Chapitre 22 - In Vino Veritas

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Anna se sentait invincible d'avoir effrayé le bouledogue de service !
Comme si elle avait terrassé le Cerbère à trois têtes de la porte des Enfers alors que la porte du sous-sol était au contraire, pour elle comme pour son bien aimé,  celle de l'Eden !

Elle vit que la clef était restée sur la serrure et elle trouva cela aussi  bête que le propriétaire ! Elle poussa la lourde porte hermétique de cette ancienne cave à vins qui sentait fort tous les parfums de la vigne française. Dans cette buvette minable, au milieu de toutes ces bouteilles, Anna ne put s'empêcher d'avoir en tête les paroles de Balavoine et de les adapter à la situation:

"comme une bouteille jetée
à la mer (...)
c'est le SOS d'un écrivain en détresse
qui n'avait jamais les pieds
sur terre
qui était toujours mal dans sa peau
et aurait préféré être un oiseau, 
Pour voir le monde à l'envers
Plus beau, vu d'en haut,
Qui a toujours confondu la vie
Avec les bandes dessinées,
Qui, au grand loto de l'univers
Avait pas tiré l'bon numéro
Qui voulait pas être un robot
Métro-boulot-dodo
Qui croyait capter des ondes
Venues d'un autre monde
(...)
Et tous les cris, les SOS
écrits avec de l'air,
Elle a ramassé les bouts de verre,
recollé tous les morceaux
Tout était clair comme de l'eau.
(...)
Contre le passé y a rien à faire
Il faudrait changer les héros
Dans un monde où le plus beau
Reste à faire."

Anna fredonnait souvent des chansons ! C'était son truc ! Son habitude !
François se parlait tandis que Anna, elle, chantait ! Ça l'aidait à se calmer.

À pas de loup, elle descendit les marches grinçantes de l'escalier en bois qui menait jusqu'à la cave.

Arrivée en bas, elle trouva enfin celui qui était à la hauteur de toutes ses attentes, qui parlait à son cœur, celui pour qui elle risquait sa propre vie sans hésiter, son auteur préféré, et, sans aucun doute, l'homme de sa vie !

La joie d'Anna fit place à la panique quand elle le vit attaché comme un chien, éreinté, assoiffé, affamé, sans énergie et bientôt sans souffle et sans vie.

Il était peut-être même déjà trop tard...

François était comme mourant.
Il ne pouvait même plus parler.
Il ne réagissait presque plus. Son regard était vide, hagard.

Elle devait le détacher et l'amener  au plus vite à l'hôpital.

Les lourdes chaînes étaient tenues par un énorme cadenas.

La clé ? Où est la clé ? Bon sang  elle ne serait pas avec la clé d'en haut par hasard ? se questionna rageusement Anna.

Elle remonta l'escalier en trombe, ce qui le faisait craquait comme un vieux rafiot sur une mer déchaînée mais elle n'avait plus peur de faire du bruit. Elle vérifia le trousseau mais il n'y avait pas d'autre clé ! Elle voulait crier de rage mais aucun son ne sortit de sa bouche ! Elle marmonna :

Ahhhh ! Bon sang ! où est cette fichue clé ?

Gérard fit du bruit à l'étage...

Et soudain il surgit à la porte de son bureau, un couteau à la main !

— Ahh ! Je savais bien que c'était pas des fantômes ! Attends que je vienne te découper en morceaux,  sale voleur !

Anna perdit tous ses moyens et cria de peur en voyant cette masse informe dévaler l'escalier en rage, en brandissant sa lame qui brillait à la lueur pâle de la lune.

Mais, dans sa précipitation et sa hargne, Gérard manqua une marche, celle-là même que François et Anna avaient manquée et qui avait failli leur coûter la vie.

Gérard se fracassa la colonne et la nuque dans un bruit horrible de craquements d'os, et finit par s'écrouler sur la dernière marche, tout en bas de l'escalier en marbre, son couteau planté dans le ventre.

Il était mort.

Anna, stupéfaite, et encore transie de terreur, alla voir le corps. Il ne respirait plus. C'en était fini du taulier de la bouquinerie "Ivre de livres".

Anna se ressaisit et lui jeta sans vergogne :

— Bien fait mon salaud !

Elle repensa avec sang froid à sa mission :  trouver la clé du cadenas.

Elle grimpa l'escalier mortel avec l'agilité et la vitesse d'une tigresse. Une fois dans la mansarde du défunt, elle fouilla toutes les armoires et retourna chaque tiroir, et trouva finalement dans l'un d'eux plusieurs clés ! Des grosses, des petites, des rouges, des vertes, des bleues, des anciennes, des très modernes. Bref, elle en avait trop !

"C'est quoi toutes ces clés ?" se demanda-t-elle.

Elle les prit toutes et dévala les marches en évitant la chute et en sautant le corps encore chaud comme un gazelle pour filer vers la cave.

Ça devenait urgent ! L'état de santé de François était préoccupant.
Il était entre la vie et la mort...

Soudain elle s'arrêta net dans son élan. Une voiture s'était arrêtée devant la boutique et elle entendit le frein à main se serrer.

Qui pouvait bien arriver au milieu de la nuit ? Cela ne pouvait être qu'Émile ! Gerard avait dû le prévenir quand il s'était réfugié là haut !

Le stress reprit le cœur d'Anna et la pétrifia un instant.

Elle descendit d'une traite vers le condamné et commença vite à essayer toutes les clés qu'elle avait alors que quelqu'un arrivait !

La première ne donna rien.
Elle entendit une portière claquer.
Elle essaya d'une main tremblante une seconde clé. Des bruits en haut se rapprochaient et se faisaient plus pressants. Elle tenta une troisième clé. Toujours rien !

"Ahh ! Mais c'est pas vrai !" cria Anna.

Elle essaya vite une quatrième clé mais cela ne donnait toujours rien.

Quelqu'un là haut venait d'ouvrir la grande porte de la librairie ! Et Anna cherchait toujours à détacher les chaînes de François.

Elle essaya une cinquième clé mais dans sa brusquerie elle fit tomber toutes les clés par terre.

Elles étaient toutes éparpillés sur le sol de la cave, au milieu des détritus et dans une pénombre épaisse.

Soudain quelqu'un ouvrit d'un coup de pied violent la porte de la cave. Une silhouette effroyable apparut !

Sous le choc, Anna perdit connaissance.

MONTEZ ! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant