Chapitre 36 : Combler le vide

32 2 2
                                    


Je me réveille en sursaut. Les draps collent à ma peau humide. La tête encore embrumée, je sors sur mon balcon duquel je peux garder un œil sur la rue endormie, même les lampadaires sont éteints. La nuit est calme dans le quartier contrastant avec la guerre qui fait rage dans ma tête.

Le soleil n'est pas encore levé, les étoiles dominent toujours le ciel et garderont leurs places encore quelques heures. Les regarder est une pure torture que je m'inflige chaque nuit depuis une semaine. Après chaque cauchemar, je viens les observer jusqu'à que le soleil chasse leur air moqueur pour me baigner de sa chaleur réconfortante.

Le vrombissement d'une moto résonne dans les rues désertes et me fait frissonner. Le souvenir de la sensation de voler me parvient. Je revoie les vagues sur ma gauche, le sourire d'Ace dans le rétro. Je ressens le vent dans mes cheveux, sa main contre ma cuisse. Le parfum de la mer me revient, celui du millionnaire aussi. J'entends le clapotis des vagues, sa voix rassurante. Je me remémore le goût de la glace qui fond sur ma langue, la bouche d'Ace contre la mienne. Et je soupire tout en essuyant mes joues humides du dos de la main. J'aimerai retourner à ce moment-là et effacer tous les jours suivants pour réécrire la suite.


Les premiers rayons du soleil me lèchent le visage mais je ne bouge toujours pas. N'ayant plus aucun travail qui m'oblige à sortir, je n'ai plus de quoi occuper mes journées. Elles se résument donc à une attente interminable. Chaque jour, j'attends que la nuit tombe pour rejoindre l'entrepôt même si les courses ne me soulagent plus. Elles ne comblent pas ce trou dans ma poitrine d'où suinte une colère noire.


La chaleur devient étouffante. Le soleil enflamme ma peau. Le quartier est réveillé depuis plusieurs heures chassant le calme de la nuit. L'amant de ma voisine a eu le temps de venir, faire ses affaires et repartir sans que je ne bouge d'un pouce. Perdu dans mes pensées, je ne vois pas la voiture se garer dans mon allée malgré le ronronnement assourdissant de son moteur.

— Raiponce ! Lance-moi ta belle chevelure !

Je sursaute. Mon regard tombe dans celui de mon meilleur ami en contrebas. Il me juge sans s'en cacher et je le comprends, je fais peur à voir.

— Est-ce qu'un jour tu vas te décider à quitter ta tour Princesse ?

— Ça dépend si tu m'emmènes voir les lanternes.

— Je peux t'emmener voir une Aston Martin DB5.

Mon sourire s'évanouie aussitôt. Ma poitrine se serre malgré moi. Je déteste à quel point chaque chose me ramène à lui.

— Oh. La voiture de James Bond, je réponds d'un ton faussement enthousiaste.

— Tu as dix minutes pour te préparer. Je t'attends au garage.

J'hoche la tête et m'enferme dans ma salle de bain. Je prends une grande inspiration. Pas à pas, Eyana. Tu dois commencer par sortir de chez toi. C'est ce que j'essaie de me répéter pendant ma douche. L'eau me brule la peau la faisant rougir. J'essaie de cacher les dernières traces de ma nuit mouvementée avec un peu de maquillage. Mais malgré tous mes efforts, mes yeux restent gonflés et rougis par mes pleures et mon corps est amincie ; mes cuisses ne se touchent plus, mon ventre ne présente plus son bombement habituel et mes joues semblent creuser. Si tu ne manges pas, le moindre coup de vent va t'emporter en Antarctique. Je laisse échapper un rire grinçant.

Je m'habille à la va-vite pour me cacher de cette vue, personne ne voudrait voir ça, et sors de la salle d'eau.

Une douce brise fait voler mes rideaux. J'allais fermer la fenêtre quand mon regard s'arrête sur un petit objet orange sur le sol. C'est une flèche à ventouse entouré d'un papier blanc. Elle doit sans nul doute appartenir aux enfants de mes voisins. Je l'attrape avec pour objectif de leur rendre. Cependant, la rue est calme, et à cette heure les enfants doivent être en train de dormir puisqu'ils sont en vacances comme je le faisais à leur âge. 

Hasta la muerte (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant