'il n'était qu'à moitié dans notre monde.
- Oh, mon Dieu, glapis mon amie en découvrant l'identité de l'homme endormi sous nos yeux.
Je me saisis du dossier d'Aylan Scott, accroché au lit médical, revêtant mon masque d'infirmière pour refouler les souvenirs désagréables de la soirée d'hier qui me revenaient en tête.
- Il est arrivé aux urgences à 2 heures 27, dans une situation de coma léger. Les infirmiers de service lui ont administré deux doses de naloxone, pour contrer les effets des opioïdes. Avec 3 g/L d'alcool dans le sang, sa tension a augmenté et provoqué une tachycardie à 2 heures 54. Son rythme cardiaque a dépassé les 250 battements par minutes, on lui a posé un défibrillateur dans la minute qui a suivi, cinq chocs électriques en ont suivi quelques secondes plus tard. Son corps épuisé a replongé dans un coma. Il a été intubé à la suite de sa tachycardie pour éviter tout autre crise, lus-je à haute voix.
- S'il a été admis pour une overdose, il a dû se passer quelque chose en plus pour qu'il se retrouve en pneumologie, décréta mon amie laissant de côté la groupie en elle, pour se focaliser sur le patient et non le chanteur.
- Le médecin urgentiste lui a prescrit une radiographie thoracique ainsi qu'une spirométrie, l'informais-je.
- Ils pensent à un cancer ? Supposa Paige.
- À ce niveau-là, on peut supposer n'importe quelles maladies pulmonaires, ou potentielles séquelles de sa crise d'hier.
Je notai ses constantes dans son dossier médical. Malgré le fait que son cas soit intéressant, je n'avais aucune envie de rester une seconde de plus dans la chambre, de l'homme qui m'avait insulté. Alors que je m'apprêtais à sortir de la pièce, un homme entra. Quelque peu plus vieux qu'Aylan, mais qui ne devait pas avoir plus de trente ans. Sa tenue était soignée, mettant en valeur sa silhouette élancée.
- Bonjour, nous salua-t-il légèrement essoufflé.
- Jimmy Scott ? Demanda mon amie.
Le frère d'Aylan se contenta de hocher la tête.
- On ne m'avait pas prévenu qu'il avait changé de service. Comment va mon frère ? Nous demanda-t-il.
- Il est dans un état profond, depuis quelques heures déjà, dis-je.
- C'est la même chose que le coma ?
- Un stade avancé. On n'a pour le moment aucun moyen de vous indiquer la date de son réveil, même si on espère que quelques jours lui suffiront à reprendre suffisamment d'énergie. En attendant pour l'aider comme nous le pouvons, on l'a intubé, il est nourri en perfusion et on tente de maintenir sa température à trente-cinq degrés, pour que
son corps se concentre intégralement sur son réveil, l'informa Paige, de façon bien plus empathique que le ton que j'avais pu employer.
- Mais il n'a fait qu'une surdose, ce n'est pas la première, il n'a jamais réagi ainsi.
- M. Scott, à un moment donné notre corps n'accepte plus d'être autant malmené par des drogues et de l'alcool. De plus, il semblerait qu'il y ait un problème sous-jacent, à son réveil, les médecins voudraient lui faire plusieurs examens.
- Comment ça ? Je peux vous garantir qu'il n'est pas malade, on surveille sa santé de près avec les meilleures cliniques privées.
- Ah si, vous êtes sûr qu'il est en bonne santé reprenez-le, jusqu'à sa prochaine crise, repris-je la voix amère. Mais je peux vous dire une chose, M. Scott, qu'il y ait un autre problème de santé derrière son coma ou pas, maintenant que son corps a identifié le poison, son état n'ira pas de mieux en mieux.
J'étais agressive, bien trop loin de l'infirmière attentionnée que j'étais habituellement. Mais je l'avais reconnu, Jimmy, celui qui m'avait graissé la patte, pour que je taise le comportement déplacé de son petit frère. Et je n'appréciais pas la façon dont son regard me scrutait.
- Sarah ! Me réprimanda Paige ne comprenant pas mon animosité à l'égard des Scott.
Je compris le message et sortis de la pièce. De toute façon, si mon amie ne m'avait pas obligé, j'aurais fini par prendre la porte. Les musiciens qui jouent ainsi avec leur vie, traitant les autres comme leurs sous-fifres, j'avais appris qu'il fallait plutôt s'en éloigner si on ne voulait pas se faire détruire à la fin.
Je m'adossai contre le mur en face de la chambre, attendant que Paige sorte. Elle allait devoir gérer mon manque de politesse et je m'en voulais. Je n'étais jamais tombée aussi bas. Je ne m'étais jamais laissée aller à tel point que quelqu'un doive passer derrière moi faire le ménage. Mais je suppose que mon corps faisait à son tour une réaction aux connards de première.
La porte s'entrouvrit pour laisser sortir quelqu'un. Ce n'était pas celle que j'attendais.
- Votre tenue d'hier vous allait mieux, dit-il d'une voix grave. Même si le fantasme de l'infirmière n'est pas mal non plus.
- Comment... je perdis littéralement mes moyens, incapable de poursuivre ma phrase.
- Je n'oublie jamais un visage, Sarah, susurra-t-il mauvais avant de se diriger vers les ascenseurs.
J'étais littéralement abasourdie. Je pouvais à la limite comprendre qu'on me traite comme une putain au « Night'Shot », mais prononcer ces mots avec un tel sang-froid dans un couloir d'hôpital était d'un cran bien plus cruel.
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Hey guys
Nouveau chapitre! J'aime bien le rythme de publication que j'ai en ce moment à voir si j'arrive à le tenir.
Enfin bref.
Love🩶
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Laisse moi vivre
RomanceLondres la ville où le brouillard cache les secrets. Sarah Reyes vit dans la peur quotidienne d'être confronté à un homme. Pourtant, sa situation financière ne lui laisse d'autre choix que de travailler en tant qu'infirmière le jour, et dans un pub...