Chapitre 1

12.4K 389 38
                                    

— Je n'aime pas cette idée !

— Ne t'inquiète pas, j'ai tout organisé. Tout se passera très bien.

Élisabeth emprunte ce ton rassurant et mielleux dans lequel je n'ai aucune confiance. Faisant mine d'ignorer ma mauvaise humeur, elle arrange l'une de ses mèches blondes qui s'est détachée de son chignon impeccable, puis fait glisser son index le long de sa lèvre supérieure pour corriger son rouge à lèvres rose foncé.

— J'ai très bien choisi, ajoute-t-elle en m'offrant un sourire blanc de blanc dans le miroir.

Je détourne mon regard vers la baie vitrée et me concentre sur les buildings qui me font face. La lumière du soleil miroite et se reflète contre toutes les fenêtres, me renvoyant un éclat blanc aveuglant. Je pousse un profond soupir en m'enfonçant dans mon fauteuil.

— Tu dis toujours que tu n'as pas le temps de t'en occuper. Sois satisfaite. Je l'ai fait pour toi, me dit-elle en s'approchant de mon bureau.

Elle pose les deux mains à plat sur le merisier, puis se fend d'un large sourire.

— Satisfaite ou remboursée, je te le promets.

— Tu as intérêt, je réponds d'un ton mordant, avant d'appuyer sur le bouton on de mon pc, sinon amie ou non, je serai contrainte de me passer des services d'une secrétaire autrefois irréprochable.

— Je suis la meilleure dans ma partie, me lance-t-elle. Tu ne trouverais jamais mieux. Tu connais beaucoup de personnes que tu peux appeler durant la nuit, à des heures indues, juste parce que Madame a des angoisses nocturnes ?

— Je n'ai pas d'angoisses nocturnes, je proteste.

— Eh bien, parce que tu t'ennuies, si tu préfères.

— Je ne m'ennuie jamais, je réponds sans la regarder, faisant défiler la longue liste de mails qui m'attend pour l'après-midi.

Elle se rogne un ongle, puis pousse un soupir :

— Béni, fais-moi plaisir : sois gentille ce soir.

— Je suis toujours gentille, je grogne machinalement en plissant les yeux sur un message qui retarde de deux jours un rendez-vous important. Lester décale encore.

Elle a un geste de la main.

— Je le rappellerai. Ne te soucie pas de ça aujourd'hui.

— Très bien, je te fais confiance.

— Mais sois gentille !

— Tu m'énerves, Élisabeth ! Va travailler au lieu de me parler d'un sujet qui m'horripile, mieux, qui me donne de l'urticaire.

Elle prend une profonde inspiration et relâche ses poumons.

— Très bien, fais comme tu veux, espèce de patronne ingrate et frigide !

— Si tu continues, je retiendrais 1% de ton salaire à chaque fois que tu m'insulteras. »

Je lui envoie mon sourire « je prélève 2% si tu crois que je bluffe ». Elle agite la main comme un éventail, puis me lance en s'éloignant :

— Si tu fais ça, je dis à Lester que t'es prête à coucher avec lui pour débloquer les crédits.

— M'oblige pas à te virer, je grogne en tapant un mail rapidement.

— Comme si tu pouvais te passer de moi ! me lance-t-elle en refermant la porte.

La tornade Élisabeth étant partie, le silence avale mon bureau, me permettant de me recentrer sur les vrais problèmes à venir : trois commandes en attente à gérer, un brief cet après-midi avec les gars du marketing, un rapport à rédiger, et je dois être prête pour 20 heures. Je me mets au boulot sans tarder, épluche les dossiers en cours, reçois deux appels d'Élisabeth pour me prévenir qu'elle n'arrive pas à joindre Lester. Je me dépêche de me rendre à ma réunion, écoute les idées des uns et des autres, examine des graphiques en tout genre et des diaporamas, fais mine de ne pas m'ennuyer et constate à quel point j'excelle dans les faux sourires émail diamant. Je retourne à mon bureau, travaille sur mes papiers, passe quelques coups de fil. Je prends le temps de faire une pause cigarette dans la cage d'escalier, même si je n'en ai absolument pas le droit, puis je prends une douche dans mon bureau et enfile une tenue de cocktail qu'Élisabeth a fait livrer tout exprès pour ma soirée.

Love Business - Black Ink éditionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant