Chapitre 3 : Elysia, huit ans.

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"-Plus vite Ceridwen ! Il sera bientôt là ! m'écriais-je en me tortillant sur la chaise devant ma coiffeuse, ornée de figurines, témoins silencieuses de mon impatience.
-Elysia... M'avertit Morrigan, d'un ton doux mais ferme."

Ma cousine était assise sur mon lit, sa silhouette baignée par la lumière matinale, entourée par mes jouets d'enfant et les livres d'aventures éparpillés ça et là, reflets de mes passions et de mon insatiable curiosité. Elle observait la demi-spectre en train de se débattre pour essayer d'achever de natter mes boucles noires. Comprenant la menace sous-jacente dans le ton de Mor, j'inspirais un grand coup pour me contraindre à l'immobilité.

"-Pardon Ceridwen, m'excusais-je. Mais j'ai du mal à tenir en place.
-Ce n'est pas grave mademoiselle, répondit la sœur jumelle de Nuala. Voilà, c'est terminé."

Je la remerciais et elle quitta la pièce, me laissant seule avec Morrigan. Je sautais à bas de ma chaise, et elle me regardait de ses beaux yeux bruns, une lueur de fierté y brillait, lorsqu'elle réajusta une dernière fois la cuirasse Illyrienne flambant neuve que j'avais enfilée un peu plus tôt. C'était un cadeau de mon frère Rhysand pour mon huitième anniversaire qui avait eu lieu la veille.

"-La coutume en Illyrie veut que la mère pousse son fils sur le terrain d'entraînement et parte sans se retourner. Une chance pour nous que tu ne sois pas un garçon et que je ne sois pas Illyrienne. Je vais donc pouvoir assister, sans me couvrir de honte, à la raclée que tu ne vas pas manquer de coller à Cassian."
-Il faudrait déjà qu'il me laisse toucher à une épée aujourd'hui, répondis-je en riant. Il m'a prévenu qu'il faudrait d'abord faire tout un tas d'exercices d'assouplissement. Ça à l'air terriblement ennuyeux...
-Malheureusement, c'est une partie qu'il ne faut pas négliger. Comme tout le reste d'ailleurs. Tu apprendras ma chérie que toutes les batailles ne se gagnent pas l'arme à la main.
-Comment ça ? demandais-je en fronçant les sourcils. Rhys et Cassian sont toujours prêts à faire surgir leurs épées. Et Az ne se sépare jamais du Révélateur de Vérité.
-Ca c'est parce que ce sont des brutes Illyriennes, répondit Mor en riant. As-tu déjà vu Amren avec une arme, ou moi-même, en user d'une à la légère ?
-Non, dis-je après un instant de réflexion. Les yeux d'Amren suffisent à effrayer n'importe qui. Mais toi, tu as deux épées Seraphims dans ta chambre.
-Et j'espère ne pas avoir à m'en resservir avant très longtemps, continua-t-elle. Elysia, il y a des batailles qui se jouent en dehors des champs de guerre. Des jeux qui demandent plus d'intelligence et de ruse que de force brute, particulièrement pour nous autres femmes.
-Tu veux dire, comme ce jeu pas drôle auquel Rhysand me fait jouer à la Cour des Cauchemars ? Interrogeais-je en m'asseyant sur le lit à côté d'elle. Quand il me demande de me comporter comme une petite princesse capricieuse ? Alors que je suis punie si je le fais ici, à Vélaris.
-Tu comprends vite, acquiesça Mor, une lueur d'admiration dans le regard. Tu découvriras bien assez tôt qu'il ne s'agit pas d'un simple jeu. Ton frère a de nombreux ennemis à la Cité de Pierre et le masque que nous arborons là-bas est essentiel pour éviter que Rhys ait un jour à y réprimer une révolte dans le sang.
-Ce que tu essaie de m'expliquer, demandais-je en frissonnant légèrement, c'est qu'il faut qu'on se montre plus fort qu'eux ? Qu'on leur fasse peur ? C'est pour ça que Rhys, Cass, Az, Amren et toi vous avez l'air si... différents quand on va là-bas ?
-Exactement, et pour éviter qu'on en arrive à une répression armée, il faut qu'on se montre plus malin qu'eux. Pour l'instant tu n'es qu'une enfant. Mais tu comprendras vite en grandissant, qu'en tant que jeune fille, les Fae qui vivent là-bas te mépriseront. Ta parole n'aura aucune valeur, ils ne t'écouteront pas."

Pendant un bref instant j'eut l'impression de voir des ombres danser dans le regard de ma cousine. Mais elle repris :

"-Rhys veut qu'ils apprennent à te connaître et à te craindre autant que lui. L'apprentissage du combat est une part importante de ton éducation, mais tu dois aussi apprendre à te servir de ton intelligence. Un jour tu auras un rôle à part entière dans la Cour des Rêves. A ce moment-là, tu devras savoir quand parler, quand négocier et quand te battre."

Je hochais la tête d'un air grave. Je pris quelques instants pour réfléchir à tout ce que Morrigan venait de m'expliquer. J'aperçus mon reflet dans le miroir. Ceridwen avait attaché mes cheveux noirs dans une tresse serrée, j'avais les lèvres pincées, un signe de réflexion intense chez moi, et mes yeux, si semblables à ceux de Rhys, hormis qu'ils tiraient plus vers le bleu nuit que le violet, me renvoyaient une expression sérieuse. Depuis toujours je détestais nos visites à la Cité de Pierre, je trouvais les quelques cousins de mon âge que j'y fréquentais arrogants et inintéressant à côté des amis que j'avais à Vélaris. Mais à présent je comprenais mieux les raisons pour lesquelles nous devions nous y rendre. "Garde tes amis auprès de toi et tes ennemis encore plus près." J'avais lu ça dans un des livres qui traînaient justement au pied de mon lit. Je sentis un frisson remonter le long de mon échine.

"Mor, demandais-je doucement. Les ennemis de Rhys... Est-ce qu'ils pourraient venir ici ? Je veux dire à Vélaris ?
-La Cité des étoiles est protégée par une magie très puissante, celle de tes ancêtres. Aucune personne malveillante n'a pu y pénétrer en cinq mille ans. Ce n'est pas demain la veille que ton frère le permettra. Tu peux dormir sur tes deux oreilles ma chérie. Tu es en sécurité ici et nous te protégerons toujours."

Je lui sourit, rassurée par ses paroles. J'avais encore pleins de questions à propos de la Cour des Cauchemars, mais une voix retentissante jaillit de l'entrée de l'hôtel particulier.

"-Je suis là !"

Mon visage s'éclaira et je sautais de mon lit pour bondir littéralement hors de ma chambre. Je remontais le couloir de l'étage en courant avant de m'élancer dans les escaliers. Je sautais les dernières marches, en utilisant mes petites ailes pour planer jusque dans les bras du guerrier Illyrien qui m'attrapa au vol avant de me faire tournoyer dans des bras en riant.

"-Cassian !! Je suis prête à devenir ta meilleure élève ! M'écriais-je en riant avec lui.
-Voyez-vous ça, répondit-il d'un air amusé, avec une telle motivation, il est certain que tu vas rapidement dépasser le niveau de Morrigan, si elle continue de refuser de venir s'entraîner !"

Mor lui montra les dents depuis le haut de l'escalier, avant de lui adresser un geste obscène. Cassian ne la quitta pas des yeux alors qu'elle descendait l'escalier beaucoup plus lentement que moi, telle une reine, ses cheveux blond formant un halo doré.

"-J'ai à faire en ville. Je vous rejoindrai après sur le terrain d'entraînement. On verra alors si tu fais autant le fanfaron.
"-On peut y aller ?! Vous vous chercherez des noises plus tard ! m'exclamais-je trop impatiente pour les laisser se disputer plus longtemps.
-Si jeune et déjà rabat-joie, se moqua Cassian, tu passes trop de temps avec Amren, Elysia. D'accord, d'accord on y va. ajouta-t-il en me voyant mettre les mains sur mes hanches et mes yeux lancer des éclairs. Tu voles où tu préfères que je te porte ?
-Bien sur que je vais voler ! répondis-je. Je ne suis plus un bébé. Rhys dit que mes ailes sont assez fortes pour que je puisse voler jusqu'au Pavillon du Vent maintenant.
-Très bien, dit-il. Mais tu restes près de moi, pas comme la dernière fois.
-Il y avait un courant ascendant. Ce n'est pas de ma faute si t'es trop vieux pour me suivre, me moquai-je.
-Tu vas voir comme le "vieux" va t'en faire baver sur le terrain d'entraînement, s'exclama Cassian d'un air faussement menaçant. Allez en route jeune fille !"

Un moment plus tard, Cassian et moi-même nous élançâmes depuis le toit de l'hôtel particulier vers le Pavillon du Vent et son terrain d'entrainement. Vélaris bourdonnait d'activité et la Sidra brillait dans le soleil matinal. La vie était belle...

Un Pont de verre et d'étoiles (Fanfiction ACOTAR)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant