61| L'éternité nous attend

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UN AN PLUS TARD

Elisabeth

— J'ai mal aux jambes, se plaint Rania, épuisée par la montée abrute du petit sentier qui mène au cimetière surplombant la ville. 

— Arrête de faire ta chochotte, Rania. Allez, on y est presque, retoqué-je en riant lorsque j'aperçois ses joues rouges par l'effort. 

Lorsque finalement j'aperçois la pierre tombale de ma meilleure amie, je pousse un soupir de soulagement teinté de mélancolie. Ça faisait bien trop longtemps que je n'étais pas venue et c'est la première fois que j'ose j'emmène Rania avec moi de ce côté du cimetière.  Jusqu'ici, je n'avais jamais trouvé le courage de venir avec elle. La dernière année qui s'est écoulée est passée tellement vite et tant de choses se sont produites que je n'ai pas trouvé le temps de lui rendre visite. 

— Enfin ! souffle Rania.

Elle s'effondre sur l'herbe, sous l'ombre du chêne. Il faut que cette petite travaille son cardio. Je ne peux m'empêcher de sourire et la suis, étalant une grande nappe avec précaution en dessous de nous pour nous protéger de l'humidité du sol. Je sors ensuite quelques snacks que j'ai soigneusement préparé plus tôt dans la matinée, les disposant devant Rania qui, sans attendre, se jette dessus. Si j'ai bien appris quelque chose concernant ma fille c'est qu'elle a tout le temps faim alors maintenant je ne sors pas sans quelque chose à lui mettre sous la dent, au risque qu'elle fasse de moi son quatre heures.

— Maintenant qu'on est là, je peux savoir ce qu'on fait là, maman ?  demande-t-elle, la bouche à moitié pleine, son regard baladant curieusement autour d'elle avant de se fixer sur la pierre tombale de Mary.

— Mary Patterson ? lit-elle, penchant la tête sur le côté. C'est la sœur de Papa ? Celle dans les photos à la maison ? 

Je hoche la tête en souriant, regardant la photo posée à côté. Une photo de Mary lors de son dernier anniversaire. 

— Wow, elle ressemble beaucoup à Papa, s'exclame-t-elle.

— Et tu lui ressembles beaucoup aussi, lui dis-je aussi tendrement. 

Plus les mois passent, plus je vois en Rania une petite Mary, avec cette même étincelle de vie dans les yeux.

— C'est après elle que je t'ai appelée Mary, tu sais ? 

Lorsque j'ai toute son attention, je profite de ce moment de calme pour lui raconter l'histoire de sa tante, de notre amitié, et de sa bataille contre la maladie qui nous à séparées.

— Ça veut dire, qu'elle était malade comme toi ? 

J'acquiesce, la gorge serrée par l'émotion. 

— Elle l'était, et malheureusement, elle n'a pas survécu 

Les yeux de Rania se remplissent de larmes. Elle regarde la tombe de Mary, puis me fixe avec une intensité qui me transperce le cœur. 

— Hé, ça va aller, murmuré-je, en l'attirant doucement dans mes bras. 

Son corps tremble contre le mien alors qu'elle laisse échapper des sanglots étouffés, sa tête nichée dans le creux de mon épaule.

— Pourquoi tu pleures, petit ange ? 

— Toi aussi, tu aurais pu mourir, articule-t-elle entre deux sanglots. 

Je caresse son dos, tentant de rassurer sa crise de pleurs. C'est une peur qu'elle garde enfouie, une peur que même moi, j'ai parfois du mal à affronter.

Black AngelsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant