CHAPITRE VINGT-TROIS

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ILONA

Aujourd'hui est un jour assez particulier. Mon tuteur m'a proposé de manger avec lui afin d'échanger sur les écrits. J'ai immédiatement accepté et l'ai attendu jusqu'à la fin de sa réunion.

Je suis complètement stressée.

Assis sur sa chaise, il sort sa boite à lunch. Il m'adresse un grand sourire en sortant ses couverts avant de prendre la parole :

– Alors Ilona ? Comment s'est passé ta matinée ? Comment c'était avec les infirmières ?

– C'est aller... je réponds en haussant les épaules.

Il fronce les sourcils et m'interroge du regard.

– Tu as rencontré des difficultés ?

– Bah disons que... Certaines n'ont pas été très sympa avec moi. Mais j'ai pu gérer.

– Je suis vraiment désolé de t'avoir abandonné comme ça, Ilona. Mais je ne pouvais pas me permettre d'inclure une aussi jeune stagiaire que toi.

– Ne vous en faites pas... Je comprends... dis-je pour le rassurer.

Il sourit et nous continuons de parler tranquillement. Je peux sentir certains regards se tourner vers nous, des soignants qui nous dévisagent. Je tente de faire comme si tout allait bien, mais je sais qu'on voit mon malaise de loin.

Nous en arrivons assez rapidement au sujet de mes écrits. Il avale une gorgée d'eau avant de dire :

– Tu as réussi à t'avancer ?

– Oui... J'ai terminé la première partie. Cette semaine, je vais débuter sur la seconde. Je voudrais lire aussi le dossier médical plus en détail de Hugo...

Il hoche la tête en souriant un peu plus.

– Tu auras certainement besoin d'une heure ou deux pour toi dans une journée.

– Evidemment... Mais je ne sais pas quand est-ce que je vais pouvoir placer ces petits horaires... je souffle en grimaçant.

– Ne t'inquiète pas ! Dès que tu veux prendre un moment dans la journée pour travailler sur tes écrits, fonce ! Tu te montres très autonome et je t'en félicite !

Je sens progressivement le rouge colorer mes joues. Je lâche un petit rire niais avant de continuer de manger.

– Merci docteur... je bafouille en jouant nerveusement avec mes doigts.

– Tu n'as pas à me remercier, Ilona. C'est ce que je pense vraiment. Je crois que c'est la première fois que je suis référent d'une élève aussi motivée. On sent que tu as envie de bien faire. Tu te montres vraiment proche du métier comme auprès des patients que tu prends en charge.

Mon sourire s'agrandit, aucun mot ne sort de ma bouche. J'ai envie de pleurer, j'ai l'impression que je vais craquer face à tous ces mots qui réchauffent autant mon cœur.

Une larme roule le long de ma joue mais l'essuie d'un coup de manche. Je relève la tête vers lui, les yeux mouillés de larmes. Un sourire triste s'affiche sur son visage. Il finit par me demander :

– Pourquoi pleure-tu, Ilona ?

– Non ce... Ce n'est rien... Juste un peu de fatigue je pense...

– C'est peut-être un peu indiscret ce que je vais te demander, Ilona mais... Comment te sens-tu ? Vraiment ?

J'ai une terrible envie de lui dire que tout va bien. Mais ma petite voix intérieure me demande de lui dire la vérité. Un match complexe entre mon cœur et ma tête.

Et mon esprit remporte tout et j'avoue tout.

Je ne peux plus m'arrêter. Je lui parle de mes soucis de sommeil, de mon obsession toutes les nuits de vouloir travailler mes écrits jusqu'à en oublier de dormir. Je garde pour moi mes véritables soucis... Ceux qui me hantent le jour comme la nuit, de ma crainte d'un renouveau dans tous les sens du terme.

Du début à la fin, il m'écoute. Il ne dit rien, ne m'interrompt pas.

Mon récit terminé, un torrent de larmes coule sur mes joues. Je prends mon visage entre mes mains et me cache de tout regards. On me tend un mouchoir que je prends en reniflant.

Je relève mon regard vers le docteur qui se montre très inquiet.

– Tu te sens mieux ? me demande-t-il.

J'hoche la tête et reprends lentement ma respiration. Quelques personnes présentes dans le réfectoire nous dévisagent. Le silence règne dans la grande salle. Mais petit à petit, les discussions reviennent.

– Je suis vraiment désolée... dis-je d'une voix presque inaudible.

– Ce n'est rien, d'accord ? Cette discussion reste entre toi et moi. Tout le monde a le droit d'avoir des coups de mou. Parler est important pour comprendre l'autre quand elle est à bout. Tu devrais faire la même chose dans le milieu du travail. Communiquer est très important, surtout quand tu sens que ça ne va pas.

J'hoche la tête et essuie progressivement mes larmes. Mon sourire se dessine sur mon visage. Mon tuteur lâche mes mains avant de prendre une grande gorgée d'eau.

– Merci... je souffle doucement.

Son sourire s'agrandit.

Puis je remarque dans son regard quelque chose de... Triste.

Comme si me voir pleurer lui provoque de la tristesse.

Je ne dis rien et commence à jouer avec la nourriture dans mon assiette.

– Je sais que tu es très forte, Ilona. Mais ne t'en rends pas malade... Tu m'entends ? me dit-il.

J'hoche la tête de nouveau sans rien ajouter. Mon sourire est toujours inscrit sur mon visage. Au fond, c'est un torrent de questions qui commence à s'agglutiner dans mon esprit.

Le reste du repas se finit dans le silence. Je sens comme une tension, une tristesse palpable venant de sa part.

Qu'est-ce qui peut bien lui arriver ? Est-ce que j'ai touché un point sensible ?

Qu'est-ce qui peut bien lui arriver ? Est-ce que j'ai touché un point sensible ?

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Pour toi mon cœur [Second Jet]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant