Chapitre 20 - Anna

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Avant d'être proposé à un éditeur, un texte doit passer par un correcteur professionnel, un "beta lecteur" indépendant qui relit, indique les erreurs de syntaxe, d'accords, de conjugaisons, de temps, mais aussi les redites, les mots faibles, les problèmes de cohérence et toutes les autres erreurs à reprendre avant d'être édité.

Le premier roman, le polar de François, avait fait un sans faute et n'avait pas eu besoin de réécriture. Il avait déjà beaucoup été apprécié par Anna, la beta lectrice d'Emile. Il avait été publié très vite sous son nom à lui et avait très bien fonctionné...

...Mais Anna trouvait son style si nouveau, si romantique et si percutant pour un roman policier qu'elle ne pouvait pas croire que c'était écrit de la main d'Emile !!

Le deuxième roman attira encore plus l'attention d'Anna avec ces trois petits poèmes codés qui semblaient crier à l'aide.

Elle fut piquée au vif. Elle devait comprendre ce que cela voulait dire.

Elle connaissait "GéGé" ("J'ai...j'ai").

Elle connaissait l'existence de la cave à vin dans la bouquinerie (lors d'une soirée arrosée !)

Elle avait compris les mots "chaînes", "sang", "manque d'air", le niveau "-1" C'était le sous sol ! la cave !

Plus elle lisait, plus elle ressentait l'effroi de ce qu'elle comprenait.
Elle éprouvait pour lui de l'empathie, de la peur pour ce qui pourrait lui arriver dans cette cave, et beaucoup d'affection pour cet auteur, ce magicien des mots, ce créateur de génie, cet être à part. Elle voulait le sauver et apprendre à le connaître mieux !

Elle voulait agir.

Il lui fallait un plan.

Elle, une correctrice professionnelle pouvait très bien aller voir simplement le bouquiniste sans lui mettre la puce à l'oreille ! Ce serait une simple visite de courtoisie, polie, juste pour parler de l'édition du dernier best-seller d'Émile ! Et elle en profiterait pour trouver et libérer l'élu se son cœur.

Elle appela GéGé au téléphone et proposa une visite informelle.

Gérard refusa net.
Il expliqua qu'Emile et lui-même étaient très occupés ! Aucune fête et aucun rendez-vous ne seraient possibles avant un long moment.

Anna se fit presque raccrocher au nez. C'était vraiment étrange un tel comportement ! Normalement n'importe quel auteur serait ravi de fêter son futur chef d'œuvre.

Mais là il y avait anguille sous roche...

Anna était une jeune beauté slave. Des yeux bleus en amandes, une bouche pulpeuse, une belle chevelure blonde brillante. Une véritable poupée russe ! Elle avait 25 ans. Elle était très soignée, très bien maquillée, avec beaucoup de charme. Elle était très romantique. L'amour pour elle était très sérieux, très fort, très puissant. Elle donnerait sa vie pour l'homme qu'elle aime !

Et c'est pourquoi elle était prête à tout pour ce François qu'elle ne connaissait pas encore et qui croupissait dans cette vieille cave infecte.

Elle parlait très bien français et son travail de bêta lectrice était pour elle un hommage à cette langue magnifique et une main tendue vers tous les écrivains en devenir. Mais pour l'heure c'était surtout vers cet écrivain là qu'elle voulait tendre la main.

Il lui fallait une idée pour entrer dans la bouquinerie, trouver ce prisonnier et le libérer des griffes du grand méchant Gérard !

Son âme d'aventurière était excitée. Elle avait l'impression de vivre enfin comme une héroïne de ses romans d'aventures !

Elle passa devant la librairie, la nuit, à pied, discrètement, pour voir les alentours. Elle se faufila entre les ruelles comme un ninja, cherchant une entrée secondaire, mais ne trouva rien. Elle s'était habillée tout en noir et avait cachée sa chevelure blonde éclatante sous un bonnet noir lui aussi. Elle vit en arrivant près de la cible qu'une petite fenêtre était restée ouverte, derrière, à l'étage.

C'était la seule entrée possible !

Elle observa bien le mur et se dit que, en grimpant sur ce muret et en sautant sur ce rebord puis en s'accrochant ici....si tout se passe bien, ça devrait marcher !

Elle était en transe, entre la joie extrême de vivre cette aventure réelle qui la sortait de son quotidien livresque, et la peur qui lui glaçait le sang de ce qui l'attendait là haut...elle allait monter.

Elle commença à grimper...

Elle sauta sur une poubelle gelée. Cela fit un crissement qui déchira le silence de la nuit. Elle s'arrêta net. Elle entendit immédiatement quelqu'un marcher à l'intérieur, une porte s'ouvrir et une personne descendre lourdement un escalier. Elle était figée de terreur. Elle attendit....immobile...tapie dans l'ombre. De peur de se faire repérer, elle bougeait au ralenti.
Il lui fallait encore atteindre la fenêtre à 3 mètres au dessus d'elle. Elle avait repéré un vieux tuyau d'évacuation qui descendait du toit. Était-il assez solide pour que la diablesse en noir s'y agrippe ?
Il fallait qu'elle le tente, même au péril de sa vie. Une petite corniche avec un tout petit rebord semblait accessible et en se hissant jusque là, elle pouvait s'accrocher et grimper au tuyau.

Il n'y avait plus de bruit. La lumière venait de s'éteindre à la petite fenêtre du bureau. Elle pouvait reprendre son ascension.
Elle sauta et s'agrippa comme un chat. Elle réussit à s'accrocher au tuyau en métal qui datait d'avant-guerre. Elle commença à y monter pour se rapprocher de la petite fenêtre entr'ouverte. Le tuyau grinçait à chaque mouvement d'un petit son aigu que la ville entière pouvait entendre ! Elle ne pouvait pas l'empêcher. Il fallait qu'elle fasse vite avant que le propriétaire ne vienne voir qui était la mouche du coche. Elle tremblait de partout, la sueur perlait de son front, son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle arriva enfin à monter jusqu'en haut et se glissa à l'intérieur de la pièce encore sombre, avec une souplesse et une agilité félines.

Soudain, quelqu'un alluma la lumière !

MONTEZ ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant