Chapitre 47 : Souvenir n°4

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Trois jours avant

Ace me regarde, ses traits sont déformés par la colère alors qu'il se refuse à accepter mon choix. Et ça me tue d'encaisser une nouvelle dispute, ici assise dans mon fauteuil, incapable de bouger. 

—Chaque personne qui a la chance de venir au monde sait qu'un jour il devra le quitter.

—Mais pas maintenant ! T'es trop jeune.

—Je n'aurais aucun regret.

—Mais tu n'as pas eu le temps de profiter !

Il est résigné à croire que je fais le mauvais choix sans se mettre à ma place. Quand je le regarde, j'aimerai croire que ma vie sera parfaite à ses côtés mais dès qu'il quitte la pièce, je me rends compte que je suis bloquée ici. Et tout me prouve que rien ne sera plus comme avant, même son comportement envers moi a changé. Il agit comme si j'étais une fleur fragile faisant tout pour que mes pétales brillent. Il n'y a plus de taquineries, je ne peux plus le pourchasser, ni même l'embêter. Je n'ai que ma voix et mes yeux pour être avec lui. Je ne sens même plus ses mains sur ma peau si ce n'est quand il touche mon visage.

—Ce n'est pas la quantité qui fait la qualité Ace. L'histoire a un début et une fin mais le plus important c'est ce qui a entre les deux.

—Tu parles comme si c'était facile mais imagine la situation avec nos rôles inversées. Comment tu réagirais ?

Je baisse les yeux car c'est le seul mouvement que je peux effectuer pour me soustraire à son regard.

—L'histoire est comme elle est. Nous ne devons pas nous préoccuper des infimes possibilités de si.

Ma voix est si faible que je crains quelques instants qu'il ne l'ait entendu.

—C'est tellement plus facile de savoir que tes douleurs vont partir même si pour cela tu en rajoutes aux autres. Mais après tout tu n'as toujours pensé qu'à toi ! Crache-t-il.

—C'est tellement plus facile de me faire culpabiliser sans te mettre à ma place ! Je réplique les larmes aux yeux.

Trois jours, c'est le temps qu'il me reste avant de fermer les yeux à tout jamais et voilà qu'une énième dispute éclate. Je préférais utiliser ces dernières heures à profiter de lui au lieu de me disputer.

—Tu veux que je me mette à ta place ? C'est ça ? Mais pourquoi faire ? Pour comprendre que c'est mieux que tu te suicides ? Il y a tant de personnes qui vivent en étant tétraplégique alors...

—Mais ils ne sont pas moi ! Je vocifère.

Je prends une grande inspiration pour calmer mes nerfs. Des larmes bordent mes yeux mais cela ne fait pas baisser sa colère à mon égard. Il me déteste pour mes choix et je le comprends. J'ai imaginé des milliards de fois le scénario où nos places étaient inversées, où c'était lui dans ce fauteuil, où c'est lui qui m'annonçait qu'il voulait me quitter. Je n'ai que ça à faire de ma vie. Et à chaque fois, j'en suis venue à la conclusion que je n'aurais pas supporté qu'il fasse le choix de m'abandonner alors qu'il avait juré qu'il serait là jusqu'à ce que je n'aie plus besoin de lui.

—Ace, je suis morte dans cet accident, depuis je ne suis plus que la passagère de ma propre vie et je ne peux pas le supporter. Si j'avais su ce qu'il m'attendrait après mon réveil, je me serais laissé mourir.

—Ne dit pas ça.

Sa voix est suppliante. Je sais que mes mots le blessent car ils me tuent aussi pourtant ce n'est que la vérité. Depuis l'accident, je ne suis plus que l'ombre de moi-même, mais lui, il ne le voit pas car chaque fois qu'il est là mon cœur se réveille d'une longue nuit de torture.

—Cette année n'est qu'un laps de temps qu'on m'a donné en plus pour vous dire au revoir.

—Rien ne pourra donc te faire changer d'avis ?

Je ne réponds pas car ma gorge est serrée. J'affronte son regard accusateur qui m'écorche. Nous sommes en train de nous briser l'un l'autre, et j'en suis la cause. Je le regrette amèrement. Je regrette notre situation, notre amour. Tout aurait été plus simple si je n'avais pas accepté ce foutu taf mais tout aurait été aussi plus compliqué.

—Tu disais m'aimer mais à ce que je vois ton amour, s'il a déjà existé, est mort dans cet accident.

—Ace...

La porte claque dans son dos sans que je ne puisse le suivre. J'aurais aimé lui courir après mais j'en suis incapable. Alors, je m'effondre en larme dans ma chambre sans pouvoir les essuyer. Car même ça, j'en suis incapable.  

Hasta la muerte (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant