Eugénie (en pause)

Chapitre 12 : La nouvelle voix de l'Opéra

     Daisy avait toujours rêvé d'entrer au moins une fois à l'intérieur du célèbre opéra Garnier. La splendeur du lieu l'avait toujours fait rêver et, après en avoir rapidement arpenté le hall avec Mathias lors de l'une de leurs escapades, elle n'avait pu s'empêcher de se languir des voix fabuleuses qu'il lui semblait entendre et des chants célèbres qui leur parvenaient, écho fluet qui enflammait l'imagination de la jeune femme.

     Ce soir-là, Daisy et la famille Delcourt entrèrent dans le grand monument en invités et furent tout de suite accueillit par un valet qui les conduisit à leur loge. Daisy n'avait même pas imaginé que la famille eut une loge privée et cela l'enchanta tout en la mettant assez mal à l'aise. Après tout, elle n'était qu'une invitée dans la grande famille, pouvait-elle réellement se tenir auprès d'eux à cette place si prisée ? Déjà qu'Hélène et les filles avaient insisté pour la vêtir à nouveau comme une princesse, cet honneur lui semblait de trop.

     Mais une fois installée, Daisy oublia pour de bon toutes ses interrogations et sa culpabilité car, juste en bas entre la corbeille bondée et la scène, l'orchestre se préparait. Des lorgnettes leur furent distribuées et bientôt les lumières se tamisèrent. Le silence se fit complet dans la grande salle et, alors que le grand rideau rouge se levait, l'orchestre entama les premières notes.

     Sur la scène apparut alors Francesca, parée de sa plus belle robe de soie pourpre et si belle qu'on eut dit une véritable nymphe de la musique. Ses cheveux avaient été ramené sur son épaule en une très longue cascade de boucles châtaines tandis que sur son front, trônait une couronne de feuilles dorées. Mais le plus beau fut encore quand elle chanta, car sa voix, comme l'avait dit Mathias, était sans aucun doute la plus belle de France, tout en douceur et en puissance, parlant aux âmes comme aux cœurs, une bénédiction des cieux, une voix d'ange.

     Tout le monde était d'accord sur ce fait, Francesca n'avait pas volé sa renommée et même Louise, aussi agacée qu'elle put l'être par la splendide chanteuse, dut se rendre à l'évidence. Elle laissa de côté et pour de bon mesquinerie et rancœur pour une fascination toute nouvelle. La voir ainsi se pencher en avant, les yeux brillant d'admiration, fit autant sourire Daisy qu'Hélène.

     Quand le concert toucha à sa fin, les applaudissements explosèrent dans toute la salle. Francesca fut ovationnée au-delà de ses espoirs les plus fous. Depuis leur balcon, Daisy et les Delcourt ne purent rater le rouge qui montait aux joues de la chanteuse et l'émotion qui faisait briller ses yeux. Des roses lui furent jeté, des dizaines, des centaines même, recouvrant la quasi-totalité de la scène de pétales écarlates. Au milieu de tout cela, Francesca semblait au comble du bonheur et s'inclina bien bas, remerciant son public avec un sourire immense avant que ne tombe sur elle l'épais rideau rouge.

     Dans la corbeille, les spectateurs commençaient déjà à s'en aller quand un valet vint chercher Daisy et les Delcourt pour les conduire dans les coulisses. L'endroit était immense, plein d'artistes et de techniciens courant partout. Daisy fut fascinée par les nombreux décors et costumes d'opéra et de théâtre qui défilèrent sous ses yeux, attendant patiemment leur tour de monter sur scène. En voyant une petite troupe de danseuses les dépasser, elle songea que revenir voir un ballet en compagnie de Mathias ou des Delcourt serait une charmante idée.

     Le valet progressait avec assurance au milieu de cette effervescence et les guida bien vite jusqu'à un petit couloir où s'alignait des loges privées. À l'intérieur, Francesca recevait les compliments d'autres artistes alors qu'elle retirait couronnes dorée et accessoires. En découvrant ses visiteurs, elle bondit presque de son siège pour les saluer.

     – C'était merveilleux ! s'exclama Louise avant tout le monde en tendant un bouquet de fleurs à la chanteuse.

     Les yeux de Francesca s'illuminèrent sous la pluie de compliments qui vint ensuite, serrant avec reconnaissance et bonheur l'imposant bouquet qu'on lui avait offert.