Les coups partent seuls, à la volée, sans que je ne commande quoi que ce soit. Mon adversaire, un jeune grec de mon âge muni d'une épée courte et d'un bouclier rond transpire à grosses gouttes. Mon épée est légèrement plus longue mais plus fine, m'obligeant à travailler le corps à corps plus que d'ordinaire. Mon arme de prédilection, c'est la lance, ce que les romains appellent le pilum.
Je ne suis pas de leur monde. Je suis un trophée de César après sa victoire contre mon père, le grand Vercingétorix. Il ne lui a pas fallu longtemps pour voir mon potentiel de guerrière. Malgré mon corps amaigri, mes muscles flasques à cause du manque de nourriture à Alésia, il a tout de suite vu. Même si je me suis cachée derrière mon père lorsqu'il s'est rendu, César a senti la rage qui animait mon regard, du haut de mes quatorze ans à l'époque.
Le grand combat a lieu dans quelques heures. Celui où je pourrais gagner ma liberté si je triomphe la mort. Mon ravisseur a mis longtemps à prendre cette décision. Il ne veut pas perdre son meilleur élément, même si c'est une fille, et qui plus est la seule gladiatrice de l'Empire. Ce sera un combat inégal. Trois hommes et un lion contre moi, attachée par une chaîne à la cheville droite. C'est mon pied d'appui, ce qui corsera la difficulté, et qui fera crier la foule.
Je suis maître dans mon art, je donne la mort à tous ceux qui passent sous le fil de ma lame. C'est mon père qui m'a tout appris. Je le remercie intérieurement à chaque fois que je terrasse un adversaire, comme là, la pointe de l'épée en bois sur sa gorge, un pied sur sa poitrine haletante.
Le maître du ludus me fait comprendre que le combat est terminé. Comme si je n'avais que traversé une rue, je jette mes armes au sol, fais rouler mes épaules à peine chaudes avant d'aller aux cuisines.
Mon ventre gargouille si fort que je n'entends pas César arriver derrière moi, trop occupée à manger ma tartine de poissons. Malgré le pain rassis, ce n'est pas si mauvais :
- Je t'ai vu te battre à de nombreuses reprises mais ce matin tu t'es surpassée. C'est bien. Je vois que Cassius t'a beaucoup appris.
Je ne me retourne même pas vers lui, de peur de salir son visage d'ange avec mes propos :
- Il ne m'a rien appris, c'est mon père qui m'a tout enseigné. D'ailleurs, vous ne m'avez pas dit, il a crié ou il vous a craché au visage quand vous l'avez tué ?
- Surveille ton langage, jeune fille. Dois-je te rappeler ce que tu es ?
- Bientôt libre, voilà ce que je suis. Je prends de l'avance, je m'entraîne !
Un petit regard espiègle avant de m'éclipser, et je suis certaine qu'à ce moment précis, il regrette sa décision.
XXX
La Lune est à son paroxysme quand je me réveille, en sueur. Le cliquetis de ma chaîne brise le silence nocturne. Dans ma cellule, seule la petite fenêtre éclaire un carré au sol, à pieds, mettant en évidence le bracelet à ma cheville. Il n'y a que lorsque je me bats que je suis libre. César a tellement peur que l'on me rapte ou me tue dans un moment lambda que je suis constamment attachée à quelque chose, Sauf que maintenant, il n'y a pas que le cliquetis de la chaîne, mais aussi celui d'une clé dans une serrure.
Ma porte s'ouvre sur une jeune silhouette. Un homme. Il s'approche de moi, je recule le maximum que ma chaîne me le permet mais il s'agenouille à la lumière :
- Auguste.
Le fils bâtard du meurtrier de mon père. Son regard pétille, le bleu étincelant au clair de Lune :
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Toi.
Il marque un temps d'arrêt avant d'ajouter :
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Recueil de nouvelles
Short Story1- Le dernier combat: Livia est la fille de Vercingétorix et Jules César l'a récupérée pour en faire une gladiatrice hors pair. Va-t-elle survivre à ce qu'il lui prépare ?