Insouciance

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Lana s'arrêta devant la porte. Tous ses sens lui indiquaient de rebrousser chemin, de ne pas prendre le risque de se faire repérer, mais elle était bien décidée à découvrir la vérité. Cela faisait trop longtemps qu'il la gardait dans l'ignorance. Plusieurs années s'étaient écoulées depuis ce jour où elle l'avait interrogé sur cet endroit, et à chaque fois qu'elle essayait d'aborder à nouveau le sujet, il n'avait jamais cessé de lui répondre qu'elle était trop jeune pour savoir. Que pouvait-il bien y cacher ? C'était probablement le sujet qui l'intriguait le plus, enfin, ça et le fait qu'il disparaissait parfois pendant plusieurs jours pour s'aventurer dans le nord.

Au fil des années, elle avait imaginé un nombre incalculable d'hypothèses à propos de ce lieu qu'elle ne pouvait observer. Certaines dépassaient la limite du possible, mais elle se plaisait à penser qu'elles pouvaient se réaliser, comme y trouver une montagne de nourriture provenant du sud ou encore d'autres humains à qui parler. Jamais elle n'avait osé s'y introduire et maintenant qu'elle se trouvait devant le seuil, elle sentait son courage l'abandonner. Il faut dire qu'elle n'avait jamais enfreint l'une de ses règles, il criait bien trop fort pour cela. Mais puisqu'il n'était pas là, il ne pouvait pas vraiment crier sur elle, si ?

Elle prit une profonde inspiration, posa sa main sur la poignée, et dut s'y prendre à deux fois pour la tourner correctement. La porte s'ouvrit dans un faible grincement. Voilà donc l'endroit dans lequel il passait le plus clair de son temps, le seul endroit de la maison qui lui était interdit. Elle avança d'un pas avant de se figer sur place les yeux écarquillés. Ce qui se trouvait face à elle dépassait de loin tout ce qu'elle avait pu s'imaginer ces dernières années... Des parties humaines semblaient flotter dans des bocaux de verre, et pas qu'un peu. La pièce regorgeait d'organes en tout genre répartis sur les nombreuses étagères. À quel moment tout cela était-il arrivé en sa possession ? Elle se rapprocha d'un des récipients pour lire l'inscription apposée sur l'étiquette. Elle bondit sur place et recula sous le choc, il ne s'agissait pas d'humains... C'étaient des organes d'asuras qu'il conservait dans ces bocaux.

Il lui fallut un instant pour se remettre de cette découverte. Elle n'arrivait pas à déterminer si cela l'inquiétait plus ou moins que sa première pensée, mais ça n'en demeurait pas moins sinistre pour autant. Que pouvait-il bien en faire ? Elle avait entendu tant d'histoires horribles sur ces monstres qu'il était difficile de croire qu'il pouvait les conserver dans ses propres intérêts. Il devait y avoir une explication rationnelle à tout cela, et elle pouvait très bien se cacher dans cette pièce.

Elle passa la journée entière à contempler les bocaux avant que le soleil ne disparaisse à l'horizon et que l'obscurité imprègne l'endroit. Fatiguée, elle gagna son lit, mais bien trop de pensées défilaient dans son esprit que pour parvenir à fermer les yeux. Que lui arriverait-il s'il découvrait qu'elle avait bravé ses interdits ? Et que cherchait-il à prouver avec tous ces récipients ? Un tourbillon d'incertitude planait au-dessus d'elle, et en dépit de toutes ses inquiétudes, cela ne l'empêcha pas de retourner inspecter son bureau le lendemain.

Elle examina chacun des livres qu'elle pouvait trouver et observa les formules étranges sur les parchemins, tout cela en prenant soin de tout remettre exactement à sa place. Elle ouvrit également ses tiroirs, un par un, avant de s'arrêter sur une boite rectangulaire. Des inscriptions qu'elle ne connaissait pas reposaient sur sa tranche et une étoile avait été sculptée sur l'avant, et elle l'attrapa avec délicatesse pour la poser sur le bureau. Ce n'était probablement pas raisonnable de fouiller dans ses affaires avec tant d'acharnement, mais après tout, elle avait déjà transgressé l'une de ses règles en pénétrant dans son bureau alors une petite boite ne devrait pas changer grand-chose.

À peine eut-elle soulevé la partie supérieure du coffret qu'un rayon de lumière s'en échappa. Surprise, elle écarta ses mains, ce qui le referma aussitôt. Comment était-ce possible ? Cela paraissait inconcevable qu'une lumière jaillisse de cette chose, et elle s'imagina un instant que tout ceci n'était qu'une illusion pour la faire fuir, mais sa curiosité l'emportait de loin sur la crainte de cet étrange phénomène. Elle entreprit d'ouvrir le coffret à nouveau, cette fois-ci préparée à ce qu'il allait en surgir. Un éclat aveuglant envahit la pièce, mais elle ne se laissa pas distraire pour autant et souleva le bois avec précaution. Il lui fallut un peu de temps pour s'habituer à cette source et apercevoir cinq fioles reposer sur un tapis de velours. Chacune semblait émettre sa propre lumière, aussi pure que mille cristaux et si envoutante qu'elle ne parvenait plus à en détourner son regard. Elle était comme hypnotisée, mais des bruits étranges détournèrent son attention. Tous les bocaux de la pièce tremblaient sur les étagères, comme animés par une force invisible, et ils menaçaient de tomber pour se fracasser sur le sol. Prise d'un élan de panique, elle referma la boite, la rangea dans le tiroir, et sortit de la pièce aussi vite qu'elle le put. En fin de compte, il y valait peut-être une raison valable pour qu'elle ne soit pas acceptée dans son bureau...

Avalar - InsoucianceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant